Conclusion

Ce travail d’enquêtes, mené auprès d’établissements de la métropole, nous permet de valider la typologie du secteur des services aux entreprises présentée en deuxième partie. Il favorise en effet la compréhension des différences de comportements spatiaux entre les onze groupes, en particulier en termes de taux de centralité, à partir essentiellement d’éléments relatifs à la géographie de l’aire de marché et à la relation de service.

La très forte préférence des activités juridiques pour le centre apparaît nettement liée au besoin de proximité étroite au Palais de Justice de Lyon, si bien que certains établissements se sont délocalisés pour le suivre l’année de son déménagement. Une localisation au CBD leur permet par ailleurs d’être au centre de leur marché, qui est principalement local et régional, et d’y avoir une excellente accessibilité. Cet aspect apparaît d’autant plus stratégique qu’une des particularités de ce secteur est l’importance des déplacements des clients, tant en phase de négociation que de réalisation de la prestation. De plus, la part du chiffre d’affaires réalisée à l’international est non négligeable, ce qui conditionne un certain intérêt pour l’accès au TGV et à l’aéroport. Les activités juridiques s’avèrent également sensibles à des critères de qualité (caractère agréable du cadre de vie mais aussi prestige de l’adresse), qui favorisent plutôt, nous l’avons vu, une localisation centrale. Si ce secteur s’avère relativement mobile, nombre de délocalisations ont lieu en réalité à l’intérieur même du centre. Ces éléments expliquent la permanence de la très forte centralité de ces services, qui se trouve par ailleurs confirmée dans d’autres métropoles (cf. partie 1).

Les activités d’architecture se caractérisent aussi par un fort taux de centralité, néanmoins leurs logiques de localisation apparaissent relativement différentes de celles des activités juridiques. Là aussi plusieurs éléments concourent à expliquer l’attrait du CBD. D’une part, les clients sont majoritairement situés à l’intérieur de la métropole lyonnaise, le centre représentant un marché potentiel important et d’autant plus stratégique que les activités d’architecture manifestent de fortes exigences de rencontres directes avec leurs clients, les déplacements étant assurés la plupart du temps par le prestataire. Les possibilités d’accès (rapide) aux clients locaux constituent de la sorte une contrainte majeure, de même d’ailleurs que l’accessibilité aux clients extérieurs avec lesquels existent les mêmes besoins de contacts face à face. Ces éléments expliquent que ces services valorisent fortement l’accès aux axes routiers et autoroutiers mais aussi au TGV et à l’aéroport. De plus, ce secteur réalise en moyenne plus de la moitié de son chiffre d’affaires avec des clients du secteur public, dont une grande partie est justement implantée dans les communes-centre. Les activités d’architecture se distinguent aussi par l’importance de leurs externalisations de services, et se révèlent de ce fait particulièrement sensibles à la proximité immédiate de services nombreux et diversifiés, aspect sur lequel le CBD offre un avantage incontestable. Enfin, divers critères d’ordre qualitatif plaident en faveur de l’implantation centrale : la recherche d’une certaine qualité des locaux, d’un cadre de vie agréable, et peut-être surtout d’une localisation prestigieuse. De surcroît, et contrairement à ce que l’on observe dans les autres secteurs, le besoin de proximité à la résidence du chef d’entreprise est un élément supplémentaire favorable au choix d’une implantation à Lyon ou à Villeurbanne. Le manque de questionnaires en périphérie (deux seulement) nous empêche par contre de caractériser les logiques de périphérisation de ces services.

