A. L’identification complexe des villes

La question de la définition des villes est récurrente en sciences humaines [Pumain, Robic, 1996 ; Rémy, Voyé, 1992], et donc en économie urbaine. La réponse reste manifestement source de débats [Huriot, 1998-b ; Pumain, 1994]. C. Baumont et J.-M. Huriot reconnaissent à cet égard que “ quelle que soit l’approche choisie, les théories de la ville s’appuient rarement sur une définition explicite de leur objet ” [Baumont, Huriot, 1997-a, 516]. L'économie urbaine travaille sur la ville, ou encore sur les systèmes de villes, tente de les comprendre et de les modéliser, mais l'objet même de l'analyse semble résister à toute définition exhaustive. “ La complexité de l'objet-ville est en quelque sorte révélée par le fait que le terme même “ ville ” est employé pour désigner des organisations extrêmement différentes par leur forme, leur contenu et leur dimension, et dont l'aspect, les fonctions et les significations se modifient et se renouvellent continuellement au cours du temps ” [Pumain et al., 1996, 2-3].

Bien que la ville ne puisse vraisemblablement pas être appréhendée à l'aide d'une définition unique, qui prenne en compte ses multiples dimensions 54 , elle fait l'objet d'un nombre extraordinaire de travaux, en particulier de la part des économistes et des géographes. En effet, si l'on ne dispose pas d'une définition théorique globale, un certain nombre de critères font peu ou prou l’unanimité, tels une concentration de population et d'activités supérieure à un seuil minimal, et surtout un fonctionnement spécifique, basé sur les interactions entre les agents qui y sont localisés [Beguin, 1996], interactions qui diffèrent singulièrement de celles qui prévalent en milieu rural [Goffette-Nagot, Schmitt, 1998]. Les définitions statistiques précises varient toutefois selon les pays [Lévy, 1998], rendant les comparaisons internationales souvent délicates.

En France, la question de l'identification concrète des villes se pose depuis longtemps [Jayet, 1988], en particulier à l'INSEE. Avant les années soixante prévalaient des critères de taille minimale et de continuité du bâti, qui ont servi de base à la définition des unités urbaines. Ils ont été par la suite complétés par la notion de ZPIU (Zones de Peuplement Industriels et Urbains), qui intégraient autour d'une unité urbaine les communes rurales industrielles ainsi que les communes rurales dortoirs directement dépendantes en termes d'emplois. Cette classification s'est toutefois révélée trop peu discriminante au Recensement de 1990, à l'issue duquel on s'est aperçu que les ZPIU couvraient 75% du territoire et regroupaient 96% de la population française. La définition d’un Zonage en Aires Urbaines (ZAU) a été une façon de prendre acte de ces évolutions [Le Jeannic, 1996 et 1997].

Une aire urbaine agrège à un pôle urbain - défini comme une unité urbaine offrant 5 000 emplois ou plus - l'ensemble des communes qui y envoient au moins 40% de leur population active. Cette définition tient mieux compte des nouvelles réalités, à savoir le fait qu'un nombre croissant de personnes habitent loin de leur lieu de travail [Tabourin et al., 1995]. Pour ces différentes raisons, nous avons choisi de définir la métropole lyonnaise par le périmètre de l'aire urbaine 55 de Lyon.

Notes
54.

Ainsi, la définition proposée par C. Baumont J.-M. Huriot est fondée sur une appréhension économique des processus de concentration dans la ville : “ la ville [est] une concentration humaine durable dans l’espace qui résulte d’une organisation de la diversité, et où les interactions sont suffisamment importantes pour prendre place dans un processus endogène complexe d’agglomération ” [Baumont, Huriot, 1997-a, 520]. Or, la ville existe aussi dans ses dimensions historiques, sociales, politiques voire utopiques [Baumont, Huriot, 1997-b].

55.

Plus précisément, nous avons utilisé le périmètre de l’aire urbaine de Lyon tel qu'il a été défini en 1990.