3. La mise en évidence de quatre pôles périphériques

Les communes de Genay et de Saint André de Corcy sont certes dynamiques, du fait de l’existence de zones industrielles et de la proximité de l’autoroute A46, qui a même un échangeur à Genay, mais elles sont isolées. Elles sont de surcroît de taille relativement petite, puisqu’elles accueillent environ 200 établissements chacune en 1996. Leur poids au sein de la métropole est donc très limité ; c’est pourquoi elles ne constituent pas selon nous de véritables pôles périphériques. Un raisonnement similaire vaut pour Givors, qui apparaît comme la seule commune dynamique d’un ensemble de communes d’industrialisation ancienne, et dont la taille (environ 400 établissements en 1996) n’est pas suffisante pour que nous la retenions en tant que pôle périphérique.

Les autres communes dynamiques peuvent en revanche être scindées en quatre pôles périphériques (carte 2-7) :

Mis à part celui de L’Isle d’Abeau, ces pôles sont donc principalement situés dans le pôle urbain, c’est-à-dire dans la partie la plus urbanisée et la plus dense de la métropole lyonnaise.

Carte 2-7 : Les zones de développement de l’aire urbaine de Lyon en 1996
Carte 2-7 : Les zones de développement de l’aire urbaine de Lyon en 1996

L'origine de ces pôles est diverse. Ceux de l'est et sud s’appuient sur des communes faisant partie de zones de développement relativement anciennes de la métropole lyonnaise, qui plus est de tradition industrielle (cf. le “ couloir de la chimie ” au sud de Lyon). Ces “ vieilles ” communes sont de taille importante, et répondent donc à nos critères de nombre minimal d’établissements et de densité d’emplois ; par contre, les taux de croissance des établissements sur la période 1982/1996 y ont été plus faibles que pour la moyenne du pôle urbain. Cela tient au fait que certaines, comme Bron, sont relativement saturées, tandis que d’autres, comme Vaulx en Velin, se sont montrées insuffisamment dynamiques sur la période, contrairement à Chassieu et à Genas par exemple. Le développement des pôles est et sud est lié en fait à la conjonction de plusieurs facteurs. Les communes ont bénéficié de la mise en place de zones d’activité, ainsi que de leur excellente accessibilité par les autoroutes de pénétration et de contournement. En outre, le pôle est est favorisé par la proximité de l’aéroport international de Lyon Saint Exupéry 69 et de sa gare TGV, même si celle-ci est pour l'heure peu utilisée. Ces deux pôles constituent donc des espaces dont le développement est encouragé par les pouvoirs publics et prend appui sur la proximité de communes industrielles de taille importante.

Les dynamiques de développement du pôle ouest et de celui de L’Isle d’Abeau semblent assez différentes. Il s’agit en effet de sous-espaces non marqués par un passé industriel. Le pôle ouest est en outre composé de communes localisées en majeure partie à proximité du centre, contrairement aux autres. Les communes qui le composent bénéficient d’une accessibilité satisfaisante vers l’intérieur de la métropole, notamment grâce à la mise en place de TEO en 1998, ainsi que vers l’extérieur (autoroute A6). Elles n’offrent par contre pas du tout le même environnement que celles de l’est et du sud : elles accueillent plutôt une population aisée, dont une grande partie de cadres, et offrent un cadre de vie de meilleure qualité, plus vert et plus vallonné. Le constat de leur accès à la fonction de pôle d’accueil majeur pour les activités économiques témoigne d’un certain renouvellement au niveau des sites de croissance économique de la métropole, et pour le moins une rupture par rapport à la période précédente, qui avait consacré le développement de l'industrie dans les quartiers populaires des proches banlieues est et sud. A l’ouest, les pouvoirs publics et les aménageurs ont misé au contraire sur la qualité pour accueillir des activités de haut niveau, notamment dans le domaine des services. Une ZAC 70 publique a ainsi été mise en place par la Communauté urbaine, suivie de la création du site technopolitain de Techlid en 1988 à l’initiative du maire de Dardilly. Il s’agit d’une association intercommunale de développement économique, qui comprenait à sa création les communes de Dardilly, Ecully, Champagne au Mont d’Or et Limonest, auxquelles est venue s’ajouter La Tour de Salvagny en 1997. En revanche, l'offre de locaux industriels est très limitée à l'ouest. Le pôle de L’Isle d’Abeau s’est développé quant à lui autour de la ville nouvelle mise en place il y a une quarantaine d’années. Il bénéficie également d’une très bonne desserte routière, puisqu’il est situé le long de l’autoroute A43, et dispose de vastes zones d’activités ainsi que d'une plate-forme logistique multimodale.

Au total, l’ensemble de ces quatre pôles périphériques rassemble en 1996 plus du cinquième (22,8%) des établissements localisés en périphérie de l’aire urbaine, contre 18,3% en 1982. Les pôles dont le poids s’est renforcé de façon significative depuis 1982 sont ceux de l’est et de l'ouest (tableau 2-11), qui sont d'ailleurs de taille comparable : ils accueillent chacun entre 8% et 9% des établissements implantés hors du centre en 1996. Pour autant, ces quatre pôles demeurent de taille modeste par rapport au centre historique, conformément d'ailleurs à ce que l'on observe dans d'autres espaces métropolitains [Lacour, Gaschet, 2000].

