Les trois quartiers

Des trois quartiers il ne reste plus rien mis à part quelques îlots d’immeubles ou de maisons qui néanmoins nous laissent présager de l’atmosphère et des sites avant la destruction. Les trois quartiers qui furent détruits étaient de ces quartiers faits de ruelles et de rues biscornues principalement occupées par de petites maisons individuelles. Ils étaient, d’un point de vue architectural, révélateurs de cette spécificité de Bucarest à être une ville qui a harmonisé, à travers ces bâtiments, son héritage oriental et occidental. Cette spécificité est considérée par une grande partie de Bucarestois comme significative de l’allure générale de leur ville, à l’image de cette habitante :

‘Ce quartier là était l’un des plus anciens de Bucarest. Il y avait des maisons très jolies. Il y avait une combinaison d’orient et d’occident tout à fait spéciale. Il y avait une petite ruelle avec deux ou trois maisons et leur jardins. Il y avait aussi des petits immeubles cubistes. Moi je disais tout le temps que cette combinaison d’architecture nouvelle avec l’ancienne donnait une poésie tout à fait nouvelle que l’on ne rencontre dans aucune autre capitale. Il y avait trois petites collines qui montaient, et qui étaient splendides. Cette poésie avait lieu seulement chez nous, et bien tout a été démoli ». (Liana, une « déménagée »)’

Bien qu’il demeure à Bucarest quelques quartiers avec des maisons individuelles qui nous permettent de nous rendre compte de ce qu’ils furent jadis, ce sont surtout les témoignages des anciens habitants qui nous permettent d’appréhender la nature des quartiers démolis. Au gré des déambulations dans les ruelles, on remarque les petites maisons avec leur jardins. L’architecture des maisons n’est pas prétentieuse et les jardins fleuris dégagent au printemps un petit air de campagne. Dans ces quartiers proches des lieux fondateurs de la ville, il n’y a aucune grande bâtisse au style imposant mais plutôt des maisons-wagons (annexe photographique n°27) comme les appellent les Bucarestois.

‘« On les appelle des maisons wagons. C’est-à-dire qu’il y avait un couloir avec des fenêtres, on rentrait dans le couloir par une porte centrale, le couloir était long. Il y avait sept chambres et une porte par chambre. A l’intérieur de chaque pièce il y avait une porte, donc toutes les pièces étaient reliées les unes aux autres. C’était très beau quand il y avait toutes les portes ouvertes on pouvait voir d’un côté à l’autre de la maison et c’était beau ». (Ioana, « une déménagée »).’

Autour de chacune des maisons une cour ou un petit jardin.

‘« Il y avait un jardin devant la maison et un jardin qui était derrière. Il y a encore un des peupliers de la cour parce qu’il y en avait quatre mais c’est le seul qui est resté » (M. et Mme G.).’

Le caractère bucolique de cette partie de la ville était agrémenté d’éléments de patrimoine de grande envergure au regard de l’histoire de la ville. En raison de son ancienneté et de son rôle dans l’histoire du développement de la cité, au coeur des trois collines fondatrices, la zone accueillait des édifices religieux et civils. La valeur patrimoniale du site est incontestable et les premières visions des grues ont mobilisé les intellectuels roumains et étrangers pour tenter de préserver de la destruction quelques bâtiments. Mais les protestations sont restées vaines et seulement quelques uns ont pu bénéficier de ce soutien.