« Les déménagés »

Pour que le Centre Civique voie le jour, il aura fallu au préalable détruire un cinquième de la ville - l’équivalent de la surface de Venise - et exproprier 40 000 personnes. Dès 1984, trois quartiers au coeur du centre historique de la capitale sont dans le viseur des pelleteuses et autres engins de destruction. Le revers de la médaille est celui de la quotidienneté de la monumentalité, une quotidienneté qui s’incarne dans la vie des habitants. De nombreuses analyses évoquent la relation de l’objet architectural au pouvoir politique. En revanche, il existe peu de témoignages sur la manière dont les habitants ont vécu au quotidien l’érection de cette monumentalité. Sauf à construire dans un lieu désertique, ce qui fut le cas pour Brasilia, Pyonyang en Corée du Nord, la reconstruction d’une partie de la ville engage forcément les habitants concernés dans l’histoire de l’édification. Le propos de ma démarche est de mettre en perspective le processus de construction en portant l’attention aux conditions dans lesquelles s’est effectuée l’approche du chantier pour les habitants des quartiers voués à la destruction. Pour les habitants, la rapidité de la mise en oeuvre du chantier entraîne l’immédiateté de leur départ et du déménagement, et l’absence totale d’informations sur les secteurs concernés par les travaux.