La dynamique de multipolarisation soulève logiquement des enjeux en termes d'aménagement du territoire. L'éclatement des métropoles en plusieurs pôles, séparés par des zones délaissées ou dédiées seulement au transit, fait craindre un approfondissement de la division économique et fonctionnelle urbaine [May, 1995]. Par ailleurs, la multiplication des pôles affecte nécessairement les déplacements [Wiel, 1999]. Divers modèles se sont d'ailleurs penchés sur les conséquences, en termes d’évolution des coûts de ces déplacements, de telles transformations. Si le modèle standard monocentrique prévoit une augmentation de la congestion avec la taille de la ville, dans la mesure où seuls les mouvements radiaux sont pris en compte [Richardson, 1988], l’impact de la ville polycentrique diverge selon les analyses [Suzuki, 2000]. Dans la mesure où la plupart des modèles font l’hypothèse que les résidents se localisent près de leur lieu d’emploi [Gordon et al., 1989], et où ne sont considérés que des allers/retours entre le domicile et le travail, la ville multipolaire constitue généralement dans ces modèles une réponse bénéfique. Ainsi, M. Fujita et H. Ogawa [1982] ont montré qu’un ou plusieurs pôles émergeaient dès que les coûts de transport dépassaient un certain seuil. La conclusion de K. Sasaki et S.I. Mun [1996] est identique. Pourtant, on sait d’une part que l’étalement urbain s’accompagne plutôt d’une dissociation habitat/emploi [Tabourin et al., 1995], et d’autre part que le motif travail ne représente plus qu’une fraction du total des déplacements, même si cette fraction exerce un impact fort sur la congestion, puisque ces mouvements ont lieu aux heures de pointe.
La plupart des analyses économiques en termes de niveau de bien-être et d’utilité concluent également à un effet positif de la ville multipolaire. K. Sasaki et S. I. Mun [1996] montrent que le choix de l’emplacement du pôle secondaire, et donc le rôle de l’autorité locale, sont à cet égard déterminants. Si cet emplacement est choisi de façon “ optimale ” 8 , alors la ville multipolaire bénéficie globalement d'un meilleur fonctionnement que la ville monocentrique. M.J. White [1976] conclut également que l’introduction d’un pôle a un effet bénéfique sur le bien-être de l’ensemble des ménages, aussi bien ceux qui restent au centre historique que ceux qui vont se localiser dans le pôle secondaire. V. Henderson et A. Mitra [1996], qui considèrent la mise en place non plus d’un simple pôle secondaire mais d’un véritable centre (“ edge city ”), sont toutefois plus mesurés. Ils montrent que plus le centre secondaire est localisé près du centre historique, plus l'efficacité des échanges entre les entreprises est améliorée, mais plus les rentes foncières résidentielles, ainsi que les déplacements pendulaires, sont élevés. Y. Zhang et K. Sasaki [1997] concluent de même à une augmentation des rentes foncières en périphérie, plus précisément dans et à proximité du ou des pôles secondaires.
Ces approches demeurent malgré tout très théoriques, et l'impact réel des mutations intraurbaines sur le fonctionnement global des villes reste encore largement à explorer.
En théorie, la localisation doit être telle que l’augmentation des coûts de communications entre entreprises (du fait qu'elles ne sont plus toutes au centre) est exactement compensée par la baisse des coûts de déplacement [Sasaki, Mun, 1996].