Les structures impliquées dans le traitement de l’émotion

L’apport des nouvelles techniques d’imagerie ces dernières années, a permis de confirmer et d’élargir les connaissances relatives aux structures impliquées dans la perception des émotions.

On sait depuis de nombreuses années que le système limbique est particulièrement impliqué dans le traitement des émotions. Il a une diversité fonctionnelle et anatomique tellement large, que les recherches modernes le façonnent comme plusieurs circuits distincts, mais ayant des fonctions communes. Il y a deux structures clés : la formation hippocampique et l’amygdale. Le circuit hippocampique inclut diverses structures télencéphaliques et diencéphaliques. Ce circuit est essentiel dans les processus mnésiques (mémoire à court terme, à long terme et spatiale). Le circuit amygdalien serait principalement impliqué dans les processus émotionnels. Ce circuit influence les systèmes effecteurs du cerveau : les systèmes neuroendocrine, autonome et sensori-moteur. La fonction du circuit amygdalien est par conséquent similaire aux fonctions originelles que l’on conférait au système limbique en entier (Martin, 1996). Les composantes du système limbique (incluant d’autres structures que celles présentées plus haut), sont listées tableau 2.

Tableau 2. Composantes du système limbique (d’après Martin, 1996).
Division cérébrale majeure Structures Composantes
Hémisphère cérébraux (Télencéphale) Cortex limbique associatif Orbito-frontal
Gyrus cingulaire
Entorhinal
Pôle temporal
Formation hippocampique Hippocampe (corne d’Ammon)
Subiculum
Gyrus Dentatus
Complexe amygdalien Noyau Cortico-médial
Noyau Basolatéral
Noyau central
Striatum ventral Noyau accumbens
Tubercule olfactif
Noyaux caudés ventro-médian
Putamen
Diencéphale Thalamus Noyau antérieur
Noyau dorso-médian
Noyau intralaminaire
Hypothalamus Noyau mamillaire
Noyau ventro-médian
Aire hypothalamique latérale
Epithalamus Habénula
Mésencéphale Portions de la matière grise périaqueductale et formation réticulée

Ce type de dissociation entre complexe amygdalien et formation hippocampique est également suggéré par des travaux en neuropsychologie (Bechara, Tranel, Damasio, H., Adolphs, Rockland & Damasio, A.R., 1995), qui indiquent que l’amygdale est principalement impliquée dans les apprentissages de type émotionnel, alors que l’hippocampe intervient dans le traitement des connaissances déclaratives. En accord avec cette théorie, des travaux chez le rat suggèrent un rôle particulier de l’amygdale dans l’apprentissage de la peur (Rogan, Stäubli & LeDoux, 1997). Néanmoins, il semblerait que l’amygdale puisse intervenir dans des traitements autres qu’émotionnels. En effet, dans une revue de question, Holland et Gallagher (1999) suggèrent l’existence de liens entre cette structure et des traitements tels que le renforcement et l’attention. Chacune de ces fonctions dépendrait d’un sous-système amygdalien distinct. Ainsi, le noyau basolatéral serait impliqué dans l’acquisition et la représentation de la valeur de renforcement d’un stimulus, alors que d’autres régions auraient des rôles différents.

Les études récentes qui utilisent des méthodes d’imagerie comme l’IRMf ou la TEP, indiquent également une activation des régions limbiques, et notamment l’amygdale, en réponse à des stimulations émotionnelles. En utilisant l’IRMf, Irwin et collaborateurs (Irwin, Davidson, Lowe, Mock, Sorenson & Turski, 1996) observent une activation de l’amygdale chez tous les sujets de leur expérience. Cette activation est obtenue en réponse à des stimulations visuelles désagréables. En utilisant la même technique, mais avec une meilleure résolution temporelle (IRMf événementielle), Büchel, Morris, Dolan & Friston (1998) ont tenté de caractériser les réponses neuronales associées à l’apprentissage émotionnel. En utilisant un paradigme de conditionnement classique, dans lequel des visages (stimuli conditionnés ou C+) étaient couplés à des sons aversifs (SI), les expérimentateurs ont alors comparé les réponses conditionnées (C+) avec les réponses non conditionnées (visages non couplés avec des sons aversifs, ou C-). Ils observent des réponses différentes entre stimuli non conditionnés et conditionnés : (1) le conditionnement implique une activation des régions cingulaires et insulaires antérieures ; (2) l’amygdale est activée au début du conditionnement, alors qu’un processus d’habituation est observé par la suite. Cette même équipe a suggéré par la suite que l’amygdale pourrait avoir d’autres fonctions : (1) discriminer les stimulations environnementales sur la simple base du fait qu’elles ont été apprises ; (2) répondre en utilisant les deux hémisphères différemment, selon que l’on prend conscience ou pas des stimulations environnementales (Morris, Öhman & Dolan, 1998).

Certaines recherches ne montrent pas d’activation de l’amygdale liée à des événements émotionnels. Ainsi, Damasio, A.R., Grabowski, Bechara, Damasio, H., Ponto, Parvizi & Hichwa (2000) montrent une absence d’activation de l’amygdale alors que des sujets doivent se rappeler des souvenirs positifs et négatifs. Selon les auteurs, l’amygdale serait moins engagée dans les processus de type rappel de souvenirs. Une autre recherche indique également une absence d’activation de l’amygdale lors d’une situation émotionnelle (Fischer, Wik & Fredrikson, 1996). Les sujets de leur expérience étaient les employés d’une banque qui avait été volée dans le passé. Les stimulations étaient de deux types : (1) un film vidéo du vol de la banque (traumatisant) ; (2) un film neutre. Les résultats indiquent une activation des aires visuelles et du cortex orbito-frontal droit, provoquée par la situation traumatisante, mais pas d’activation de l’amygdale.

Il apparaît évident à la vue de ces résultats que certaines régions limbiques comme l’amygdale sont particulièrement impliquées dans les traitements de types affectifs. Cependant, le niveau d’attention, la conscience du stimulus, le stimulus lui même peuvent déterminer l’intervention d’une région ou d’une autre. Nous allons voir par la suite comment les psychologues, les physiologistes, et autres encore, organisent l’émotion.