Les régions cérébrales impliquées dans le traitement d’odeurs non explicitement perçues

Comme nous l’avons vu précédemment, les odeurs peuvent affecter le système nerveux sans être perçues consciemment. Cependant, l’EEG et les études comportementales ne spécifient pas quelles régions cérébrales sont impliquées dans de telles perceptions non conscientes. Une étude de Nasel, C., Nasel, B., Samec, Schindler et Buchbauer (1994) s’est intéressée aux effets des parfums sur le système nerveux central. Les auteurs ont exposé des sujets à une inhalation prolongée du 1,8-cinéol en enregistrant le débit sanguin cérébral régional (DSCr) à l’aide de la technique TEP. Le DSCr était comparé avant et après la phase de diffusion de l’odeur (20 à 25 minutes). Les résultats indiquent que le DSCr était significativement plus élevé après la diffusion de l’odeur qu’avant. Cependant, cette étude, même si elle utilise une technique ayant une haute résolution spatiale, n’indique en aucune façon de rôle spécifique de certaines régions dans la perception des odeurs et des parfums.

Dans l’objectif de spécifier les régions cérébrales impliquées dans la perception non consciente d’odeurs, Sobel et al. (1999) ont étudié l’effet d’un composé odorant (oestra-1,3,5(10),16-tetraen-3yl acetate) à différentes concentrations (une faible, 10-8 M et forte, 10-2 M) sur l’activité du système nerveux central. Les auteurs ont utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle pour localiser les aires cérébrales activées par les deux concentrations d’odeurs. La tâche des sujets était de dire s’ils détectaient une odeur pendant l’expérience (alors que les expérimentateurs présentaient des séquences odorisées et non odorisées). Les résultats indiquent que les 8 sujets qui ont participé à l’étude ont déclaré qu’ils n’avaient pas détecté d’odeurs pendant l’expérience. Cependant, même si la prise de conscience du stimulus (pour les deux concentrations) est faible, les analyses statistiques indiquent que les deux concentrations du composé induisent des activations cérébrales significatives chez tous les sujets. Le thalamus antérieur médian (près du fornix) était significativement activé chez la plupart des sujets (7 sur 8). Le gyrus frontal inférieur (bordant les aires prémotrices), était significativement activé chez 6 des 8 sujets. L’amygdale, les régions hypothalamiques et l’hippocampe étaient significativement activées chez 5 des 8 sujets. On remarque que les régions activées dans cette étude sont également activées dans des études utilisant des odeurs ayant des concentrations qui dépassent largement le seuil olfactif (voir en introduction). Cependant, une analyse plus fine des données indique que parmi les 7 sujets ayant une activation thalamique significative, des réponses dépendantes de la concentration sont observées chez 6 d’entre eux : l’activation thalamique est plus grande après une stimulation par une odeur à forte concentration qu’après une stimulation à concentration faible. Ainsi, le thalamus semble être une région critique dans la prise de conscience de l’information olfactive, ce qui va dans le sens de théories récentes qui lui confèrent une place importante dans la neuroanatomie de la prise de conscience des stimulations environnementales (Damasio, 2000).