Expérience 2. Impact des odeurs non perçues consciemment et de leur dimension hédonique sur l’activité corticale

Objectifs de l’étude

La modulation, par les odeurs, de potentiels évoqués visuels a largement été étudiée ces dernières années. Ainsi, certaines études d’amorçage indiquent qu’en fonction du degré de congruence entre un stimulus amorce (odeur par exemple) et un stimulus cible (stimulus visuel par exemple), une onde négative survenant 400 ms (onde N400) après l’apparition du stimulus visuel voit son amplitude varier (Grigor, 1995). En effet, on s’aperçoit que lorsque l’amorce n’est pas congruente avec la cible, alors l’amplitude de l’onde N400 augmente par rapport à la situation où l’amorce et la cible sont congruentes. Ce type d’amorçage sémantique a tout d’abord été décrit pour des mots (Kutas et Hillyard, 1980, 1984) ; par la suite on l’a observé pour d’autres types de stimuli.

La modulation de l’onde N400 visuelle a été suggérée par d’autres études avec des odeurs agréables en amorce (Grigor, Van Toller, Behan & Richardson, 1999 ; Sarfarazi, Cave, Richardson, Behan & Sedgwick, 1999) et avec des odeurs désagréables (Castle, Van Toller & Milligan, 2000).

D’autres expériences indiquent la modulation d’une autre onde (notamment l’onde P300) évoquée par un stimulus visuel (Lorig, Mayer, Moore & Warrenburg, 1993). Ainsi, lorsque des sujets sont exposés à un mot précédé d’une odeur, une onde positive apparaît 380 ms après le mot. L’amorçage par l’odeur a pour conséquence une augmentation significative de la négativité de cette onde. Le tableau 5 illustre les principales études citées plus haut.

Il apparaît donc à travers ces différentes études que l’odeur peut moduler un potentiel évoqué visuel. Les ondes P300 et N400 semblent être sensibles à l’association odeur – stimulus visuel. Cependant, sur les 4 études présentées dans le tableau 1, une seule étudie les effets des odeurs non consciemment perçues sur ce type d’ondes. En effet, durant cette expérience (Sarfarazi et al.) la tâche des sujets ne faisait pas référence à l’odeur, même si cette dernière était perceptible pour tous les sujets.

Tableau 5. Principales expériences étudiant l’effet des odeurs sur les potentiels évoqués visuels.
Lorig, et al. (1993) Grigor, et al. (1999) Sarfarazi, et al. (1999) Castle, et al. (2000)
Amorces Odeurs de menthe, raisin, citron ou Mots Odeur de rose, citron, herbe, cuir Air et odeur de rose, jasmin, citron Parfums et odeurs désagréables
Cibles Mots : menthe, raisin, citron Congruentes et incongrues avec l’odeur Congruentes, semi – congruentes et incongrues avec l’odeur Congruentes (75%) et incongrues (25%) avec l’odeur
Onde N100, P200, P300, P380 N400 (300 – 600) N400 (350 – 600) N400 (300 – 600)
Electrodes 9 électrodes 18 électrodes 16 électrodes puis une seconde analyse sur 6 électrodes. 11 électrodes
Tâche Décision consciente : compter le nombre de cible identifiant correctement l’amorce. Décision consciente : est-ce que l’amorce et la cible sont reliées ? Décision non consciente : classer l’image comme un fruit, une fleur ou ni l’un ni l’autre. Les sujets savaient qu’une odeur pouvait être diffusée de temps à autre. Décision consciente : est-ce que l’amorce et la cible ont une relation congruente ?
Fenêtre PEV -200 ms à +800 ms -200 ms à +800 ms -500 ms à +1540 ms -100 ms à +1400 ms
Résultats L’onde P380 est significativement plus ample durant les essais non reliés, mais ceci est indépendant du type d’amorce (odeur ou mot).
Cependant, l’amorçage par l’odeur produit une augmentation significative de la négativité dans le lobe frontal gauche.
N400 plus ample quand la cible est incongrue.
On observe une N400 pour les 2 conditions, mais pour la condition incongrue, l’onde N400 est significativement plus ample.
Les différences en amplitude sont surtout observées dans les sites centraux (FZ, CZ, CPZ, PZ).
L’amplitude de l’onde N400 n’est pas affectée par les différents types d’images lorsque aucune odeur n’est présente.
Cependant, quand une odeur est diffusée, l’amplitude du pic négatif est reliée au degré de congruence entre l’image et l’odeur dans pratiquement tous les cas.
Aucun effet des parfums.
Obtention d’un effet avec des odeurs désagréables en amorce. Ainsi, quand le couple odeur – désagréable / image est incongrue, l’onde N400 est plus ample.

Le premier objectif de notre expérience est d’étudier les preuves électrophysiologiques de l’effet des odeurs sur le traitement cérébral des images de visages féminins. Le second est de savoir si l’onde N400 peut être générée lors d’un amorçage affectif. Pour cela, nous allons utiliser le même principe que celui des expériences précédemment citées (Grigor et al., 1999 ; Sarfarazi et al., 1999 ; Castle et al., 2000) en testant l’effet d’une amorce olfactive plaisante (un parfum floral) sur la perception de visages plaisants et déplaisants. L’hypothèse est qu’en situation incongrue (odeur plaisante – visage déplaisant) l’amplitude de l’onde N400 sera plus grande.

Il est à noter que l’onde N400 peut être générée en demandant aux sujets de réaliser une tâche qui relie consciemment amorce et cible (Grigor et al.), mais également en leur demandant de classer la cible dans une catégorie sémantique sans porter attention à l’amorce (Sarfarazi et al.). Les sujets de notre expérience auront pour tâche de réaliser un jugement affectif sur le visage en décidant si ce dernier leur plaît (oui ou non). La tâche ne fera pas référence à l’odeur. Nous avons choisi de ne pas révéler au début de l’expérience la présence de l’odeur afin d’étudier l’effet de l’amorce olfactive, avec un minimum d’intervention de la conscience et de l’attention.

Enfin, l’expérience s’intéressera également à l’effet des odeurs sur un potentiel évoqué tardif : le complexe positif tardif (ou LPC). En effet, des résultats récents (Hermann, Ziegler, Birbaumer & Flor, 2000) indiquent que l’odeur module la LPC évoquée par des stimulations visuelles.