Une organisation selon des systèmes d’approche et de retrait

Certains chercheurs se sont intéressés aux relations entre valence hédonique des stimuli et hémisphères cérébraux (Davidson, 1984, 1992, 1993, 1999, 2000a, 2000b ; Davidson & Fox, 1982 ; Davidson & Sutton, 1995 ; Davidson & Irwin, 1999 ; Sutton & Davidson, 1997) : l’hémisphère droit joue un rôle particulier dans le traitement de l’émotion négative, alors que l’hémisphère gauche serait spécialisé dans le traitement de l’émotion positive (voir Bryden, 1982 ; Tuker & Frederick, 1989 ; Gainotti, Caltagirone & Zoccolotti, 1993). Cette théorie distingue les affects positifs des affects négatifs, et sous-tend l’existence de deux systèmes affectifs : l’un basé sur les comportements d’approche, et l’autre sur les comportements de retrait. Elle est ainsi en accord avec la théorie de Lang et ses collaborateurs (Bradley & Lang, 1994 ; Lang, Bradley & Cuthbert, 1997 ; Lang, Bradley & Cuthbert, 1998b ; Lang, Bradley, Fitzsimmons, Cuthbert, Scott, Moulder & Nangia, 1998c). Pour ces auteurs, l’émotion est fondamentalement organisée par deux composantes : la valence hédonique des stimulations et leur capacité a exciter (ou éveiller) le sujet. De plus, leurs données suggèrent que ces deux caractéristiques de l’émotion sont modulées par des variables périphériques différentes : pour les réponses hédoniques, les réponses faciales (Vrana, 1993 ; Greenwald, Cook & Lang, 1989 ; Lang, Greenwald, Bradley & Hamm, 1993), les réflexes de sursaut (Schupp, Cuthbert, Bradley, Birbaumer & Lang, 1997 ; Palomba, Angrilli & Mini, 1997) et le rythme cardiaque (Bradley, Cuthbert & Lang, 1996 ; Palomba, Sarlo, Angrilli, Mini & Stegagno, 2000), et pour la dimension d’éveil, la conductance de la peau et les potentiels évoqués corticaux tardifs (Cuthbert, Schupp, Bradley, Birbaumer & Lang, 2000). Cette organisation de l’émotion serait applicable pour des stimulations de type visuel et auditif (Bradley, 2000 ; Bradley & Lang, 2000).

A l’aide de la technique TEP, Lane et collaborateurs (Lane, Reiman, Bradley, Lang, Ahern, Davidson & Schwartz, 1997) ont cherché à explorer le substrat neuronal de ces deux systèmes. Les auteurs ont testé des sujets sains en leur faisant visualiser des images positives, négatives ou neutres. Les résultats sont en accord avec la théorie citée plus haut : il existe des zones spécifiques aux traitements des stimuli positifs et négatifs. Cependant, Lane et al., montrent également l’existence de zones de traitement communes. Paradiso et collaborateurs (Paradiso, Johnson, Andreasen, O’Leavy, Watkins, Ponto & Hichwa, 1999) présentent à des sujets sains des images plaisantes, neutres et déplaisantes, alors que le débit sanguin cérébral régional est enregistré à l’aide de la technique TEP. Leurs résultats indiquent que : (1) le traitement des images plaisantes est associé à une augmentation du débit sanguin dans le cortex frontal dorso-latéral, orbital et médian, comparé à la situation déplaisante, et dans les cortex cingulaire et visuel comparé à une situation neutre ; (2) l’évaluation d’images déplaisantes est associée à une augmentation de l’activité dans l’amygdale, le cortex visuel et le cervelet comparé à une condition neutre. Ainsi, les stimulations de valence affective négative produisent une activation des régions limbiques sous corticales, alors que les stimuli plaisants activent les aires limbiques corticales. Selon les auteurs, ces données suggèrent l’existence d’un système de reconnaissance du danger, archaïque et sous cortical, et un système de détection d’événements et de situations plaisants qui serait phylogénétiquement plus jeune, impliquant de façon principale le cortex préfrontal. En utilisant la même technique (TEP), Abercombrie et collaborateurs (Abercombrie, Schaefer, Larson, Oakes, Lindgren, Holden, Perlman, Turski, Krahn, Benca & Davidson, 1998) observent des résultats qui sont en accord avec la théorie citée plus haut : l’activation de l’amygdale droite est corrélée de façon positive avec l’affect négatif. Angrilli et collaborateurs (Angrilli, Mauri, Palomba, Flor, Birbaumer, Sartori & di Paola, 1996), observent que les sujets ayant une lésion de l’amygdale droite ont un réflexe de sursaut perturbé. En effet, le réflexe de sursaut est une réponse modulée par les états affectifs : son amplitude est d’autant plus grande que l’affect est négatif (Lang, Bradley & Cuthbert, 1990). Les résultats d’Angrilli et al. indiquent que les patients atteints de lésions de l’amygdale droite ne montrent pas le même pattern, en ce sens que l’amplitude du réflexe n’est plus augmentée si on présente des images de contenu affectif négatif. Ce résultat souligne l’importance de l’amygdale droite dans le traitement émotionnel, et est en accord avec l’hypothèse selon laquelle l’hémisphère droit est spécialisé dans le traitement des émotions négatives. Enfin, d’autres arguments en faveur de cette théorie sont fournis par l’étude IRMf de Canli, Desmond, Zhao, Glover et Gabrieli (1998), qui indique une spécialisation hémisphérique droite pour l’affect négatif, alors que la perception de l’affect positif serait sous la dépendance de l’hémisphère gauche.