Tableau 2-11 : Les établissements par pôle périphérique de l'aire urbaine de Lyon en 1982 et 1996
  pôle est pôle sud pôle ouest pôle Isle d’Abeau ensemble des pôles
nb en 1982 3081 1054 2339 545 7019
nb en 1990 4436 1408 3878 997 10719
nb en 1996 4647 1398 4024 1178 11247
évolution 82/90 44% 33,6% 65,8% 82,9% 52,7%
évolution 82/96 50,8% 32,6% 72% 116,1% 60,2%
poids en 1982 (hors centre) 8,1% 2,7% 6,1% 1,4% 18,3%
poids en 1996 (hors centre) 9,4% 2,8% 8,2% 2,4% 22,8%
Source : INSEE, SIRENE

Le rapide développement des activités économiques dans les pôles périphériques s’est accompagné de surcroît d’une augmentation démographique notable entre 1982 et 1999 (tableau 2-12) : elle atteint 34,5% en moyenne, contre 11,5% pour l’ensemble de l’aire urbaine. Ces pôles n’apparaissent donc pas seulement comme des pôles d'emploi, c'est-à-dire des zones privilégiées de localisation pour les établissements, mais attirent aussi des habitants. Ils accueillaient 18% des résidents localisés hors du centre en 1982 ; en 1999, ce chiffre est passé à 20,9%. La croissance a été particulièrement spectaculaire sur le pôle de L’Isle d’Abeau, dont la population a plus que doublé en dix-sept ans (+131,9%).

Les activités qui se sont développées dans ces quatre sous-espaces sont-elles liées à la satisfaction des besoins de la population, ou relèvent-elles au contraire d’autres secteurs ? C’est l'un des éléments que nous allons nous attacher à déterminer au chapitre suivant.

Tableau 2-12 : La population par pôle périphérique de l'aire urbaine de Lyon en 1982 et 1999
  pôle est pôle sud pôle ouest pôle Isle d’Abeau ensemble des pôles
nb en 1982 70158 24263 51426 15369 161216
nb en 1990 86326 26695 60822 28856 202699
nb en 1999 89640 28006 63514 35641 216801
évolution 82/90 23% 10% 18,3% 87,7% 25,7%
évolution 82/99 27,8% 15,4% 23,5% 131,9% 34,5%
Source : INSEE, RGP

Le centre de la métropole semble connaître un certain essoufflement ; parallèlement, la situation en périphérie, certes plus favorable, est loin d’être homogène. Si les taux de progression sont particulièrement élevés en couronne périurbaine, les principales zones sur lesquelles s’appuie le développement de la métropole demeurent malgré tout situées essentiellement au sein du pôle urbain, comme pendant la période précédente, même si elles sont souvent plus éloignées du centre qu’auparavant, ainsi que sur certains sous-espaces qui jusqu’à récemment n’étaient pas prioritairement considérés comme des axes stratégiques par les pouvoirs publics. A ces trois pôles périphériques, il faut en ajouter un quatrième, localisé en couronne périurbaine. Si tous les quatre offrent d’excellentes conditions en termes d’accessibilité, et ont bénéficié de la mise en place de zones d’activité (annexe II-5), il convient toutefois de distinguer entre les pôles est et sud, qui s’appuient sur des communes industrielles anciennes, et ceux de l’ouest et de L’Isle d’Abeau, qui eux se distinguent comme de “ nouvelles ” polarités métropolitaines.

Le développement de tels espaces rompt indiscutablement avec la logique centre/périphérie, dans la mesure où il favorise des zones primées surtout pour leur accessibilité, mais qui ne sont pas forcément connectées à leur environnement immédiat. Par ailleurs, d’autres sous-espaces, notamment en proche banlieue est, sont menacés d’être exclus de ce dynamisme en raison d’un tissu économique trop fortement marqué par une industrie en perte de vitesse et des difficultés sociales importantes. Ce modèle de développement métropolitain est en partie impulsé par les pouvoirs publics, qui favorisent certaines zones spécifiques, en particulier celles dédiées au tertiaire haut de gamme comme Techlid, ce qui a terme risque de creuser les inégalités territoriales [Bonneville, 1993].

De nombreuses questions subsistent néanmoins. Une partie a trait aux logiques de croissance et au statut de ces pôles périphériques. Sur quels types d’activités s’appuient-elles ? En particulier, ceux de l'est et du sud se développent-ils en continuité avec les communes situées à proximité, et qui sont de nature industrielle ? Et quelles sont les activités qui fondent la croissance des “ nouveaux ” pôles de l’ouest et de L’Isle d’Abeau ? Quel est notamment le rôle des services aux entreprises, qui sont plutôt caractéristiques du centre ? Il importe de plus de déterminer quel est le lien entre ces polarités périphériques et le centre de la métropole, et plus précisément dans quelle mesure on a affaire à de simples pôles ou à de petits centres.

Une autre série d’interrogations concerne le centre historique, qui, nous l’avons souligné, perd des établissements. Est-il en réel déclin ou plutôt en restructuration, du fait du départ de certaines fonctions et du développement d’autres ? En particulier, quel est sa position vis à vis des services aux entreprises ?

Pour répondre à ces questions, il est indispensable de déterminer le rôle des différents secteurs dans les évolutions intramétropolitaines, en portant une attention particulière sur celui des services aux entreprises.

Notes
69.

Anciennement aéroport de Lyon Satolas.

70.

ZAC = Zone d’Aménagement Concerté.