2) Le monastère d’Arges

Pour ce qui est de la version roumaine, Mircea Eliade la considère comme supérieure aux autres en raison de sa cohérence et de sa structure. En effet, plusieurs éléments marquent la singularité de cette ballade. A la différence des autres variantes, la ballade roumaine est la seule qui débute par un rituel : la recherche d’un lieu propice pour la construction d’un monastère. Enfin, alors que toutes les versions se terminent au moment de la mort de l’emmurée, la variante roumaine conclut sur le sort de Maître Manole, chef des maçons et époux de l’emmurée, qui lui aussi se donne la mort pour aller la rejoindre. De plus, cette version est la seule à mettre en scène la construction d’un monastère, comme le dit Mircea Eliade : ‘« certes, ce choix s’explique en grande partie par l’existence réelle de tels ouvrages : l’imagination populaire a été frappée ici par la présence d’un pont, là par la construction d’un monastère, là encore par l’enceinte d’une cité. Mais une fois ces « objets réels » transfigurés en images, ils n’appartiennent plus à l’univers immédiat, à fonction utilitaire’ »284. Toutes ces raisons font de la version roumaine de la légende la variante la plus aboutie, c’est celle, selon l’auteur, qui exprime le mieux, d’un point de vue littéraire, le contenu mythique et métaphysique des légendes.

Notes
284.

Eliade M. De Zalmoxis à Gengis-Khan. Etudes comparatives sur les religions et le folklore de la Dacie et de l’Europe orientale. Payot, 1970, p. 174.