II. Les déterminants des délocalisations intramétropolitaines

Globalement, l’analyse des facteurs de délocalisation ne fait que confirmer l'influence des éléments relatifs à la qualité ou à l’aspect “ pratique ” des locaux et du site.

A. Un besoin stratégique de trouver des locaux plus grands, et peu de différences intersectorielles

En moyenne, chaque établissement évoque quatre raisons pour motiver son départ 120 . Une seule arrive très nettement en tête : la nécessité de trouver des locaux plus grands, qui concerne plus de 60% des services enquêtés (tableau 3-41), conformément d’ailleurs aux résultats d’autres travaux [Aguiléra-Bélanger et al., 1999 ; Klaassen, 1991]. Ce facteur occupe de surcroît la première place pour l’ensemble des catégories de services, ce qui est cohérent avec le lien fort qui existe entre délocalisation et croissance de l’effectif et du chiffre d’affaires. D’ailleurs, 30,2% des établissements enquêtés par le LET mentionnent une modification du volume de l’activité parmi leurs raisons de déménagement (tableau 3-42).

D’une manière générale, les critères relatifs aux aménités locales se détachent : qualité, conditions de stationnement et cadre de vie, ces aspects étant tout particulièrement importants pour les architectes. Nous retrouvons là des éléments déjà mis en valeur en tant que facteurs de localisation. La nécessité de trouver un site plus prestigieux est par contre peu évoquée, mis à part par les activités juridiques et les architectes. Il en est de même pour le fait d’être dans un endroit plus fréquenté, hormis pour l’intérim où la moitié des établissements le mentionnent. Ce secteur a en effet besoin d’être visible, essentiellement pour recruter les personnes adaptés à ses offres d’emplois. Le centre a donc un effet vitrine.

Les coûts ont également un certain impact. La volonté de bénéficier d’un loyer moins élevé est évoquée par presque le quart des délocalisés, là aussi sans grande différence intersectorielle. Ce facteur est, logiquement, surtout mis en avant par les établissements pour lesquels le transfert suit ou précède une phase de stagnation ou de diminution de l’activité. Trouver une commune permettant de profiter de conditions fiscales plus avantageuses constitue une raison qui n'est en revanche presque jamais citée : seulement 8% des établissements de l’enquête du LET la mentionnent. Quant aux aides publiques, leur importante apparaît vraiment marginale. Ces résultats ne font eux aussi que renforcer les conclusions du chapitre précédent.

L’expropriation ou la fin du bail ont fait partie des raisons de déménagement dans presque le cinquième des cas. L’importance de ce facteur avait déjà été soulignée par W.J. Coffey et al. [1996-a]. Un tel argument a notamment motivé le départ de 40% des établissements dans le domaine de l’administration d’entreprises, dont nous avons déjà souligné le faible taux de mobilité. Les délocalisations dans ce secteur semblent majoritairement contraintes, donc rares car elles ne revêtent pas un aspect stratégique. D’ailleurs, la note moyenne attribuée au facteur “ proximité de la précédente localisation ” atteint pour ce secteur 2,4 contre 2 pour l’ensemble des établissements récemment délocalisés, c’est-à-dire que ces activités sont nettement plus sensibles que les autres au fait de pouvoir se relocaliser à proximité de leur ancien site, d’autant plus que l’accès aux clients locaux est primordial (cf. chapitre 2).

Les raisons relatives au transport sont assez bien classées. Le besoin de trouver une localisation plus accessible arrive en tête, suivi de celui de se rapprocher d’axes de communication routiers et autoroutiers (particulièrement pour le secteur des prestations banales aux entreprises), ainsi que de la gare TGV. La nécessité d’une meilleure desserte par les transports en commun, si elle n’est citée que par 6,5% des répondants, l’est par 25% des établissements d'intérim, ce qui confirme l’aspect stratégique de cet élément pour ce secteur. Enfin, la délocalisation a rarement pour but de se rapprocher de l’aéroport.

14% des répondants déclarent avoir voulu se rapprocher du centre de Lyon. En fait, 73% de ceux qui ont évoqué cette raison se sont déplacés à l’intérieur même des communes-centre, en grande majorité vers les troisième et sixième arrondissements, c’est-à-dire à l’intérieur ou à proximité du centre d’affaires de la Part-Dieu. Ce dernier semble donc véritablement matérialiser l’hypercentre de la métropole.

