Le chantier

Le chantier était titanesque. L’ampleur de l’entreprise nécessita un investissement conséquent de main d’oeuvre sur le terrain. Sept cents architectes et vingt milles ouvriers sont intervenus sur le terrain. L’édifice qui mobilisa le plus de personnes reste le Palais du Peuple. Son état de quasi achèvement (60% en 1989) est le signe qu’il a occupé toutes les ardeurs des constructeurs :

‘« A un moment donné sur la Maison du Peuple, travaillaient 17 000 personnes. C’était une question effrayante, parce qu’on n’avait pas la possibilité de mettre en prise 17 000 personnes. Donc il y avait des personnes qui attendaient deux heures pour commencer leur travail » (M. C., ex-directeur d’insititut).’

Le chantier était tel que la main d’oeuvre locale n’était pas suffisante pour assurer le rythme de travail imposé. Afin d’y répondre, on fit fait appel à toutes les forces professionnelles de la nation. Des spécialistes de chaque domaine émigrèrent à Bucarest et furent engagés sur le chantier :

‘« Il y avait des ouvriers qui venaient de tout le pays pour travailler, des maçons, des bétonniers, des charpentiers » (M. S.)’

Le chantier du Palais du Peuple fut ininterrompu, il fonctionna 24 heures sur 24 à raison de quatre équipes d’ouvriers qui se relayaient toutes les six heures. Pour les ingénieurs ou les architectes, le régime était plus dur puisqu’ils devaient être présents à n’importe quel moment. Dans le cadre d’une politique d’imposition d’une nouvelle temporalité, la journée du dimanche chômé n’existait plus :

‘« Et nous à la coopérative, on travaillait pendant la nuit, le dimanche, ça ne comptait plus » raconte un décorateur qui travaillait en sous traitance dans une coopérative.’

Mises à part les cadences imposées, le chantier se déroulait de manière aussi normale que possible.

‘« Les conditions de travail sur le chantier étaient normales. C’était pas une prison, une inquisition. Les chefs de groupes étaient des ingénieurs civils, des hommes de bonne qualité. Les comportements étaient normaux, il n’y avait pas de sécuristes211. Il existait probablement dans le chantier un ou deux hommes qui observaient pour qu’il n’y ait pas de sabotage. Mais comme je vous l’ai dit, avec ce grand nombre de travailleurs, il n’était pas possible de les contrôler, de les obliger à faire quelque chose » (M. C., ex-directeur d’institut).’
Notes
211.

Nom donné aux membres de la Securitate, police politique. On soupçonnait les sécuristes d’être partout présent, prêts à dénoncer les attitudes non conformes.