II - Cosmogonie politique

1 - L’épreuve de l’espace

Parallèlement à la circulation des rumeurs, histoires drôles ou mythes de fondation, la construction se poursuit suivant et mettant en oeuvre un projet politique singulier. Le principe qui a présidé à l’édification du centre politico-administratif, au coeur du centre historique de Bucarest, est simple. La construction s’édifie sur la base d’un projet idéologique de création d’un « homme nouveau », acte d’inauguration de la nouvelle ère roumaine, mise en application par le principe de « société socialiste multilatéralement développée », et appliquée au travers du programme de systématisation concernant l’ensemble du territoire. Mais à la différence du reste du pays, la capitale est un enjeu majeur, en tant que lieu du politique par excellence, devient l’objet d’une intervention singulière et unique. De manière évidente, le geste architectural propose la vision d’une nouvelle urbanité qui s’impose dans le traitement de l’ensemble. Il est important dans un premier temps de déceler ce qui est inédit, dans cette matérialité imposée à la ville et à ses habitants. Le propos consiste à considérer le nouveau Centre Civique comme un récit matérialisé de l’imaginaire politique dirigé par Nicolae Ceausescu. L’exemple de Bucarest est intéressant dans la mesure où le projet idéologique de l’Etat roumain s’est notamment exprimé à travers le réaménagement d’une partie de la ville.

Le choix d’une nouvelle urbanité est manifeste dans l’opération du Centre Civique. Elle se montre sous la forme de nouveaux éléments architecturaux et urbanistiques qui s’imposent dans l’espace urbain, au détriment des anciens qui sont volontairement effacés. Rappelons que Bucarest est l’unique ville au monde dont une grande partie de sa superficie fut détruite en temps de paix. A l’actif de ces nouveaux éléments, il faut prendre en considération la nouvelle orientation proposée par l’implantation géographique du nouveau quartier, le nouvel ordre politique qui s’habille d’une centralité et d’un recentrement de ses fonctions, l’instauration d’une nouvelle conception de l’espace et enfin la suppression des cadres préexistants, supports de mémoires que sont les quartiers, les édifices, la trame urbaine.