L’oralité ou les récits autour d’une construction

Le statut du Centre Civique dans l’univers urbain découle d’un double principe. Le premier principe est celui de l’incarnation. La construction et plus particulièrement la Maison du Peuple sont l’incarnation minérale d’un seul homme : Nicolae Ceausescu qui, à travers le système de construction et ses interventions hebdomadaires, se place comme l’architecte en chef du projet. Seuls ses décisions, qui se manifestent sous la forme d’ordres, donnent corps au projet. Le second principe concerne le statut du quartier en construction dans l’espace public. Son statut de construction nationale lui assigne une place à part dans l’espace urbain. Elle se traduit par des directives très claires qui interdisent le chantier à toutes les personnes qui sont en dehors du projet. Même les ouvriers sont soumis à des règles très strictes concernant leur intervention. Ces deux principes concourent à constituer le Centre Civique en un véritable îlot duquel la population reste à la périphérie. La marge dans laquelle elle se trouve, contrainte et forcée, la conduit à être que étrangère au processus de l’édification de l’ensemble. Etrangers lors de l’édification, étrangers les habitants de Bucarest le resteront une fois le projet abouti dans la mesure où l’espace est prévu pour accueillir les grandes fonctions de l’Etat et les membres sont concernés par celles-ci.

Or la construction intervient dans la vie des Bucarestois de manière quotidienne. Ils y sont confrontés par l’intermédiaire de la propagande qu’elle engendre, dans leurs déplacements qui sont soumis aux contraintes de la construction et enfin, de manière générale, de par les restrictions de tous ordres et notamment budgétaires que le projet nécessite.

Et pourtant, alors que les bucarestois se trouvent dans une situation de totale désinformation, leurs récits font part de leur connaissance du Centre Civique. Une connaissance plus onirique qu’empirique qui se base non pas sur la réalité du chantier en cours mais sur la production d’une connaissance dont ils sont les seuls producteurs.