Discussion

L’objectif de la présente étude était de déterminer si une amorce olfactive agréable pouvait influencer les réponses comportementales et électrophysiologiques lorsque des sujets devaient réaliser un jugement affectif sur des visages. L’existence de modulations des ondes N400 et LPC durant ce type de jugement émotionnel nous intéressait également. Finalement nous avons exploré le rôle de la prise de conscience, dans les modulations électrophysiologiques et comportementales, des évaluations affectives de visages.

Le premier résultat de cette étude est que l’odeur plaisante peut influencer les évaluations affectives de visages, et spécialement quand les sujets ne sont pas conscients de sa présence durant l’expérience. D’une façon générale, nos résultats sont en accord avec les études qui indiquent que les odeurs influencent le comportement, l’humeur, la cognition et plus spécifiquement la perception des visages.

Le second résultat intéressant concerne l’influence des odeurs sur les temps de réponses pour évaluer les visages. Il est admis de tous que lorsque le temps de réponse pour effectuer une tâche est diminué, alors cette dernière est dite facilitée. Dans notre cas, l’odeur agréable prolonge le temps du jugement affectif d’un visage plaisant, ce qui suggère que le jugement affectif n’est pas facilité. Si on observe de plus près ces résultats, on peut sans doute les mettre en relation avec ceux d’études comportementales et électrophysiologiques citées ci-dessus. En effet, nous avons vu que les odeurs peuvent augmenter le temps de présence de sujets dans une situation particulière (recherche de cible, temps de présence dans un magasin, etc.). La raison d’un tel effet « distracteur » pourrait être, comme le suggère Lorig (1994), que les odeurs interfèrent avec un processus connu sous le nom de « mise à jour du contexte » qui est nécessaire à l’évaluation adéquate d’un stimulus.

Concernant les temps de réponses relatifs aux visages (sans prendre en compte l’amorçage par l’odeur), les résultats indiquent en général que les visages déplaisants sont évalués plus rapidement que les visages plaisants durant le jugement affectif. Ce résultat est en parfait accord avec les résultats que nous présentons dans la seconde partie de cette thèse doctorale, et qui indiquent que les stimulations déplaisantes pourraient être traitées plus rapidement que les stimulations plaisantes, spécifiquement durant les jugements de type hédonique.

Notre étude n’a pas montré d’effet N400 durant le jugement émotionnel quand des visages étaient précédés d’amorce neutre (air) ou odorisée agréablement. Ainsi, les résultats d’études antérieures n’ont pas été répliqués. Cependant, dans les sites occipitaux, notre étude a mis en évidence une modulation de la LPC par l’odeur : quand ils sont précédés d’une amorce odorisée plaisante, les visages déplaisants provoquent plus de négativité dans l’amplitude de la LPC, par rapport aux visages plaisants. A l’opposé, le pattern inverse est observé dans les sites frontaux. Ces effets des odeurs sur la LPC évoquée par des visages sont observés alors que les sujets devaient décider si la cible (le visage) était plaisante ou déplaisante, et l’odeur n’était pas mentionnée. Ce résultat suggère que la modulation de la LPC, générée par un amorçage non conscient, ne dépend pas d’une décision d’appariement consciente. Ceci est en accord avec l’étude de Sarfarazi et al. (1999) dans laquelle les sujets devaient visualiser des images alors que des odeurs étaient diffusées dans la pièce pendant une certaine période. La tâche des sujets était de catégoriser un stimulus visuel (cible) comme étant un fruit ou une fleur (premier choix) ou autre chose (second choix). Aucune comparaison ou appariement entre l’odeur et l’image n’était requise.

Enfin, concernant l’effet de la prise de conscience, nous avons observé qu’il doit être pris en compte dans les réponses comportementales, mais aucun effet n’a été observé pendant les enregistrements électrophysiologiques, comme le suggèrent d’autres expériences déjà citées.

Les résultats de notre expérience plaident en faveur de l’hypothèse d’une modulation de l’activité corticale enregistrée sur le scalp et évoquée par un visage, par la présence d’une odeur agréable. De plus, nous avons également observé que la LPC pouvait être modulée durant un jugement affectif. Cependant, notre étude n’indique des effets statistiquement significatifs que pour certaines électrodes spécifiques. Ainsi, l’effet des odeurs sur le jugement affectif de visages doit être confirmé en l’explorant à l’aide de différentes odeurs, et notamment des stimulations agréables et désagréables.