Le secteur de la publicité a un taux de centralité tout à fait comparable à celui des activités d’architecture. Comme ce dernier, les besoins de rencontres face à face avec le client s’avèrent particulièrement stratégiques, notamment en phase de négociation, et impliquent la plupart du temps des déplacements du prestataire. Notre échantillon se compose, à parts quasiment égales, d’établissements locaux et d’établissements exportateurs. Les établissements locaux semblent arbitrer entre le centre et la périphérie en fonction de la géographie de leur aire de marché locale, du fait des forts besoins d’accès aux clients : si ces derniers sont plutôt centraux, l’établissement choisit le centre, et réciproquement pour la périphérie. En revanche, le choix de localisation des établissements exportateurs apparaît plutôt dépendre des besoins en termes d’infrastructures de transport rapides : lorsque l’accès au TGV est stratégique, le centre est incontournable, sinon un site périphérique bien desservi par les voies de communications routières et autoroutières peut convenir, d’autant plus que les activités de publicité sont peu sensibles à l’aspect prestigieux de l’adresse, même si elles déclarent prendre en considération la qualité des locaux. Par ailleurs, le taux de mobilité du secteur est relativement élevé, et correspond dans la grande majorité des cas à la recherche de surfaces plus grandes, à l’occasion d’une phase d’expansion qui conduit souvent à une relocalisation en périphérie.

Les secteurs de l’intérim et de la comptabilité, dont les taux de centralité sont par ailleurs très proches et relativement élevés, nous semblent pouvoir être analysés ensemble. Ils se caractérisent en effet tous deux par une très forte proportion de clients métropolitains - tout particulièrement pour l’intérim - et une grande sensibilité à l’accès aux clients locaux, bien que les caractéristiques des relations entre le prestataire et les clients soient relativement différentes. Dans le cas de l’intérim, le déplacement chez le client est très rare en phase de négociation, alors que c’est le contraire en phase de réalisation du service. Pour les activités de comptabilité, les déplacements du prestataire sont fréquents, tant au cours de la négociation que de la réalisation. Malgré ces différences, les deux secteurs semblent arbitrer entre une localisation centrale et une localisation périphérique en fonction de la répartition centre/périphérie de leurs clients locaux. Cela explique que le centre historique, qui offre potentiellement plus de clients, soit une implantation tout particulièrement privilégiée. C’est vraiment la proximité étroite au marché qui compte, en particulier pour l’intérim qui réalise une très forte part de son chiffre d’affaires dans sa propre commune de localisation, que l’établissement soit au centre ou en périphérie. D’ailleurs, l’accès aux infrastructures de transport compte assez peu pour ces deux secteurs. L’intérim se distingue toutefois par une très forte sensibilité à la desserte par les transports en commun, y compris en périphérie, notamment parce que ce secteur vise aussi des personnes à faible ressources, qui ne sont pas forcément motorisées. Il valorise également tout particulièrement la proximité à ses concurrents, les facilités de recrutement d’une main d’oeuvre qualifiée, ainsi que la localisation dans un endroit fréquenté, où l’accès à un vaste choix de candidats potentiels est garanti. Ces différents aspects plaident en faveur du choix d’une implantation soit au centre, soit dans une commune plutôt importante de la périphérie métropolitaine. Dans le cas de la comptabilité, c’est également l’importance du marché central qui explique le fort taux de centralité du secteur.

