1. De la Nouvelle Economie Urbaine (NEU) à l’Economie Géographique

Dans le modèle de W. Alonso et ses dérivés, l’attrait des entreprises pour le CBD s’explique par le fait que le centre est le lieu du marché, mais aussi le sous-espace urbain le plus accessible, donc le plus convoité [Derycke, 1982-b]. L’explication de la préférence pour la centralité est donc simple, mais relativement fruste. Elle est d’ailleurs contrariée par nombre d’analyses, qui soulignent par exemple l’importance de la congestion du trafic routier, et donc la dégradation des conditions d’accessibilité au centre [Voith, 1998-b].

Les modèles polycentriques de l’Economie Géographique considèrent quant à eux, outre les coûts de transport, des forces plus complexes d’organisation de l’espace. Ce type d’analyse est plus riche que le précédent, car il permet d’expliquer la constitution des structures intraurbaines, et pas seulement l’agencement des localisations autour d’un centre donné [Baumont, Huriot, 1996].

Les concentrations locales d’entreprises résultent dans ces travaux des interactions entre les agents, lesquelles sont principalement interprétées en termes d’économies d’agglomération. De quelle manière ce concept est-il adapté à l’espace intraurbain ? A la suite du modèle de M. Fujita et H. Ogawa [1982], les externalités prises en compte sont généralement des externalités d’informations, supposées influer directement sur la productivité de l’entreprise : les échanges d’informations augmentent en effet avec le nombre d’entreprises présentes alentour, tandis qu’ils sont affectés négativement par la distance. Pour représenter ces éléments, les auteurs introduisent le concept de potentiel de localisation, qui croît avec le nombre d'activités localisées le long d’un segment donné, ou dans un périmètre donné si l’on modélise une ville à deux dimensions. Selon les cas, ils concluent à la formation d'un ou plusieurs centres (graphique I-4).

Graphique I-4 : Les configurations possibles d’équilibre
Graphique I-4 : Les configurations possibles d’équilibre

L’arbitrage entre les forces de concentration et celles de dispersion dépend d’une part du niveau d’un certain nombre de paramètres-clés - comme les coûts du transport ou encore les échanges d’informations -, et d’autre part du degré de sensibilité à ces différents paramètres des agents en présence (population et entreprises). Dans le cas des entreprises, cette sensibilité peut notamment être liée à l’appartenance sectorielle, et plus précisément à la nature de l’activité exercée : le modèle de M. Ota et M. Fujita [1993] distingue ainsi entre les activités de “ front office ” (conception, décision), c'est-à-dire de haut niveau, nécessitant l’échange d’informations tacites donc des face à face fréquents entre partenaires, et les activités de “ back office ” (réalisation), plus banales et qui ont recours à des informations pouvant être codées.

Certains modèles retiennent par ailleurs le fait que l’évolution de la structure de la ville est, dans une large mesure, contrôlée ou du moins encadrée par des “ grands agents ” - grandes entreprises, promoteurs ou pouvoirs publics - [Fujita et al., 1997 . Henderson, Mitra, 1996]. Ceux-ci peuvent décider de favoriser le développement de tel ou tel sous-espace urbain, notamment en finançant des biens publics, comme les infrastructures de transport [Beckerich, 2000], ou encore en mettant en place des zones d’activité.