La capitale

L’intervention dans le centre de Bucarest s’inspire dans les textes du principe de modernisation du pays, celui d’une « société socialiste multilatéralement développée » : « ‘dans le prochain plan quinquennal, dès l’an prochain, nous allons construire le nouveau centre politico-administratif. Dans la pratique, on doit finir, pour ainsi dire, la reconstruction générale de la capitale. La systématisation du système des rues, ainsi lorsqu’en 1985, nous aurons le volume nécessaire d’habitations auquel je me suis référé, la capitale pourra devenir une ville socialiste multilatéralement développée qui constituera une fierté pour notre peuple’ »162.

L’intervention dans la capitale procède du même phénomène de réorganisation du territoire urbain quand bien même, le cas de Bucarest reste à part en raison de l’ampleur de la transformation. Cette ampleur est bien compréhensible dans la logique de la systématisation.

La logique du lieu, qui fait de Bucarest la vitrine idéale pour que s’exprime l’idéologie de « l’homme nouveau », comme nous le rappelle Georges Balandier : « ‘une ville capitale nouvelle matérialise une autre ère ; elle montre les commencements d’une entreprise collective ; elle est le spectacle que le pouvoir donne de la nation en action et de lui-même. Le décret la crée, et notamment pour lui conférer une force expressive ’»163. D’ailleurs, on ne peut s’y tromper à la lecture des propos du quotidien Scintea : « ‘on avait besoin de cette capitale moderne, ultra moderne et ultra fonctionnelle. On avait besoin au-delà du chaos de cette ville où on a vécu au hasard, de ce geste décisif et grandiose qu’on doit au grand dirigeant de la Roumanie, de la fondation d’un nouveau Bucarest. Parce que, en s’élevant saine, lumineuse et intègre, elle doit élever un nouvel homme, un nouveau comportement, dans une parfaite concordance du geste civilisé avec le marbre brillant des impressionnantes stations de métro, un des plus beaux métros du monde, avec le miroir de cristal de la Dîmbovitsa, devenue artère bleue’ »164. La logique de la figure du lieu, figure du couple Ceausescu par excellence où la présence du dirigeant se manifeste au quotidien. L’approche de la systématisation de la capitale nécessite un traitement à part qui tout en l’incluant dans le processus général de réaménagement du territoire consiste à la considérer comme un aboutissement grandiose de cette politique qui a mené à un traitement extrême du lieu de pouvoir.

Notes
162.

Discours de Nicolae Ceausescu lors de la conférence de l’organisation municipale du Parti. 9 novembre 1979.

163.

Ibid.

164.

Scintea 1987.