B. Tertiarisation de l'économie et développement des services aux entreprises

La part des emplois tertiaires en France est passée, entre 1906 et 1989, de 28% à plus de 64% [Gadrey, 1992, 9]. A l'heure actuelle, elle est supérieure à 66% [Grand Lyon Prospective, 1999]. Cette croissance ne traduit pas la disparition progressive du secteur secondaire, mais plutôt une profonde recomposition du système productif, caractérisée par une interpénétration croissante de l’ensemble de ses composantes [Bailly et al., 1984; Barcet, Bonamy, 1988] : le tertiaire moderne ne se développe pas, comme on a longtemps pu le croire, en opposition au secteur secondaire, mais de façon complémentaire [Bailly, Maillat, 1986], de sorte que la distinction biens/services tend progressivement à devenir obsolète, ou du moins demande à être remise en question [Broussolle, 2000 ; Gadrey, 2000].

A partir de la fin des années quatre-vingt, les différentes activités constituant le tertiaire ont en réalité connu des dynamiques différenciées. J. Gadrey [1992] distingue ainsi trois groupes, selon la nature de l’évolution de leur poids relatif dans l’emploi total sur la période 1970/1992. Premièrement, un tertiaire à croissance lente, voire en stagnation : il s’agit du commerce et des transports et télécommunications. Deuxièmement, un tertiaire à croissance régulière mais modeste en comparaison avec le dernier type, et qui est composé des services non marchands (hors santé publique). Troisièmement, un tertiaire à croissance remarquable, qui regroupe les services marchands aux ménages et deux secteurs au dynamisme encore plus marqué : la santé et les services aux entreprises. Ces derniers demeurent malgré tout sensibles à la conjoncture, et leur progression a connu un léger ralentissement au début des années quatre-vingt dix [Fontaine, 1993].

Plusieurs explications ont été avancées quant à la croissance du tertiaire [Marshall, Wood, 1995 ; Martinelli, 1989]. Elle résulte en fait de la conjonction de facteurs interdépendants [Beyers, 2000]. Deux arguments semblent plus spécifiquement adaptés au cas des services aux entreprises.

Le premier se réfère à l’augmentation de la demande, du fait des changements opérés dans le système productif, concernant notamment la complexité croissante des transactions économiques et l’augmentation des besoins en informations [Bailly, Coffey, 1991 ; Lambooy, 1989]. Cette évolution a directement généré la création et le développement de services nouveaux, relatifs notamment à l’utilisation de nouvelles technologies. Les services aux entreprises, en particulier ceux de conseil, apportent aux entreprises une meilleure connaissance des marchés et accroissent leurs capacités d’anticipation et d’adaptation aux changements [Gallouj, 1996]. Ces activités répondent plus précisément à trois grandes catégories de besoins [Barcet, Bonamy, 1985] : d’une part des contraintes de commercialisation (publicité et études de marché), d’autre part des exigences liées à l’administration de la production (gestion de l’innovation et gestion de la production), et enfin un souci de maîtrise de l’information, qui induit notamment un développement de l’informatisation.

Le second argument s'appuie sur l’augmentation du recours à l’externalisation des prestations de services [Fontaine, 1988 ; Sabatier, 1996]. Cette pratique apparaît surtout comme un facteur de flexibilité, de réduction des coûts et donc des risques pour les entreprises [Beyers, Lindhal, 1996 ; Bailly, Coffey, 1991 ; Coffey, Drolet, 1996]. Elle provient d’ailleurs autant de la sphère industrielle que de la sphère des services elle-même [Thomas et al., 1991], et concerne désormais aussi bien les grandes entreprises que les PME 13 [Bonnet, Reboud, 1991]. Parallèlement cependant, la part des activités de services au sein des entreprises industrielles a elle aussi connu un fort développement [Coffey, Polèse, 1987 ; Sabatier, 1996]. Le choix du mode de recours (internalisation ou externalisation) dépend en fait à la fois des conditions locales de l’offre (plus le milieu d’implantation est riche, et plus l'activité aura tendance à recourir à des prestataires externes), mais également des caractéristiques de l’entreprise, dont sa taille, ou encore de la nature de la prestation à effectuer, en particulier selon que cette dernière exige ou non la confidentialité [Delgado, 1997].

Notes
13.

PME = Petites et Moyennes Entreprises.