Conclusion

La périphérisation de la population et des activités économiques est importante au sein de la métropole lyonnaise, comme d'ailleurs dans la majorité des grandes agglomérations urbaines. Pour autant, les établissements demeurent encore particulièrement concentrés à l'intérieur du pôle urbain. L’analyse des données SIRENE sur la métropole lyonnaise, aux années 1982, 1990 et 1996, montre de façon précise que les implantations ne favorisent pas les sous-espaces périphériques de façon uniforme. Il convient de remarquer que sont privilégiées les communes situées autour du centre historique, et de façon générale celles qui sont bien reliées aux grandes infrastructures de transport et qui disposent de zones d’activité conséquentes. Certaines de ces communes, qui se révèlent particulièrement dynamiques, constituent de véritables pôles. Ces derniers sont en réalité de nature très différente, puisqu’ils n’ont pas tous vocation à accueillir les mêmes types d’activités. Un seul, le pôle ouest, qui est très proche du centre, apparaît spécifiquement dédié aux services aux entreprises.

Les pôles périphériques, soit relaient le développement de communes industrielles de grande taille, comme c'est le cas en proche banlieue est et sud, soit, comme dans l’ouest, traduisent le dynamisme de communes de taille plus petite, proches du centre, et non marquées par un passé industriel, soit enfin émergent en périphérie plus lointaine, comme c’est le cas autour de la ville nouvelle de L’Isle d'Abeau. Ce pôle joue en fait plutôt le rôle de petit centre secondaire, relais d'un “ centre élargi ” constitué par la proche banlieue lyonnaise, tandis que ceux qui appartiennent à cette proche banlieue accueillent des fonctions spécifiques soit que le centre ne veut plus assumer (l'industrie), soit vraisemblablement dont il ne peut absorber la totalité de la croissance (comme les services aux entreprises). Ces pôles périphériques sont cependant loin du modèle des “ edge cities ” ; ce sont plutôt des espaces aux spécialisations marquées et complémentaires, et qui demeurent de petite taille par rapport aux communes-centre.

Le rôle des services aux entreprises apparaît tout à fait spécifique dans ces évolutions. Ces activités, qui sont les plus centrales de la métropole, ont connu en l'espace d'une quinzaine d'années une formidable croissance. Fait remarquable, cette dernière concerne tout autant le centre que la périphérie, alors que pour la plupart des autres secteurs les dynamiques sont très différentes entre le centre (stagnation ou diminution) et la périphérie (croissance forte). Entre 1982 et 1990, Lyon et Villeurbanne ont ainsi compté pour 61,4% dans l'augmentation du nombre total des établissements de services aux entreprises dans la métropole lyonnaise. La conséquence directe en a été une spécialisation accrue du centre dans les activités de services aux entreprises, et plus spécifiquement dans les activités juridiques, d’architecture, de publicité ainsi que de conseil.

Le développement des services aux entreprises en périphérie est loin d’être anecdotique. Il joue même un rôle important dans les recompositions en cours. Tout d'abord, leur croissance reste quasi exclusivement limitée à l'espace de la proche banlieue lyonnaise. Ensuite, en son sein, nous avons pu mettre en évidence deux dynamiques relativement différentes : d'un côté, une augmentation à l'est et au sud, notamment sur les pôles, qui semble plutôt accompagner le développement de secteurs d'activités clients des services aux entreprises comme l'industrie, mais où la part totale de services aux entreprises demeure somme toute faible. De l'autre côté, dans les communes de l'ouest lyonnais, se constitue un pôle, relativement “ nouveau ” car il s’appuie sur des communes de taille moyenne et auparavant plutôt résidentielles, pôle qui se révèle en outre spécialisé dans le tertiaire supérieur. Sa structure d'activité est singulièrement proche de celle du centre historique, de même que sa localisation, de sorte qu’il semble en quelque sorte “ prolonger ” celui-ci. Les raisons du développement des services aux entreprises en son sein, et tout particulièrement de celles effectuant des prestations de haut niveau, demandent toutefois à être plus largement explicitées.

Il apparaît délicat, à partir des seules données SIRENE, de déterminer si la croissance des services aux entreprises en périphérie correspond tout simplement à une augmentation des besoins pour ce type de services, en particulier du fait de la périphérisation importante de secteurs clients comme l’industrie, et des nécessités de proximité entre clients et prestataires de services, ou bien si ce mouvement va de pair avec le fait que certains sous-espaces périphériques sont à même de proposer des conditions de localisations complémentaires voire concurrentes de celles du centre historique, notamment des économies d’agglomérations à un niveau suffisant. Cela signifierait alors que les services aux entreprises qui s’implantent en périphérie ont des logiques comparables (aire de marché, relation de service, etc.) à ceux du centre.

En tout cas, l’analyse précise de la nature des activités de services aux entreprises présentes dans chacun de ces différents sous-espaces, à partir d’une typologie originale en onze groupes, se révèle très concluante, et prouve que la nature de la base économique de la commune détermine largement le type de services aux entreprises qu'elle accueille. Cinq sous-espaces spécifiques sont ainsi mis en évidence. Ils montrent que, si effectivement, en réponse aux interrogations soulevées dans la première partie, les services aux entreprises sont disponibles de façon croissante à des niveaux inférieurs de la hiérarchie intraurbaine, il s’agit surtout de services intermédiaires ou banals, les services de haut niveau demeurant encore extrêmement concentrés au centre et à proximité (en banlieue ouest).

Finalement, en écho aux hypothèses formulées en première partie, nous avons mis en évidence deux types d’impacts des services aux entreprises sur la structure intramétropolitaine. D’une part, ces activités contribuent au renforcement de pôles existants, d'autre part elles impulsent le développement d’un pôle nouveau, spécifiquement dédié au tertiaire supérieur. Elles s’inscrivent en définitive dans la dynamique de multipolarisation de la métropole lyonnaise. Pour autant, elles conservent un rôle fondamental dans le développement et le maintien du rôle du centre historique.

Les seules données SIRENE ne nous permettent cependant pas de déterminer précisément la nature des raisons de l’implantation de chacun des onze groupes de la typologie, notamment de comprendre les différences en termes de taux de centralité, et corrélativement d’évaluer quels sont les avantages (et les désavantages) de chacun des cinq sous-espaces. C’est pourquoi nous avons eu recours à des enquêtes. Nous en présentons les résultats dans la troisième partie.