B. Les apports du modèle de localisation intraurbaine des activités de bureaux de J.M. Clapp [1980]

Le modèle de J.M. Clapp [1980] nous semble doublement intéressant. D’une part, il s’intéresse spécifiquement aux activités tertiaires. D’autre part, il se place dans un espace urbain polycentrique.

1. Un modèle de la NEU adapté aux services

Le territoire considéré se compose d'un CBD et d'un pôle secondaire. Ce dernier assure une partie des fonctions du centre, puisqu’il est capable de fournir un certain nombre de services. La présence d'un tel pôle permet de relâcher l'hypothèse du recours systématique au centre, qui se traduisait dans le modèle monocentrique classique par la seule prise en compte de déplacements radiaux. Au contraire, J.M. Clapp retient aussi l’existence de mouvements vers le pôle secondaire, même si les entreprises ont toujours besoin d’assurer un certain nombre de trajets vers le CBD. Deux types de mobilité sont pris en considération : d’une part les déplacements pendulaires des employés, ces derniers étant supposés être localisés au CBD. Le calcul du coût des allers-retours domicile/travail tient compte, outre du transport proprement dit, de la valeur monétaire du temps passé à se déplacer, élément déjà introduit par L. Wingo [Derycke, 1996]. J.M. Clapp évalue d’autre part la valeur des déplacements professionnels (nommés aussi par la suite déplacements d’affaires). C'est là à notre avis l’un des intérêts majeurs du modèle : en effet, les services manifestent des besoins en termes de rencontres face à face avec les clients, voire avec d'autres entreprises, ], tout particulièrement d'autres entreprises de services [Ihlanfeldt, Raper, 1990], que celles-ci constituent des partenaires ou des fournisseurs [Philippe, Monnoyer, 1989]. Or les opportunités de contacts sont, dans le schéma monocentrique, une fonction décroissante de la distance au CBD, car ce dernier offre en théorie la plus grande possibilité ainsi que la plus grande diversité de contacts [Coffey, Polèse, 1987 ; O’hUallachain, Reid, 1992]. Il est le lieu où les proximités sont maximales [Lacour, 1998], et où est facilitée la circulation des flux d’informations [Voith, 1998-b] : la recherche de la minimisation des déplacements vers le CBD implique de se localiser le plus près possible du centre. Mais la présence d’un pôle secondaire, capable de fournir un certain nombre de services - et nous ajoutons aussi : de clients - permet aux entreprises d’assurer, ailleurs qu’au centre, un certain nombre de contacts, et peut de la sorte constituer une incitation forte à s’en éloigner. Ce phénomène est d’autant plus accentué que les salaires sont supposés, dans le modèle, être moins élevés en périphérie qu’au centre, ce qui à notre avis n’est pas vraiment réaliste, du moins à l’échelle des métropoles françaises.

Finalement, la fonction de production Q et la fonction de profit P d’une entreprise donnée ont la forme suivante, classique pour ce type de modèles :

Q = A1Lz1S z2Fc z3Fs z4 (fonction de type Cobb-Douglas)

P = pQ - (w-tnu)L - R(u,x)S - tnuFc

-t(us-u)Fs si u<us

+t(us-u)Fs si u u>us

avec:

  • Q, L, S = output de l’entreprise de services, input “ travail ”, surface de l’activité
  • Fc = nombre de déplacements pendulaires nécessaires pour produire une unité de service
  • Fs = nombre de déplacements d’affaires nécessaires pour produire une unité de service
  • p, w, R(O,x) = prix du marché au CBD pour une unité de produit, de travail, et de surface
  • tn = prix par unité de distance (incluant la valeur du temps) pour un déplacement pendulaire
  • t = prix par unité de distance par déplacement d’affaire
  • u, us = distance entre l’entreprise et le CBD, distance entre l’entreprise et le pôle secondaire
  • x = caractéristiques de l’environnement de l’entreprise et de l’immeuble qu’elle occupe : ce paramètre représente les aménités locales
  • A1, zi = paramètres de la fonction de production tels que :

La fonction de production dépend donc directement du facteur travail et de la surface occupée (qui matérialisent la “ taille ” de l'entreprise), ainsi que des déplacements domicile/travail (Fc) et des déplacements d'affaires (Fs) nécessaires pour produire une unité de service.

Le profit (à une localisation donnée) est égal au bénéfice des ventes, c'est-à-dire au produit de la production par le prix (pQ), diminué des coûts fonciers, qui dépendent de la distance au CBD (u) et des conditions locales (x), des coûts liés aux trajets pendulaires des employés, qui varient avec le prix unitaire du déplacement (tn) et la distance au CBD, et enfin du coût des déplacements d'affaires. Ces derniers sont une fonction directe du volume de déplacements nécessaires (Fs), de leur valeur unitaire (t) et de la localisation de l'entreprise par rapport au CBD et au pôle secondaire 43 .

L’entreprise cherche à se localiser en maximisant sa fonction de profit. Notre propos n’est pas de développer ce point, mais de déterminer, à partir du modèle, les éléments qui peuvent expliquer les choix de localisation des services aux entreprises en intraurbain, en particulier la concentration dans ou à proximité de pôles secondaires.

Notes
43.

La ville étant linéaire, seule la distance au centre caractérise les localisations.