L’intérêt de la proximité/accessibilité 113 à d’autres entreprises peut avoir plusieurs origines. L’établissement peut être désireux de bénéficier d’économies de localisation, et souhaiter être bien situé par rapport à des entreprises avec lesquelles il travaille, que ces dernières soient ses partenaires (par exemple son siège social ou d’autres établissements de son entreprise) ou ses fournisseurs. La proximité spatiale permet alors de réduire les coûts de transaction, grâce à une circulation rapide de l’information [Baro, Soy, 1993]. L’établissement peut également juger stratégique le fait d’être près de ses concurrents.
Pour tenir compte de ces différents aspects, nous avons distingué dans les enquêtes entre le besoin de proximité ou d’accessibilité à des entreprises complémentaires, à des entreprises concurrentes, et à un autre établissement de l’entreprise. Le questionnaire du LET demandait également quelle était l’importance du fait de pouvoir être proche d’entreprises dynamiques. Le répondant devait par ailleurs préciser si la proximité immédiate (moins de cinq kilomètres) à différents services aux entreprises avait un intérêt.
Ces différents éléments, nous l’avons déjà constaté au début de ce chapitre, tiennent une place limitée dans le choix d’une localisation (tableau 3-18). Les établissements qui les prennent en considération valorisent en outre à plus de 80% l’accessibilité plutôt que la proximité immédiate 114 , ce qui explique en partie que la proximité aux différents services soit très majoritairement jugée sans importance (la note moyenne n'étant que de 1,3). Les services aux entreprises recherchent vraisemblablement en règle générale une bonne accessibilité à une large gamme d’autres services, et, dans une grande métropole, un tel accès est effectivement possible dans de bonnes conditions quasiment partout : au centre bien sûr, mais également dans la proche agglomération de Lyon, ainsi que dans les communes les plus importantes de la périphérie plus lointaine (Saint Quentin Fallavier, Givors principalement), dont sont issus la plupart des questionnaires provenant du sous-espace nommé “ reste de la métropole ”. Par ailleurs, nous avons vu au premier chapitre que, dans la grande majorité des cas, les déplacements sont assurés par le prestataire de service et non par le client, qui a donc peu de raisons de se soucier de l'endroit où sont localisés ses fournisseurs.
Il ressort toutefois des réponses obtenues aux questionnaires que les établissements implantés dans les communes-centre, en particulier ceux du centre d’affaires de la Part-Dieu, notent un peu mieux les facteurs relatifs à l'accès à d’autres entreprises. Cela est cohérent avec le fait que le taux d'externalisation est plus élevé pour les services aux entreprises implantés au centre (cf. chapitre 1), et confirme le fait que ce dernier se distingue bien comme un sous-espace particulièrement riche et diversifié, au sein duquel les contacts entre entreprises sont favorisés.
Il est également intéressant de remarquer la très faible importance de ces différents éléments, liés à la présence d’autres activités (en particulier à celle d’entreprises complémentaires ou concurrentes), dans les communes de l’ouest lyonnais, dont la plupart font pourtant partie du technopole Techlid, censé favoriser de tels échanges. Seule la présence d'activités dynamiques obtient une note légèrement meilleure qu’ailleurs dans la métropole (1,9 contre 1,6), mais son impact demeure malgré tout très limité. Ainsi, la concentration des services aux entreprises sur la zone ouest, services qui consistent en outre principalement en des prestations de haut niveau, n’est pas directement motivée par la recherche de ce type d’économies de localisation, mais vraisemblablement par celle de “ bonnes ” conditions d’implantation, que l’analyse des autres facteurs nous permettra de préciser par la suite. D’ailleurs, l’accessibilité à un parc d’activité (enquête LET uniquement) est à peine plus valorisée dans ces communes que dans les autres (note de 1,5 contre 1,3 en moyenne).
Les différences de notation s’avèrent par ailleurs peu significatives entre les onze catégories de services aux entreprises. Les architectes sont toutefois plus sensibles que la moyenne à l'accès à différents services, du fait que ce secteur a de très forts besoins d’externalisation (cf. chapitre 1). Ils apprécient également particulièrement l’accès aux administrations et aux services publics (note de 2,9 contre 1,6 en moyenne), ce qui est logique car en moyenne plus de la moitié du chiffre d’affaires des établissements de ce secteur est réalisé auprès de clients du secteur public, ce qui constitue une proportion très supérieure à celle des dix autres groupes. Ce dernier élément est vraisemblablement un facteur déterminant d’explication du taux de centralité élevé des activités d'architecture ; en effet, les administrations et les services publics sont plus nombreux au centre (cf. la Cité Administrative à la Part-Dieu) qu’ailleurs dans la métropole. L’intérim se distingue quant à lui par le fait qu’il est le seul à valoriser nettement la proximité de concurrents, sans doute pour pouvoir avoir accès aux mêmes candidats potentiels. C’est donc une logique proche de celle décrite par Hotelling qui semble prévaloir pour ce secteur, et expliquer en partie sa concentration. Enfin, les établissements d’informatique de haut niveau notent légèrement mieux que les autres catégories de services (1,5 contre 1,2 en moyenne) l’accessibilité à des universités ou à des centres de recherche. En effet, certains d’entre eux (comme la réalisation de logiciel) ont besoin de développer des liens avec le milieu de la recherche. Ces éléments demeurent malgré tout très peu déterminants dans leur choix effectif de localisation, ce qui est logique, car initier et maintenir de tels liens ne demande pas forcément des contacts (face à face) fréquents.
Les possibilités d’accès à un autre établissement de l’entreprise, qui n’ont de signification que dans le cas des multiétablissements, sont jugées globalement très peu importantes. La note est de 1,3 en moyenne, mais elle atteint 1,6 pour les établissements dont l’entreprise compte d’autres unités à l’intérieur de la métropole lyonnaise. En fait, les différents établissements d’une même entreprise peuvent être volontairement éloignés, de façon à se partager le marché, comme c’est vraisemblablement le cas dans des secteurs comme l’intérim, ou encore la sécurité. Par ailleurs, le fait que l’établissement soit ou non siège social n’exerce pas d’influence particulière. En revanche, plus l’établissement (si l’entreprise compte plusieurs unités dans la métropole) est sensible à la proximité d’un autre établissement, moins il réalise de services en interne, ce qui signifie qu’un des avantages de cette proximité est la possibilité de faire réaliser aisément et à un coût moindre certaines prestations de services.
Ces résultats témoignent finalement de la faible importance accordée aux considérations de type “ économies de localisation ” en intraurbain, comme l’ont d'ailleurs montré d’autres études [Gordon, Mc Cann, 2000]. Ils permettent surtout de souligner le fait que la réduction des différences entre le centre et certains sous-espaces périphériques [Clapp, 1980] sont des facteurs favorables à une implantation périphérique, dans la mesure où il n’est désormais plus obligatoire d’être installé au centre pour avoir accès à une large gamme de services métropolitains, même si Lyon et Villeurbanne conservent en la matière un avantage indéniable.
La distinction entre proximité et accessibilité n’était introduite que dans l’enquête du LET, celle de l’Agence d’Urbanisme employant seulement le terme proximité.
C’est pourquoi nous parlons dans la suite du texte simplement d’accessibilité.