I. Des logiques spatiales dépendantes du type de prestation et de l’aire de marché

L’analyse de la spatialisation des services aux entreprises révèle qu’il est indispensable d’introduire des différenciations au sein même du secteur : si certaines catégories demeurent quasi exclusivement centrales, comme les activités juridiques, d’autres, telles les études techniques, s'avèrent très largement présentes hors du centre historique, tandis que le conseil ou encore l’informatique de haut niveau occupent une position intermédiaire. Par ailleurs, la dichotomie relativement grossière entre les activités de haut niveau et les activités plus banales n’est pas pertinente.

Cela prouve d’une part que la périphérie métropolitaine n’accueille pas que des prestations banales, et nous permet d’autre part de dresser une typologie originale du secteur en onze groupes, à partir du niveau le plus fin de la nomenclature INSEE.

Comprendre ces premiers résultats nécessite de dépasser le cadre de la plupart des modèles de la NEU, qui aboutissent à la conclusion que les services aux entreprises sont nécessairement implantés au centre. Prenant appui sur le modèle de J.M. Clapp [1980], ainsi que sur les avancées produites par l’économie géographique, notamment l’analyse de M. Ota et M. Fujita [1993], nous avons souligné l’importance potentielle de plusieurs éléments, largement interdépendants, dans le choix d’une localisation intramétropolitaine : il s’agit d’une part de la nature de la relation entre le prestataire et les clients, d’autre part de l’étendue de l’aire de marché, ces deux paramètres conditionnant les besoins en termes d’accès aux différents moyens de transport.

Des enquêtes confirment et explicitent le rôle respectif de chacun de ces éléments. La distinction essentielle est celle qui oppose les établissements locaux, à savoir ceux qui réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires au sein de la métropole, et les activités exportatrices 123 .

Les établissements locaux, lorsqu’ils manifestent d’importants besoins de rencontres face à face avec leurs clients, du fait qu’ils utilisent principalement des informations tacites, arbitrent entre une localisation centrale et une localisation périphérique selon la part respective de leur marché au centre et en périphérie. En revanche, dans le cas d’activités plus banales, un bon accès aux axes routiers et autoroutiers suffit, et, dans ce cas, certains sous-espaces périphériques, bien reliés au réseau et qui ont en outre l’avantage de proposer des surfaces plus importantes et moins chères qu’au centre, se révèlent parfaitement adaptés.

Les stratégies spatiales des établissements exportateurs s’avèrent quant à elles relativement conformes aux résultats du modèle de M. Ota et M. Fujita [1993] : si les informations échangées avec le client sont de type tacite, ces activités manifestent un fort besoin d’accès aussi bien aux axes autoroutiers qu'à la gare TGV ainsi qu’à l’aéroport, ce qui conditionne directement une implantation au centre. Si les transports rapides sont moins stratégiques, un site périphérique accessible est envisageable.

Certains éléments d’ordre qualitatif, rarement pris en compte par les modèles, sont également importants, comme la qualité des locaux, le cadre de vie ou encore le prestige de l’adresse.

Enfin, les acteurs publics locaux exercent manifestement une faible influence directe sur le choix d’une localisation, et la recherche d’un site passe le plus souvent par les professionnels de l’immobilier d’entreprise. En fait, l'action des pouvoirs publics en la matière nous semble devoir être plutôt orientée vers la valorisation des espaces connectés aux infrastructures de transport, notamment la mise en place de zones d’activités, proposant en outre des locaux de qualité. L’exemple de la réussite de Techlid, en banlieue ouest de Lyon, est à ce titre révélatrice.

Notes
123.

C’est-à-dire celles qui réalisent plus de la moitié de leur chiffre d’affaires hors de la métropole.