Il nous semble pertinent d'étendre cette analyse théorique à la différenciation du comportement spatial de deux catégories de services aux entreprises : d'un côté des services de haut niveau, effectuant des prestations de conseil sensibles aux externalités d’informations, et ayant des contacts intenses entre eux ; de l'autre côté des services plus banals (de faire), qui communiquent avec ces services supérieurs mais pas ou peu entre eux, ou à des coûts moindres. Cela revient à remplacer les “ front offices ” par les activités de haut niveau, et les “ back offices ” par les activités banales. Le modèle suggère alors d’une part que la concentration au CBD des premiers est due au fait qu’ils échangent des informations tacites, sensibles à la distance, et d’autre part que les seconds tendent à se périphériser lorsque leurs coûts de communications avec les premiers baissent, par exemple sous l’influence de l’introduction de TIC.
En théorie, le recours croissant aux TIC doit effectivement permettre de substituer certaines communications virtuelles à des rencontres face à face, et donc induire de nouveaux rapports à l’espace [Léo, Philippe, 1991]. M. Jouvaud [1997] note d’ailleurs, dans le cas des services aux entreprises, une corrélation positive entre l’intensité de l’emploi des télécommunications et l’étendue de l’aire de marché. Cependant, les travaux de J. Gaspar et E.L. Glaeser [1998] montrent que l’utilisation des TIC agit dans la plupart des cas en tant que complément des rencontres directes, plutôt qu’en substitut, c’est-à-dire qu’elle ne modifie pas la contrainte de proximité, ou du moins pas celle des rencontres directes 47 . D’ailleurs A. Esparza et A.J. Krmenec [1994] soulignent le fait que certains secteurs de services aux entreprises, qui ont des possibilités de standardisation et de recours aux TIC importantes, manifestent malgré tout des exigences fréquentes en termes de contacts directs avec les clients. L’impact réel des TIC sur les localisations des services semble donc relativement restreint [Capellin, 1989]. Malgré tout, dans certains cas, on peut envisager qu’une rencontre face à face soit nécessaire lors de la première entrevue, mais qu’une fois la relation établie les moyens de communication virtuels puissent être largement utilisés [Ollivro, Baudelle, 2000], donc la contrainte de proximité faible. Les relations entre l’utilisation des TIC et le comportement de localisation des services aux entreprises en intraurbain reste finalement encore largement à déterminer.
Les conclusions des travaux de P. Bitard [1999] concernant l’importance relative du face à face et de l’utilisation des TIC dans la conduite de projets de recherche collectifs vont dans le même sens : l’emploi des TIC apparaît plus élevé entre laboratoires proches géographiquement, et les rencontres face à face plus fréquentes entre laboratoires éloignés.