Les secteurs de l’informatique de haut niveau, du conseil, des études de marché, des services divers et des études techniques nous paraissent également pouvoir être analysés conjointement, bien que les études techniques aient un taux de centralité plus faible que les trois autres, et des caractéristiques relativement différentes, notamment en termes de relation de service. Les logiques de localisation sont malgré tout globalement proches. Ces quatre secteurs sont très exportateurs, puisqu’ils réalisent en moyenne plus des deux-tiers de leur chiffre d’affaires au sein de la métropole lyonnaise. La valeur ajoutée tirée de ces services autorise vraisemblablement des coûts de déplacements très importants. L’informatique de haut niveau ainsi que le conseil et les études de marché vendent en particulier beaucoup en région parisienne et dans le reste de la France. Les services divers et les études techniques ont également des marchés dans le reste de la France mais également à l’étranger. La répartition centre/périphérie des clients locaux, dont la part est de toute façon généralement faible, ne semble absolument pas influer sur le choix d’une localisation intramétropolitaine. En revanche, l’importance du besoin en termes de rencontres face à face avec la clientèle extérieure, qui se traduit par une sensibilité plus ou moins élevée à l’aéroport et surtout au TGV, apparaît déterminante dans le choix entre une implantation au centre historique, en particulier à la Part-Dieu, et une installation dans un site périphérique bien relié aux axes routiers et autoroutiers. Ce constat nous amène à supposer que, pour ces secteurs, la périphérisation est possible pour des établissements ayant des contacts face à face avec les clients moins fréquents, soit du fait de la nature même de la prestation, soit grâce aux possibilités d’utilisation de moyens de télécommunication. C’est pourquoi le modèle proposé par M. Ota et M. Fujita [1993] nous semble relativement bien adapté pour formaliser les logiques spatiales de ce type d’activités. Par ailleurs, la moindre centralité du secteur des études techniques découle a priori du fait que les prestations sont plus banales que dans les trois autres types de services, et nécessitent moins de rencontres face à face (ou peut-être des contacts plus routiniers), ce qui autorise ces activités à se localiser plus fréquemment en périphérie. L’informatique de haut niveau, ainsi que le conseil et les études de marché sont particulièrement sensibles à la qualité des locaux et des prestations ainsi qu’au prestige de l’adresse, ce qui peut expliquer que le centre de la métropole, mais également l'ouest constituent des localisations de prédilection.

Le secteur de l’administration d’entreprises est composé à la fois d’établissements locaux et d’établissements exportateurs. Les premiers se localisent de préférence en périphérie, surtout si la part de leurs clients périphériques est importante, alors que les seconds s’installent au centre pour bénéficier d’un bon accès aux axes routiers et autoroutiers, ainsi qu’au TGV et à l’aéroport. Les établissements locaux s’implantent d’autant plus aisément en périphérie qu’ils sont peu attachés à des critères de qualité et surtout de prestige, mais sont attentifs à l’accès aux clients qui se trouvent, du moins dans notre échantillon, surtout localisés en périphérie. Cela est susceptible d’expliquer le faible taux de centralité de ce secteur. Notre analyse des stratégies spatiales dans ce secteur reste malgré tout limitée, en raison de la faiblesse du nombre de questionnaires.

Les prestations banales aux entreprises se distinguent par le plus faible taux de centralité de l’ensemble des onze groupes. Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés. D’une part, de nombreux établissements de ce secteur sont de très grande taille, et se localisent préférentiellement en périphérie, d'autant plus qu’il s’agit d’activités quasiment industrielles, dont les contraintes pratiques (possibilités d’extension) et surtout logistiques (accès pour les camions) favorisent ce type de localisation, en particulier les zones d’activités des communes industrielles de l’est. D’ailleurs, le faible taux de mobilité (récente et à venir) de ce secteur s’explique en partie par la proportion de grands établissements, qui rend les transferts plus coûteux et plus difficiles que pour des activités de bureau. D’autre part, ces services nécessitent, pour leur grande majorité, l’échange d’informations banales avec le client, c’est-à-dire que la relation de service reste peu développée et caractérisée par de faibles besoins en termes de rencontres face à face. Ces activités sont en fait dans une logique de sous-traitance sur mesure (cf. la partie 1), ce qui signifie que le prestataire doit généralement se déplacer régulièrement en phase de réalisation (cf. les activités de sécurité ou encore de nettoyage) : cela nécessite certes d’assurer un bon accès à la clientèle locale, mais une large partie de ces déplacements, même s’ils sont fréquents, sont routiniers et donc planifiés, alors que dans d’autres secteurs (conseil et études de marché, informatique de haut niveau, etc.) il est nécessaire d’organiser des réunions dont la fréquence est souvent plus aléatoire. Pour les prestations banales aux entreprises, ni le TGV ni l’aéroport ne semblent importants, non plus que les facteurs de qualité ou encore de prestige, de sorte que la localisation centrale n’est pas nécessaire, et qu’un site périphérique accessible suffit pour desservir l’aire de marché, qu’elle soit centrale, périphérique, voire même située dans le reste de la région Rhône-Alpes.

