B. Les facteurs favorables à une spécialisation dans les services aux entreprises

Les deux typologies précédentes semblent indiquer qu’une spécialisation dans les services aux entreprises dépend de la localisation de la commune (comme le montre la concentration spécifique dans le pôle ouest), de sa distance au centre (puisque les plus forts taux sont observés à proximité du centre), et qu’une telle spécialisation est en outre associée positivement à une forte proportion d’activités de finance, d’assurance, d’immobilier et de location ainsi que de commerce de gros, et négativement à une part élevée d’établissements des secteurs de l’agriculture, de l’industrie et de la construction. Nous avons testé ces différentes hypothèses à l’aide de plusieurs régressions linéaires (tableau 2-19).

La régression n°1 confirme qu’il existe une liaison négative entre l’éloignement de la commune au centre de Lyon et son taux d’établissements de services aux entreprises, et cela que nous prenions en compte toutes les communes ou seulement les plus importantes 75 d'entre elles : par ailleurs, si nous ne considérons que les communes du pôle urbain, le R² est meilleur (0,329), quoique assez faible, du fait de l'existence d'un fort décalage entre l'est et l'ouest.

La régression n°2 indique qu’une spécialisation dans l’agriculture est plutôt opposée à une forte présence de services aux entreprises, mais le R² est faible pour les plus grosses communes où la proportion d’établissements agricoles est très faible et peu différente d’une commune à l’autre.

La régression n°3 souligne qu’une spécialisation dans les activités industrielles et de construction s’oppose à une spécialisation dans les services aux entreprises : le R² est cette fois plus satisfaisant pour les plus grosses communes. Ce résultat confirme que les communes les plus industrielles sont moins attractives pour les services aux entreprises que celles qui sont plus tertiaires, alors que nous aurions pu envisager que ces activités étaient au contraire attirées par les sous-espaces où les établissements industriels, qui sont une part importante de leurs clients, sont nombreux. Mais nous savons aussi d’une part que les services, notamment les services aux entreprises, représentent une partie significative de la clientèle, et d’autre part que le besoin de proximité immédiate avec les clients n’est peut-être pas nécessaire 76 , du moins pas pour tous les types de services aux entreprises. Cela peut permettre à certains d’entre eux d'avoir une proportion importante de leurs clients localisés dans des communes fortement industrielles, sans avoir besoin de s’y implanter, d’autant plus que les établissements industriels et de services aux entreprises n’ont pas forcément les mêmes exigences en termes de conditions de localisation. Enfin, des travaux ont signalé qu’un nombre non négligeable d’établissements de services aux entreprises exportent hors de leur métropole, et peuvent donc ne pas dépendre de la répartition d’une clientèle locale.

Les régressions n°4 et n°5 montrent par ailleurs la présence d’une liaison positive entre le taux d’activités de finance, d’assurance, d’immobilier et de location et de commerce de gros, et celui de services aux entreprises. Le R² est là aussi plus élevé pour les communes les plus importantes. Ces activités recherchent vraisemblablement le même type de sites, et en particulier des avantages de localisation qui existeraient à l’ouest et pas à l’est, comme la qualité et le cadre de vie ? Ces éléments seront précisés dans la troisième partie.

Nous avons en revanche vérifié le très faible pouvoir explicatif (R² inférieurs à 0,01) de variables comme la population en 1999, ou encore le nombre d’emplois salariés en 1998, c’est-à-dire d’éléments liés à la seule taille de la commune.

