1. La remise en question du schéma monocentrique

Les restructurations des localisations intramétropolitaines apparaissent profondes, et assez largement communes à l'ensemble des pays industrialisés, même si leurs formes et leur intensité peuvent varier [Freestone, Murphy, 1998 ; Philippe et al., 1998]. Elles se traduisent par un étalement croissant, c'est-à-dire une extension du territoire des implantations, et parallèlement une transformation de la structure monocentrique, basée sur l'existence d'un centre constitué historiquement 5 et dominant sa périphérie, au profit de l'apparition de pôles, qui peuvent être ou non articulés à ce centre et entre eux [Decoster, 1976 ; Garreau, 1991] : “ even sprawl is far from homogeneous ”, résument A. Anas et al. [1998, 1427]. Nous sommes donc bien loin de certaines analyses qui, comme l’évoquait P. Aydalot [1979] à la fin des années soixante-dix, prévoyaient une homogénéisation progressive des structures intraurbaines... Au contraire, les pôles périphériques 6 , zones privilégiées de concentration des entreprises contrastent avec des espaces moins favorisés [Lacour, 1996 ; May, 1995].

La configuration des axes de transport semble exercer une influence majeure dans la localisation et le développement de ces pôles [White, 1976]. Point d'orgue de ces transformations, le rôle du centre historique est susceptible d'évoluer, de s'atténuer, voire de décliner [Bourne, 1992 ; Lévine, 1993 ; Porter, 1995]. Aux Etats-Unis, les “ edge cities ” [Garreau, 1991] sont une réalité, qu’il convient toutefois de relativiser dans la mesure où toutes les métropoles américaines ne se structurent pas selon le même modèle : certains pôles périphériques ne sont pas des “ edge cities ”, c’est-à-dire de nouvelles villes, mais forment des espaces dédiés à une fonction précise (industrielle, commerciale ou bien de services), voire sont des centres secondaires anciens [Mc Donald, 2000]. Ailleurs, en Europe comme au Canada, les transformations semblent, du moins pour l'instant, plus modestes [Bourne, 1989 ; Léo, Philippe, 1998-a], mais bien réelles [Gaschet, 2000]. Traduisent-elles une évolution progressive vers le modèle américain des “ edge cities ”, auquel cas les mutations actuelles ne différeraient en quelque sorte de celles des Etats-Unis que par leur degré d’avancement, ou bien la nature et les formes de la multipolarisation sont-elles fondamentalement différentes ? Une synthèse de plusieurs travaux, effectuée en première partie de ce travail, ainsi que notre propre analyse de la métropole lyonnaise, dans la partie suivante, nous permettront d’apporter des éléments de réponse à ces questions essentielles. Mais d’ores et déjà, nous pouvons émettre deux hypothèses.

Notes
5.

C’est pourquoi nous parlons pour le désigner de centre historique.

6.

Pour une discussion plus précise sur les notions de centre et de pôle, voir la partie 1.