L’émotion

Définition, induction et manifestation de l’émotion

Young (1973) définit l’émotion comme un état ou un processus affectif perturbé, d’origine psychologique. Young propose 3 critères qui différencient une condition émotionnelle d’une condition non-émotionnelle : (1) une émotion est un état affectif perturbé de l’organisme ; (2) une réaction émotionnelle implique des changements viscéraux provoqués par le système nerveux autonome ; (3) une émotion provient d’une situation psychologique qui inclut un traitement dynamique provoqué par la perception, la mémoire, l’imagination et d’autres traitements cognitifs reliés. Rolls (1999), définit l’émotion comme étant un état provoqué par une récompense ou une punition. Les définitions données par d’autres auteurs sont variées, et diffèrent selon la discipline du chercheur.

Ainsi, l’étude de l’émotion se heurte à une absence de consensus quant à sa nature et sa définition. Différents termes peuvent être utilisés pour qualifier un événement émotionnel. On notera les plus classiques : émotion, humeur, sentiment et affect. Le tableau 1 donne les définitions fournies par les dictionnaires Petit Larousse et Petit Robert. Tout d’abord, considérons la notion d’émotion.

Tableau 1. Définitions des termes d’émotion, d’humeur, de sentiment et d’affect selon les dictionnaires Petit Larousse et Petit Robert.
Petit Larousse Petit Robert
Emotion Trouble subit, agitation passagère causés par un sentiment vif de peur, de surprise, de joie, de colère, etc. Etat de conscience complexe, généralement brusque et momentané, accompagné de troubles physiologiques (pâleur, rougissement, palpitation, accélération du pouls, etc.)
Humeur Etat thymique fondamental dominant la vie affective et les réactions émotionnelles d’un individu Ensemble des dispositions, des tendances dominantes qui forment le tempérament, le caractère
Sentiment Etat affectif complexe et durable lié à certaines émotions ou représentations Conscience plus ou moins claire, connaissance comportant des éléments affectifs et intuitifs
Affect Impression élémentaires d’attraction ou de répulsion qui est à la base de l’affectivité Etat affectif élémentaire

Les définitions qui sont fournies par les dictionnaires sous-entendent plusieurs notions : (1) celle d’un changement d’état ; (2) celle d’un état passager ; (3) celle d’un état qui provoque des changements du corps ; (4) cet état peut être positif ou négatif . Concernant l’humeur, les définitions n’indiquent plus une modification brutale du comportement, mais plutôt un état qui dure dans le temps. Le concept de sentiment fait lui appel à une représentation mentale, une connaissance, colorée d’un point de vue affectif, et complexe. Enfin, le terme affect fait émerger une notion plus élémentaire, et qui est rattachée à la notion de motivation.

Les termes d’affect et d’émotion faisant appel à des états élémentaires et momentanés, nous proposons des les utiliser de la même façon durant cette présentation. Nous réserverons le terme d’humeur à un état plus durable qui, justement, peut être influencé par les émotions, ou affects, ou états affectifs. Enfin, nous n’utiliserons que très peu le terme de sentiment, qui fait appel au souvenir et à la mémoire.

Sans tenir compte des problèmes liés à leur définition, l’émotion peut être analysée selon certaines composantes nécessaires au bon déroulement de ce processus. On peut définir deux types de caractéristiques : les inducteurs (responsables du déclenchement de l’émotion), et les réponses (réactions brèves en réponse à l’inducteur). Ces dernières sont de différentes nature : comportementales, périphériques (faciales et autonomes), et centrales (corticales). Concernant les inducteurs, les psychologues ont pendant longtemps tenté d’étudier les effets d’émotions particulières sur différents types de comportements. Ces dernières années, on a vu un intérêt croissant de ce type d’études dans les journaux de psychologie cognitive, clinique, sociale et de la personnalité. Cependant, différents problèmes se posent aux chercheurs de la spécialité. La première question concerne l’induction d’émotions. Cette question est directement reliée à la nature même de l’émotion. Bien qu’il n’y ait pas de définition acceptée comme nous l’avons vu plus haut, la plupart des auteurs sont d’accord sur le fait que l’émotion est un phénomène complexe qui enveloppe une diversité de processus comme les expressions faciales, les réponses du corps, des états affectifs, des comportements d’approche et de retrait (Gerrards-Hesse, Spies & Hesse, 1994). Le second problème est que l’induction d’émotions en laboratoire est problématique d’un point de vue éthique : les émotions sont des événements privés. Elles sont souvent associées à une perte de contrôle, et peuvent activer des souvenirs traumatisants. De plus, si on considère les émotions négatives, elles sont assez souvent douloureuses. A l’opposé, d’un point de vue éthique, il est plus facile d’induire des émotions positives (Philippot, 1993). En prenant en compte toutes ces difficultés, la question de la validité des situations inductrices d’émotions en laboratoire se pose forcément. En dépit de l’importance de ce problème, plusieurs techniques d’induction d’émotions sont utilisées. Ainsi, les méthodes pour produire ces émotions en laboratoire incluent généralement la lecture de textes agréables ou désagréables, la visualisation de films (Gross & Levenson, 1995), la stimulation par des chocs électriques, entre autres (Polivy, 1981).