Tableau 2-19 : Proportion d’établissements de services aux entreprises par commune de l’aire urbaine en 1996, distance au centre et tissu économique local (régressions linéaires simples)
    variable expliquée : taux SE96
    toutes les communes sauf le centre
(237 communes)
les communes de plus de 150 établissements en 1996 sauf le centre
(81 communes)
  variables explicatives coeff constante coeff constante
n°1 dist au centre de Lyon -0,33122
(8,15)
14,48117 0,240 -0,37929
(4,76)
16,69917 0,223
n°2 taux agri96 -0,17415
(8,50)
10,80323 0,235 -0,27985
(2,25)
12,63209 0,060
n°3 taux indus96 -0,15220
(3,25)
12,00190 0,387 -0,47110
(6,89)
22,83846 0,376
n°4 taux fin96 0,62004
(4,70)
5,75340 0,246 1,37344
(4,92)
4,15419 0,235
n°5 taux comgros96 0,32384
(4,15)
5,94805 0,167 0,54627
(4,06)
6,79945 0,173
taux SE96 = proportion d’établissements de services aux entreprises par commune en 1996, taux agri96 = proportion d’établissements agricoles par commune en 1996, taux indus96 = proportion d’établissements d’industrie et de construction par commune en 1996, taux fin96 = proportion d’établissements de finance, assurance, immobilier et location par commune en 1996, taux comgros96 = proportion d’établissements de commerce de gros par commune en 1996.
La distance au centre de Lyon est évaluée à vol d’oiseau par rapport à la préfecture de Lyon
t de Student entre parenthèses significatifs à 1%

Nous avons ensuite testé différentes régressions multiples, prenant en compte simultanément plusieurs des variables significatives mises en évidence par les régressions simples (tableau 2-20).

Lorsque nous considérons l’ensemble des communes de l’aire urbaine (régression n°1), nous n’obtenons pas de modèle réellement performant : le meilleur d’entre eux (R²=0,475) prend en considération la distance au centre de Lyon, le taux d’activités agricoles, industrielles et de construction ainsi que de finance, d’assurance, d’immobilier et de location. Nous obtenons de bien meilleurs résultats en restreignant l’analyse aux seules plus grosses communes, qui sont celles qui nous intéressent tout spécifiquement dans ce travail puisque nous avons vu qu’elles concentrent l’essentiel des établissements de services aux entreprises de la métropole : la régression n°2 tient ainsi compte de la proportion d’établissements industriels et de construction, de finance, d’assurance d’immobilier et de location, de commerce de gros, mais aussi de la distance au centre de Lyon.

Tableau 2-20 : Proportion d’établissements de services aux entreprises par commune de l’aire urbaine en 1996, distance au centre et tissu économique local (régressions linéaires multiples)
  variable expliquée : taux SE96
  toutes les communes sauf le centre
(237 communes)
les communes de plus de 150 établissements en 1996 sauf le centre
(81 communes)
variables explicatives n°1 n°2
dist au centre de Lyon -0,13990
(3,62)
-0,24625
(4,19)
taux agri96 -0,20373
(9,32)
 
taux indus96 -0,27028
(7,67)
-0,39168
(6,81)
taux fin96 0,01575
(0,12)
0,46051
(2,05)
taux comgros96   0,10120
(3,22)
constante 20,82964 19,20564
0,475 0,638
taux SE96 = proportion d’établissements de services aux entreprises par commune en 1996, taux agri96 = proportion d’établissements agricoles par commune en 1996, taux indus96 = proportion d’établissements d’industrie et de construction par commune en 1996, taux fin96 = proportion d’établissements de finance, assurance, immobilier et location par commune en 1996, taux comgros96 = proportion d’établissements de commerce de gros par commune en 1996.
La distance au centre de Lyon est évaluée à vol d’oiseau par rapport à la préfecture de Lyon
t de Student entre parenthèses significatifs à 1%

Ces différentes analyses confirment le fait que les communes favorisées par une dynamique de spécialisation dans les activités de services aux entreprises sont avant tout celles dont le tissu économique n’est pas marqué par l’activité industrielle, ce qui souligne l’importance du passé des territoires. Les services aux entreprises ont visiblement recherché soit le centre de la métropole, soit des sous-espaces “ neufs ” où s’est alors mis en place un processus de polarisation, favorisé par les politiques locales. Pour autant, comme nous allons le voir à présent, les territoires les plus industriels ont eux aussi profité de l’essor de ces activités.

Notes
75.

C’est-à-dire les communes comptant plus de 150 établissements (tous secteurs confondus) en 1996, excepté le centre.

76.

Cet aspect sera largement développé dans la troisième partie.