Les raisons relatives à la clientèle arrivent ensuite, et exercent une influence pour le moins limitée, ce qui est logique puisque les questions d’accès priment sur celles de proximité (cf. chapitre 2). Environ 10% des départs ont eu pour but de se rapprocher des clients, ou encore d’élargir la clientèle, sans que ces motifs apparaissent corrélés aux variations de chiffre d’affaires, ou encore à la géographie précise de l’aire de marché. Ces facteurs sont par ailleurs tout particulièrement valorisés par les établissements des secteurs de l’intérim et de l’administration d’entreprises.

Les restructurations à l’oeuvre au sein des entreprises multiétablissements expliquent une part non négligeable de leurs déménagements. 10% des répondants évoquent en effet avoir eu besoin de se rapprocher voire de fusionner avec un autre établissement. Par comparaison, les cas de séparation en plusieurs structures autonomes 121 sont beaucoup plus rares.

Seulement 7,5% des délocalisations ont eu pour objectif un rapprochement du domicile des employés. En revanche, le besoin de proximité au domicile du chef d’entreprise semble constituer une raison plus fréquente, comme l’indiquent les résultats de l’enquête du LET. Cet argument est notamment invoqué par plus de la moitié des architectes.

Seulement 6,5% des établissements indiquent avoir voulu devenir propriétaires à l’occasion de la délocalisation. En fait, la grande majorité (85%) des délocalisés est restée locataire, ce qui, nous l’avons vu, favorise les éventuels déménagements futurs.

Les besoins de proximité ou au contraire d’éloignement par rapport aux concurrents apparaissent tout à fait marginaux. Seuls 25% des établissements du secteur de l’intérim font état d’une telle volonté.

Tableau 3-41 : Classement des raisons de délocalisation intraurbaine communes aux deux enquêtes
raison de délocalisation pourcentage de citations raison de délocalisation pourcentage de citations
trouver des locaux plus grands 64,5% réaliser une opération immobilière 8,1%
trouver des locaux de meilleure qualité 38,7% se rapprocher du domicile des employés 7,5%
bénéficier d'un meilleur stationnement 26,9% avoir une meilleure desserte par les TC 6,5%
trouver un meilleur cadre de vie 25,3% se rapprocher de services courants 6,5%
bénéficier d’un loyer moins élevé 24,2% avoir une adresse prestigieuse 6,5%
trouver une localisation plus accessible 20,4% devenir propriétaire 6,5%
expropriation ou fin de bail 17,7% trouver des locaux plus petits 4,3%
se rapprocher des voies de communication 15% se rapprocher de l’aéroport 3,8%
se rapprocher du centre 14% se rapprocher des concurrents 2,1%
se rapprocher d’une gare TGV 12,9% devenir locataire 0,5%
se rapprocher des clients 10,2% s’éloigner d’établissements concurrents 0%
se rapprocher d'établissements de l'entreprise 10,2%    
TC = transports en commun
Sources : enquêtes LET et Agence d’Urbanisme de Lyon
(le total général est supérieur à 100% car plusieurs réponses étaient possibles)
Tableau 3-42 : Classement des raisons de délocalisation intraurbaine spécifiques à l’enquête LET
raison de délocalisation pourcentage de citations
modifier le volume de l’activité 30,2%
se rapprocher du domicile du chef d’entreprise 17,3%
élargir la clientèle 10,1%
payer moins de taxes locales 8%
avoir une localisation dans un endroit passant 5%
modifier les activités 4,3%
se rapprocher ou avoir accès à un centre-ville de taille suffisante 2,1%
bénéficier d’aides fiscales 1,4%
Source : enquête LET
Tableau 3-43 : Les raisons de délocalisation intraurbaine spécifiques à l’enquête de l’Agence d’Urbanisme
raison de délocalisation pourcentage de citations
choix imposé par le siège de l’entreprise 2%
trouver un quartier avec moins de problèmes de sécurité 0%
Source : enquête Agence d’Urbanisme de Lyon

Notes
120.

Les raisons évoquées dans la catégorie “ autre ”, donc en supplément à la liste proposée, sont peu nombreuses : il s’agit d’éléments concernant le besoin d’améliorer l’aspect pratique des locaux et du site (3 établissements), ainsi que la séparation en deux unités distinctes d’un établissement de l’entreprise (2 établissements). Elles n’ont pas été reprises dans le tableau présentant l’ensemble des facteurs de délocalisation en raison de leur faible poids. Plus intéressante nous semble la mention faite par plusieurs établissements appartenant au secteur des activités juridiques de se délocaliser au sein même de Lyon afin de rester proche du Palais de Justice l’année où celui-ci a déménagé.

121.

Ce facteur fait partie des critères de délocalisation supplémentaires, n’ayant été indiqué que par quelques établissements.