Synthèse et conclusions du chapitre premier

Les travaux effectués par notre groupe ont eu pour objectif de déterminer à quelles conditions la perception d’une odeur pendant l’examen visuel d’un visage, modifie le jugement porté sur ce visage. Les résultats de la première expérience confirment les données d’expériences antérieures : il existe bien un effet du parfum sur la perception de visages (féminins). Cet effet est complexe puisqu’il peut être positif pour certains traits (attirance physique) mais négatif pour d’autres descripteurs (intelligence). Notre recherche a également montré que quel que soit le parfum utilisé (floral ou fruité), le jugement est inchangé. Ainsi, il semble que se soit la charge affective du parfum (souvent agréable) qui importe. De plus, les jugements des femmes sur les visages (féminins) sont différents de ceux des hommes, en présence aussi bien qu’en absence de parfum : les femmes portent des jugements plus positifs sur des critères tels que intelligence et sociabilité. En présence de parfum, l’effet positif sur l’attirance physique n’est observé que lorsque l’observateur – juge est une femme. De plus, les effets des parfums lors d’un jugement d’intelligence sont essentiellement dus aux évaluations réalisées par les hommes. La question de la prise de conscience de l’odeur sur l’influence du jugement de l’observateur était également posée. La réponse à cette question est oui pour certains types de jugement (critère d’intelligence), mais non pour d’autres critères (attirance physique). Ainsi, seuls les hommes avertis de la présence du parfum voient leurs évaluations influencées lors d’un jugement portant sur l’intelligence.

La seconde expérience présentée répondait à la question de savoir s’il existe des preuves physiologiques que les parfums influencent la perception des visages ? Nous avons présenté des recherches effectuées par d’autres équipes qui montrent un effet des odeurs (agréables et désagréables) sur l’activité électrique du cortex cérébral évoquée par une perception visuelle. Plus spécifiquement, la question était de savoir ce qu’il en était si le stimulus visuel est un visage précédé par un parfum ? Nous avons observé des réponses corticales différentes selon que la présentation de l’image d’un visage (plaisant ou non) est précédée ou non par la diffusion d’un parfum.

Enfin, la troisième étude avait pour objectif de répondre à la question suivante : les effets sont-ils spécifiques aux parfums ou généralisables à d’autres odeurs ? Nos résultats montrent que les observateurs – juges évaluent un visage à la baisse quand il est précédé de l’émission d’une odeur désagréable, par rapport à un parfum ou en absence d’odeur. Ainsi, selon nos résultats, lorsqu’on utilise dans la même expérience des odeurs agréables et désagréables, l’effet de ces dernières est plus marqué : elles influenceraient l’évaluation d’individus photographiés alors que les odeurs agréables ne le feraient pas. Une explication possible de ce résultat peut être qu’en dépit du fait que les odeurs ont une forte capacité à provoquer des états affectifs, l’affect négatif est plus facilement induit que l’affect positif. Dans ce cas, la question importante est de savoir si le caractère plaisant et le caractère déplaisant sont mieux décrits en terme d’un simple continuum ou s’ils doivent être considérés comme des états psychologiques indépendants.

Traditionnellement, les auteurs ont tendance à mesurer des états positifs et négatifs selon une simple dimension d’hédonisme. Mais est-ce que le déplaisir est réellement l’opposé du plaisir ? Est-ce que moins de plaisir implique plus de déplaisir ? Le problème le plus important ici est de savoir si les tonalités plaisante et déplaisante fonctionnent de façon différente ou identique. Plusieurs études indiquent une aptitude plus grande des odeurs désagréables par rapport aux agréables à influencer l’humeur, la cognition et le comportement. C’est le cas notamment dans l’expérience 3 de ce chapitre. La seconde partie de la thèse aura pour objectif d’étudier les différences de traitement entre odeurs agréables et odeurs désagréables. La méthode d’enregistrement de temps de réponse sera utilisée. Plus particulièrement, nous tenterons de savoir si une voie de traitement spécifique est attribuée aux odeurs désagréables. Est-ce que cette voie est plus rapide ? Est-ce qu’elle implique des réseaux neuronaux différents ? C’est à ces questions que tenteront de répondre les deux expériences présentées dans le second chapitre.