2. Choix de localisation et déplacements intraurbains

Une conséquence importante des choix de localisation concerne les déplacements intraurbains. Les nouvelles configurations, plus multipolaires, sont en effet susceptibles d’avoir un impact important en la matière. Réciproquement, les évolutions de la mobilité contribuent à façonner les espaces. Ces processus s’alimentent en fait l’un l’autre [Wiel, 1996 et 1999], notamment parce que l’accès élargi à la voiture particulière et le développement des réseaux de transport favorisent la périphérisation [Péguy, 2000] : celle des ménages, qui peuvent aller habiter plus loin du centre, sans se soucier forcément de leur lieu de travail, mais également celle des activités économiques, qui suivent la population (le commerce par exemple), s’adaptent aux nouveaux modes de vie (cf. les grands centres commerciaux), ou encore suivent les autres entreprises déjà implantées en périphérie, afin de se positionner sur de nouveaux marchés. L’évolution des localisations conditionne de nouvelles pratiques de déplacements [Beaucire, 1995 ; Wiel, Rollier, 1993]. En particulier, les mouvements entre sous-espaces périphériques connaissent une très forte augmentation [Madre, Maffre, 1997 ; Orfeuil, 1997]. Or ils s’effectuent de préférence en voiture, en partie parce que les réseaux de transport en commun y sont mal adaptés. Dans les grandes agglomérations, la mise en place de Plans de Déplacements Urbains (PDU), imposée par la LOTI 37 de décembre 1982, puis réaffirmée par la loi sur l'Air 38 , et dont l’importance a été récemment soulignée par la loi sur la Solidarité le Renouvellement Urbains (SRU) du 13 décembre 2000, répond à l’exigence de réduire la place de la voiture en ville et de renforcer celle des autres modes de déplacement.

Comment évaluer précisément l’impact réciproque de l’évolution des localisations des entreprises sur la mobilité ? Il existe plusieurs types d'approches. Certaines visent à déterminer les modes de transport utilisés par les clients pour les déplacements en fonction du lieu de destination [Orfeuil, 2000] : il apparaît que les activités qui sont situées au centre ont une zone de chalandise plus étendue, mais sont plus souvent fréquentées à pied par une clientèle de proximité, tandis que celles qui sont localisées en périphérie ont certes une aire de marché moins étendue, mais sont fréquentées préférentiellement par des clients en voiture, même lorsque les distances sont très courtes. Les activités périphériques ont donc potentiellement un plus grand impact sur les déplacements motorisés. L’analyse de G. Pivo [1993] à Toronto complète cette approche. L’auteur classe les pôles intraurbains qu’il a mis en évidence (cf. supra) en fonction de leur accessibilité 39 . Il distingue ainsi six catégories : des “ Primary Transit Clusters ” et des “ Secondary Transit Clusters ”, proches des stations de métro et du CBD, et qui sont de taille plus grande que les autres types (excepté les “ Major Auto Clusters), des “ Common Clusters ”, nommés ainsi car ils sont les plus fréquents, des “ Interchange Clusters ”, de petite taille et proches des échangeurs autoroutiers, des “ Major Auto Clusters ”, de grande taille, implantés loin du centre et des stations de métro mais à proximité des autoroutes, et enfin des “ Outlying Clusters ”, éloignés du centre et des autoroutes. L’auteur analyse alors l’influence de chacun des six types en termes de déplacements. Il montre que les pôles proches des stations de métro génèrent 12% de moins de trajets en voiture, ou encore que plus les pôles sont excentrés, plus ils produisent de trajets automobiles, ce phénomène étant accentué lorsqu’ils sont éloignés d’une ligne de métro.

Une autre approche intéressante, et qui sera mise en œuvre dans ce travail, a trait à l’évaluation de l’impact des différents moyens de transport sur les choix de localisation des entreprises en intraurbain, tant en ce qui concerne les mouvements des employés et du chef d’entreprise, que ceux à caractère professionnel (rencontre des clients etc.). D'autant plus que ces derniers, nous le verrons, tiennent une place déterminante pour les activités de services aux entreprises. Il s’agira d'évaluer d’une part si l’emplacement des lieux de résidence constitue un facteur dans le choix de localisation de l'entreprise, et d’autre part quel type d’accessibilité est privilégié (par la route, par les transports en commun, etc.).

Notes
37.

LOTI = Loi d’Orientation sur les Transports Intérieurs.

38.

Du 31 décembre 1996.

39.

Les variables d’accessibilité considérées sont relatives à la distance au centre historique, à l’accès à une autoroute et à l’accès (pédestre) à une station de métro.