L’ethnographie du monument est le point de départ de cette réflexion, point de départ qui s’enracine dans une incompréhension initiale : le sens de cette élévation. Par extension, la question s’est déplacée vers une tentative de comprendre les imaginaires - politiques et urbains - qui ont présidé à son érection. Il est temps, maintenant, après s’être appuyée sur « l’ethnographie de l’élévation », de revenir sur la notion de monument afin de déceler la nature de celui qui nous occupe. Mais si nous revenons sur le monument, c’est bien une dernière fois pour interroger le Centre Civique. L’ensemble architectural et urbanistique est-il un monument ? Question essentielle, car elle concerne tant son histoire que son avenir. Le monument est un signe, au sens sémiologique du terme, un signe qui a un double intention. La première des intentions est d’exprimer un souvenir, souvenir d’un temps, d’un événement ou d’un personnage, d’une histoire passée. La seconde est une projection dans l’avenir du temps présent, passage dont le monument serait le garant, le médiat : « ‘médiat , au sens où l’entendent les ethnologues, le monument s’érige comme un bétyle et relie le temps à l’instar de Janus, mais il ne peut le faire sans la définition d’un espace singulier ’»346. La double fonction du monument l’identifierait à la figure de Janus, ce Dieu romain, gardien des portes de Rome, chargé de contrôler les entrées et les sorties. En raison de cette double attribution, un double visage représente Janus. Le monument serait donc un Janus minéral, gardien des entrées et des sorties de la société dans laquelle ou pour laquelle il est érigé.
Souchier E., « Le monument objet de sémiologie » in Commémorer autrement l’espace public ? Ecole Nationale des Beaux-arts de Lyon, 1999, p.38.