A. L’hypothèse des facteurs de localisation : intérêt, limites et problèmes méthodologiques

Mener ce type d’enquête implique de formuler l’hypothèse que les sous-espaces urbains peuvent être caractérisés par un certain nombre d’attributs, tels que les identifie notamment l’analyse hédonique [Benard et al., 1999 ; Jayet, 1994]. Cette démarche est de fait cohérente avec notre approche de la ville (cf. supra).

Postuler l’existence de facteurs de localisation suppose également que le ou les responsables du choix d’implantation ont effectué au préalable un travail de définition et de hiérarchisation de plusieurs critères. Pourtant, quelques entretiens avec des chefs d’entreprise suffisent à comprendre qu’une telle rationalité est dans la plupart des cas assez éloignée de la “ réalité ” du processus. D’autant plus qu’il est impossible de prendre en compte de façon rationnelle l'ensemble des sites envisageables. Dans le meilleur des cas, seules quelques localisations font réellement l’objet d’une comparaison, et parfois le hasard et les opportunités jouent un rôle déterminant [Zimmermann, 1995]. Le risque est donc que le répondant reconstitue a posteriori une “ rationalité ” pour expliquer sa décision.

Par ailleurs, l’évaluation de facteurs d'implantation, sur des échelles plus ou moins précises, a le désavantage de mettre sur le même plan un ensemble d’éléments qui n’interviennent pas forcément au même moment lors du choix spatial. La détermination d’une implantation est en effet vraisemblablement un processus hiérarchisé, mettant en oeuvre des facteurs de localisation, puis de micro-localisation [Madiès, 1999]. Au niveau intraurbain, la première étape consisterait à sélectionner un ou des sous-espaces potentiels d’accueil, par exemple sur des critères d'accessibilité, puis dans un deuxième temps un emplacement précis en fonction de paramètres relatifs à qualité des locaux. Mais ce type d’hypothèse est en pratique difficile à vérifier et en tout cas il n’est pas possible, à travers cette catégorie d’enquêtes, de reconstituer l’éventuelle chronologie du processus de décision.

L’analyse de travaux de ce type montre également que des établissements peuvent être sensibles aux mêmes facteurs, sans pour autant choisir un sous-espace identique [May, 2000-b]. Mais cela ne nous semble aberrant, et ce pour au moins deux raisons. Soit ces facteurs sont communs à l’ensemble de la métropole : ils font dans ce cas partie des avantages globaux de cette dernière, mais ne constituent pas des éléments propres à distinguer les sous-espaces. Soit ils sont communs à plusieurs sous-espaces : il s’agit alors d’avantages spécifiques qui distinguent certains sites attractifs d’autres qui le sont moins.

Malgré ces limites, l’entrée par les facteurs de localisation nous semble constituer une méthode intéressante pour expliquer les choix spatiaux des services aux entreprises. Surtout, elle est cohérente avec la logique de notre approche des relations entre la ville et les entreprises. C’est pourquoi, malgré certains biais inévitables, nous faisons l’hypothèse que l’existence de critères déterminants dans le choix d'une implantation, propres à différencier les sous-espaces urbains, peut être révélée par ce moyen.