A. L’espace intraurbain : un système composé de sous-espaces hétérogènes

Une dimension fondamentale de notre travail repose sur le fait qu'il est possible de découper l'espace intraurbain, de façon à mettre en évidence des sous-espaces de nature différente, entretenant entre eux des relations complexes. Nous retenons pour ce faire la formalisation proposée par C. Baumont et J.M. Huriot [1996], inspirée de la définition d’un espace géographique proposée par H. Beguin et J.-F. Thisse [1979]. Plus précisément, l'espace intraurbain est appréhendé comme un espace pré-géographique, “ constitué de supports élémentaires de localisation, séparés par des distances ” [Baumont Huriot, 1996, 9]. Sa structure est fonction des attributs de ses différents supports (ou sous-espaces), mesurés en termes de densité, de nature des localisations (comme le statut social des résidents ou encore la composition sectorielle des activités), mais également de leur niveau d’attractivité, d’accessibilité ou encore de centralité [Huriot, Perreur, 1994]. Nous pouvons donc, en suivant C. Lacour [1996], représenter la ville et ses composantes par une série d’indicateurs, de la forme Ed s, où E représente des effectifs (emplois etc.), s des niveaux de spécialisation définis relativement à la problématique, et d un indicateur spatial matérialisé par la distance au centre. Un sous-espace urbain est alors “ apprécié par référence à une somme d’indicateurs
” [Lacour, 1996, 278]. Il nous semble que ces attributs doivent également, et de façon complémentaire, être évalués par l’analyse des avantages et des inconvénients qu'ils présentent pour les activités économiques qui choisissent de s’y implanter, à partir de leurs facteurs de localisation. Ce point sera plus largement développé dans le chapitre suivant.

La structure intraurbaine est également caractérisée par les relations qu'entretiennent les différents sous-espaces : elles peuvent être hiérarchiques, de complémentarité ou de concurrence, et sont de surcroît susceptibles d’évoluer au cours du temps. Elles peuvent être analysées là aussi à travers une multitude d’indicateurs. Il est intéressant, par exemple, de considérer les flux de diverse nature qui existent entre les sous-espaces : flux de déplacements (domicile/travail etc.), flux des localisations et des délocalisation d'entreprises, et plus généralement mesures de la Turbulence [Lacour et al. 1998]. On peut également s’attacher à établir des comparaisons en termes de fonctions assurées, pour la population mais aussi pour les entreprises, par chacun des sous-espaces, voire le degré de rareté de cette fonction à l’intérieur de la ville considérée. On est alors proche du modèle des places centrales, même si c’est à une autre échelle [Decoster, 1976]. Enfin, il est utile de se pencher sur les “ comportements ” des activités économiques implantées dans chaque sous-espace. Un aspect important concerne les modalités du recours aux autres parties de la ville, ainsi qu'à l’extérieur de cette ville, par exemple en termes de recrutement de la main d’oeuvre, ou de choix des fournisseurs, des sous-traitants et des éventuels partenaires, ou encore de localisation des clients. Ces deux dernières catégories de paramètres, à savoir la nature des fonctions exercées ainsi que les caractéristiques du “ comportement ” des activités économiques, permettent notamment d’apprécier le degré d’autonomie du sous-espace considéré au sein de la métropole, tout spécifiquement par rapport au centre historique. Un exemple probant de mise en oeuvre de tels critères est constitué par les travaux qui, comme ceux de K.R. Ihlanfeldt et M.D. Raper [1990], ou encore A. Schwartz [1993], analysent la provenance des achats de services des firmes implantées dans la périphérie de plusieurs métropoles des Etats-Unis. Les auteurs soulignent par cette méthode la dépendance forte qui subsiste en la matière vis à vis du centre, et en concluent à un manque d’autonomie des sous-espaces périphériques.