3. L’identification d’autres forces de périphérisation dans le modèle

Une force centrifuge significative provient bien évidemment du fait de l’existence même d’un pôle secondaire. La prise en compte d’un espace urbain déjà structuré par de précédentes phases de périphérisation qui ont concerné certaines activités et certaines populations et ont produit un espace de concentration alternatif au CBD, constitue d’ailleurs l’un des aspects les plus intéressants du modèle.

Les différentiels de coûts entre le centre principal et la périphérie jouent également un rôle important. Il s'agit principalement des coûts fonciers : le fait qu’ils soient moins élevés en périphérie constitue une force centrifuge. Il convient à notre avis d’ajouter à ce raisonnement la prise en compte des écarts en termes de fiscalité locale. En particulier, le taux de la taxe professionnelle est très variable selon les communes d’une même métropole, mais également, lorsqu’il en existe une, en fonction de l’appartenance ou non à la Communauté urbaine. La question de l’influence de ce taux sur le choix de localisation des entreprises demeure malgré tout pour l’heure un sujet de débat [Houdebine, Schneider, 1997]. D. Mignot et P.-Y. Péguy [1999], à partir d’entretiens avec des responsables d’établissements des secteurs de l’industrie et des services aux entreprises, montrent qu’en fait cette influence n’est jamais évoquée spontanément, tandis qu’elle est déclarée être importante lorsque la question est posée de façon directe. Certains territoires, communaux ou infracommunaux, peuvent par ailleurs bénéficier d’aides directes de la part des collectivités locales et de leurs regroupements, mais ces aides restent dans les faits extrêmement limitées et sont juridiquement encadrées par les lois de décentralisation du 2 mars 1982 et des 7 janvier et 22 juillet 1983. La LOADT (Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement du Territoire) du 4 février 1995, a proposé une clarification des zones du territoire national sur lesquelles les entreprise sont susceptibles de bénéficier de mesures temporaires de défiscalisation. Elle a notamment défini des ZFU (Zones Franches Urbaines) et des ZRU (Zones de Redynamisation Urbaine). La concurrence entre les collectivités locales, notamment dans le domaine des politiques d’attraction des entreprises, pose cependant de nombreux problèmes [Gérard-Varet, Le Breton, 1996 ; Goze, 1997], et la récente loi sur la Solidarité et le Renouvellement Urbains (SRU) vise justement notamment à renforcer les coopérations intercommunales. Nous approfondirons le rôle des écarts de taxes en troisième partie.

Le modèle de J.M. Clapp formule également l’hypothèse qu'il existe des différences de coûts en termes de salaires entre le CBD et la périphérie. On peut cependant douter d’une part de la réalité de tels différentiels dans le cas des métropoles françaises, qui sont de taille nettement inférieure à celles des Etats-Unis, et d’autre part de l’influence réelle de la localisation de la main d’oeuvre, et, partant, de la prise en compte des coûts des déplacements pendulaires, dans le choix de localisation des services aux entreprises. En revanche, il convient de dissocier entre les déplacements pendulaires des employés et ceux du chef d’entreprise, comme nous le verrons plus loin.

Les sous-espaces urbains se distinguent également par leur niveau d'accessibilité mais aussi d’aménités. Ces éléments sont pour une grande part le résultat de l’intervention des pouvoirs publics et des promoteurs privés [Fujita, Thisse, 1995]. La fourniture de bâtiments et de zones d’activités, ainsi que la mise en place d’infrastructures de transport, nous semblent particulièrement importants. Les axes routiers et autoroutiers bouleversent en effet les conditions d’accessibilité dans une métropole, et valorisent les sous-espaces bien reliés au réseau principal. Ils peuvent en fait soit des facteurs favorables à une implantation centrale, soit à une localisation périphérique. Quant au niveau d’aménités d'un sous-espace, il est modélisé par J.M. Clapp par le paramètre x, qui prend en compte les caractéristiques de l’immeuble mais également celles de son “ environnement ”. Cette variable nous semble tout spécialement pertinente, d’autant plus qu’elle introduit des éléments généralement peu pris en compte dans les modèles, mais qui peuvent s’avérer importants dans le choix d’un emplacement : c'est particulièrement vrai pour les services aux entreprises qui ont des préoccupations en termes d’image et de prestige de l’adresse [Aguiléra-Bélanger, 1999]. Ces activités, en matière d’attentes quant aux caractéristiques des sites, n’ont en effet pas forcément les mêmes critères que le secteur industriel. Elles ont essentiellement besoin de bureaux et donc de surfaces comparativement plus petites. De surcroît, elles ne nécessitent pas le transport de matières premières “ lourdes ”, et ont de ce fait des exigences logistiques (notamment en termes de circulation des camions) a priori moindres.