Le concept de centre civique

Le concept de Centre Civique est préexistant à l’apparition de Ceausescu sur la scène politique roumaine. Elaboré pendant l’entre-deux-guerres par l’école de sociologie roumaine, il fut défini en son temps comme un des moyens de moderniser les institutions politiques du pays. L’objectif principal de ce nouveau dispositif urbain est de rendre les institutions d’Etat plus accessibles aux bénéficiaires. Situé au coeur du centre des villes, déjà, une structure est envisagée qui regrouperait en un même lieu tous les services. A la même période, en 1935, la capitale est soumise à une réflexion similaire, dans laquelle, l’implantation et l’accessibilité des services de l’Etat est mise en avant. Un mémoire justificatif du plan de systématisation de la capitale est proposé aux autorités. En son temps, il propose un traitement pratiquement identique à celui qui est mis en oeuvre en 1984 par Nicolae Ceausescu : trouver un nouvel emplacement pour le Parlement car la proximité avec l’église de la Patriarchie est préjudiciable à cette dernière. La colline de la Métropolie étant trop petite pour accueillir les représentations du pouvoir religieux et du pouvoir politique. Le Sénat, situé sur Calea Victoriei, quant à lui, devrait avoir un emplacement plus représentatif et être situé en hauteur. La proposition consiste à rassembler les deux chambres dans un seul et même bâtiment. Le choix du site se porte sur la colline de l’Arsenal alors inoccupée et serait en mesure de procurer cette position de hauteur tant désirée par les autorités : ‘« de cette manière, le Parlement serait situé sur la plus importante colline du centre ville’ ». Au sujet des ministères, qui n’ont pas tous des locaux propres, il est envisagé dans un premier temps de tous les regrouper sur un même site, mais pour des soucis d’encombrement, il semble préférable d’adopter une autre solution, celle de l’éparpillement des édifices. Enfin, en 1935, l’idée de construction d’une cathédrale est projetée même si la construction ne paraît pas encore d’une totale actualité. « ‘Il y a quelques années cette question paraissait d’une actualité imminente, tandis qu’à présent, elle paraît éloignée. Comment pourrait-on empêcher en ce moment la réalisation de ce programme, on doit prévoir l’emplacement définitif afin de pouvoir être prêt en temps voulu’ » déclaraient les autorités. L’étude d’un site approprié doit tenir compte des impératifs de construction d’un tel édifice : l’orientation obligatoire de l’autel vers l’est élimine petit à petit un certains nombres de terrains. Le bas de la colline de la Métropolie semble adéquate, d’autant plus que l’idée n’étant pas nouvelle, une pierre de fondation a déjà été ensevelie à cet endroit. Enfin, le dernier édifice envisagé est celui qui doit accueillir l’art lyrique. On lui prévoit aussi un emplacement représentatif sur les bords de la Dîmbovita.

Les propositions du mémoire justificatif de 1935 agissent dans le souci d’une meilleure représentation des lieux de pouvoirs religieux et politiques dans la ville, mais surtout interviennent dans une période de prospérité économique. La période de l’entre-deux-guerres est une des plus fastes de la vie économique roumaine. La création d’un Etat national unifié en 1918 a engendré un développement rapide de l’économie. La crise de 1929 n’a pas de répercussion majeure dans le pays et, paradoxalement, stimule les marchés financiers et notamment les investissements immobiliers. Parallèlement, l’apparition des nouvelles techniques de construction augurent d’un potentiel de construction à moindre coût des bâtiments d’envergure. Les années 30 marquent l’apparition de l’architecture moderne considérée à l’époque comme : « ‘un symbole de progrès et d’ouverture sur la civilisation du 20ème siècle. C’est l’époque où l’architecture connaîtra une vive expansion tant en qualité qu’en quantité, marquant définitivement la silhouette de la capitale et de quelques grandes villes du pays’ »339. Le contexte économique, culturel et politique de la Roumanie de l’entre-deux-guerres répond aux aspirations de modernisation des institutions publiques et le mémoire justificatif de 1935 s’inscrit dans une dynamique généralisée à l’ensemble des activités du pays.

Notes
339.

Machedon L. et F., « Modern architecture in Romania, 1920-1940 » in Bucharest in the 1920’ - 1940’ bethween avant-garde and modernism. Simetria, Bucuresti, 1994. (traduction effectuée par mes soins), p. 73.