Ces enquêtes permettent de surcroît de confirmer la pertinence de notre découpage de la métropole lyonnaise en cinq sous-espaces, et de révéler les avantages et le rôle de chacun pour l’accueil d’établissements de services aux entreprises.

La permanence de la très forte attractivité de la localisation centrale renvoie en fait à différentes spécificités. D’une part, le centre de la métropole demeure favorisé par son très fort potentiel de clientèle, notamment dans le secteur tertiaire. Il constitue de la sorte une implantation privilégiée pour les activités dont l’aire de marché est plutôt locale, et qui en outre ont de forts besoins en termes de rencontres face à face avec leurs clients. Il offre par ailleurs un excellent accès au reste de la métropole, en particulier parce qu’il bénéficie d’une bonne desserte par les principaux axes routiers et autoroutiers. La localisation centrale garantit d’autre part un excellent accès au TGV mais aussi à l’aéroport Saint Exupéry, éléments particulièrement appréciés par les activités qui réalisent une forte part de leur chiffre d’affaires hors de la métropole, que ce soit dans le reste de la région Rhône-Alpes ou au-delà, et surtout par celles qui ont de fréquents besoins de rencontres avec leurs clients. Les communes-centre se distinguent aussi par la qualité des locaux, une excellente desserte par les transports en commun, et surtout le fait qu'elles offrent (notamment Lyon) une adresse prestigieuse ; les coûts fonciers y sont d’ailleurs plus élevés en moyenne qu’en périphérie. Enfin, ces communes constituent un milieu riche et diversifié de services, qui favorise l’externalisation. Ces différents éléments laissent à penser que l’attrait de la localisation centrale pour les services aux entreprises n’est pas prêt de diminuer. Cette conclusion est d’ailleurs confortée par l’analyse des délocalisations passées et à venir.

Le centre historique subit malgré tout incontestablement la concurrence croissante de sites situés en proche périphérie mais aussi au-delà. Un des intérêts de notre travail est de montrer que les caractéristiques des quatre sous-espaces identifiés à l’issue de l’analyse statistique ne sont pas toutes équivalentes. Ces différences expliquent d’ailleurs le fait que ces sous-espaces n’accueillent pas les mêmes types de services aux entreprises, et confortent les conclusions de la deuxième partie mettant en avant le fait que ces zones sont plutôt complémentaires que concurrentes, et vraisemblablement encore largement dépendantes du centre historique.

Les atouts de la périphérie sont multiples. Un premier élément concerne l’extension des aires de marché hors du centre. L’implantation croissante d’autres services aux entreprises en périphérie multiplie également les possibilités d’externalisation. Un mécanisme de type circulaire semble ainsi se mettre en place, qui permet progressivement aux différentes catégories de services de s’implanter hors du CBD. Un second atout relève du développement des infrastructures routières et autoroutières, qui permettent un excellent accès non seulement à l’ensemble de la métropole lyonnaise, mais également vers l’extérieur, à savoir la région Rhône-Alpes mais aussi au-delà. Ces éléments sont fondamentaux pour les catégories de services qui sont exportatrices mais ont de plus faibles besoins que d’autres en termes de déplacements professionnels. Un troisième atout est constitué par le fait que la périphérie est en mesure de fournir une offre de sites de mieux en mieux adaptée aux attentes spécifiques des services aux entreprises. Les disponibilités foncières y sont en outre plus importantes, ce qui explique notamment pourquoi des établissements relevant de secteurs en fort développement, comme l’informatique de haut niveau, se localisent de façon croissante hors du centre. Les sous-espaces périphériques ne sont toutefois pas équivalents en termes de qualité, et plus généralement du cadre de vie, et l’ouest apparaît beaucoup plus attractif en la matière que l’est. Il constitue de ce fait une localisation privilégiée pour des secteurs comme l’informatique de haut niveau ou encore le conseil et les études de marché, qui se montrent particulièrement sensibles à ces critères. La périphérie n’accueille pour cet ensemble de raisons pas uniquement des services banals, mais également des prestations de haut niveau.