1. L’importance confirmée des rencontres face à face

Les enquêtes révèlent l’importance des rencontres face à face (tableau 3-6). Ces dernières impliquent en outre, très majoritairement, des déplacements de la part du prestataire : 80% des répondants indiquent en effet qu’il leur est nécessaire de se rendre souvent ou toujours chez le client en phase de négociation, et cette proportion est de 77,3% en phase de réalisation. L’inverse est nettement plus rare : près de 90% des clients ne se déplacent jamais, ou éventuellement parfois, que ce soit lors de la négociation ou lors de la réalisation. Les exigences de contacts directs s'avèrent donc stratégiques pour les services aux entreprises, et elles impliquent en outre quasi exclusivement des déplacements de la part du prestataire. Il paraît logique, dans ce contexte, que la prise en compte de ces éléments constitue un facteur déterminant lors du choix d'une localisation, conformément au modèle de J.M. Clapp [1980].

Les écarts sont néanmoins notables entre les catégories de services. Les déplacements chez le client durant la phase de négociation s’avèrent pour le moins élevés pour les secteurs du conseil et des études de marché, de l’informatique de haut niveau, de la publicité, des services divers 102 ainsi que pour les architectes. Il s’agit effectivement des prestations où la composante conseil est dominante, et la participation du client au contrôle du processus importante, du fait que les informations échangées sont majoritairement tacites (cf. partie 1). Dans le cas des activités juridiques, il apparaît que c’est généralement le client qui se déplace, au cours de la négociation comme de la réalisation : d’une part, cette profession n’a pas le droit de démarcher ses clients [May, 2000-a], et d’autre part ces derniers doivent généralement se rendre au moins une fois au Palais de Justice. Les enquêtes soulignent également que le déplacement chez le client en phase de négociation est particulièrement rare pour l’intérim et les prestations banales aux entreprises. Pour les premiers (l’intérim), la situation est de fait relativement singulière : en effet, la phase de négociation du service recouvre à la fois la réception des offres d’emplois, qui très vraisemblablement peut s’effectuer principalement par l’intermédiaire des moyens de télécommunications, mais également, et surtout, la recherche d’une personne adéquate, ce qui implique des déplacements de la part de cette dernière pour candidater dans l’agence d’intérim. En ce qui concerne les seconds (les prestations banales aux entreprises), l’analyse de la question relative à la nature de l’activité principale indique que la part du conseil est peu développée, ce qui est logique puisqu’il s’agit principalement d’activités de faire, qui proposent du “ sur-mesure ” à leurs clients (cf. partie 1). La négociation peut de ce fait ne nécessiter que peu de rencontres directes.

En phase de réalisation du service, le déplacement chez le client est globalement important pour les mêmes secteurs qu’en phase de négociation, auxquels viennent s’ajouter les études techniques, et fort logiquement l’intérim. En effet, la réalisation consiste dans cette activité à envoyer un intérimaire chez le client, les déplacements considérés sont donc des allers/retours entre le domicile et le lieu de travail.

Tableau 3-6 : Niveau d'importance des rencontres en phase de négociation et de réalisation du service par secteur de services aux entreprises
  négociation réalisation
  va chez le client souvent ou toujours dépl du client souvent ou toujours va chez le client souvent ou toujours dépl du client souvent ou toujours
jurid 54,5% 54,5% 20% 50%
archi 85,7% 7,1% 78,6% 14,3%
pub 87,5% 6,2% 67,7% 9,7%
interim 60% 0% 78,6% 50%
compta 80% 30% 84,2% 36,8%
infosup 89,4% 4,2% 93,6% 7,1%
conseil 94,3% 11,3% 81,1% 13,2%
serv 84,2% 15,8% 63,1% 21%
techn 74,1% 8,6% 81% 5,2%
adm 77,8% 22,2% 50% 12,5%
presta 62,5% 6,2% 77,3% 13,6%
ensemble 80% 12% 77,3% 13,2%
Sources : enquêtes LET et Agence d’Urbanisme de Lyon

L’utilisation des moyens de télécommunications apparaît plus limitée que les rencontres directes (tableau 3-7), mis à part bien évidemment pour le téléphone et le fax, aussi bien en phase de négociation que de réalisation. Plus de 70% des répondants déclarent y avoir recours souvent, voire toujours, au cours de leurs relations avec les clients. Ce résultat confirme celui de la récente enquête menée par W.B. Beyers et P. Lindahl [1996] dans le nord-ouest des Etats-Unis. L’utilisation du téléphone et du fax semble en outre ne pas dépendre du besoin de rencontres directes, c’est-à-dire qu’elle peut être importante ou pas, que le prestataire se déplace jamais ou parfois, ou au contraire qu’il se déplace souvent voire toujours. Ainsi, dans certains cas, le téléphone constitue un substitut aux contacts face à face, et dans de nombreux autres cas il agit plutôt comme un complément, ces conclusions allant d'ailleurs dans le même sens que ceux de J. Gaspar et E.L. Glaeser [1998].

L’utilisation de la télématique demeure en revanche encore très limitée, mis à part, et c’est logique, dans le secteur de l’informatique de haut niveau, où plus de 50% des répondants déclarent y avoir recours souvent ou toujours. Certes, la moitié des 310 établissements enquêtés mentionnent avoir un site internet, mais il semble qu’il y ait eu une confusion entre un site présentant leur activité, et une simple adresse e-mail, le deuxième cas étant encore beaucoup plus courant que le premier. L’utilisation d’Internet pour les contacts avec les clients était encore, à la date des enquêtes du moins, assez peu développée. On peut penser que la situation a largement évolué depuis.

La poste et la messagerie rapides sont surtout utilisées par les architectes, les études techniques, la publicité, le conseil et les études de marché, c'est-à-dire des services où les échanges de documents sont effectivement importants : pour les architectes et les études techniques, il s'agit surtout de dossiers techniques, pour les trois autres secteurs de documents stratégiques concernant l'activité de l'établissement et de son entreprise.

Tableau 3-7 : Niveau d'importance de l’utilisation des moyens de télécommunication en phase de négociation et de réalisation du service par secteur de services aux entreprises
  négociation réalisation
  poste/messagerie souvent ou toujours téléphone souvent ou toujours télématique souvent ou toujours poste/messagerie souvent ou toujours téléphone souvent ou toujours télématique souvent ou toujours
jurid 36,4% 63,6% 36,4% 30% 60% 40%
archi 57,1% 78,6% 28,6% 64,3% 85,7% 28,6%
pub 43,7% 81,2% 12,5% 54,8% 67,7% 29%
interim 46,7% 80% 6,7% 42,8% 64,3% 0%
compta 30% 30% 15% 47,4% 73,7% 31,6%
infosup 61,7% 87,2% 55,3% 38,3% 65,9% 53,2%
conseil 60,4% 81,1% 32% 52,8% 75,5% 41,5%
serv 42,1% 63,1% 15,8% 47,4% 68,4% 21%
techn 56,9% 82,7% 25,9% 60,3% 81% 24,1%
adm 33,3% 88,9% 44,4% 37,5% 62,5% 37,5%
presta 58,3% 91,7% 33,3% 31,8% 63,6% 31,8%
ensemble 52,5% 78,4% 29,5% 48,8% 71,9% 33,2%
Sources : enquêtes LET et Agence d’Urbanisme de Lyon

Notes
102.

Le groupe “ services divers à la production ” (NAF : 748K) est assez hétérogène : il rassemble en fait principalement des bureaux d’études et des structures tournées vers le conseil ; il comprend également quelques établissements qui s’occupent de recouvrement et de gestion des impayés.