Des patterns autonomes différents entre perception d’odeurs agréables vs. désagréables

Les études qui ont utilisé comme variable dépendante le rythme cardiaque, la conductance de la peau ou même le réflexe de sursaut, comme nous l’avons vu précédemment, indiquent deux sortes de résultats : (1) soit des effets inverses des odeurs agréables vs. désagréables (Alaoui-Ismaïli et al., 1997a ; Alaoui-Ismaïli et al., 1997b ; Braüchli et al., 1995 ; Ehrlichman et al., 1997), soit des effets dus uniquement aux odeurs désagréables (Ehrlichman et al., 1995).

Les travaux effectués dans le cadre de ce second chapitre tenteront de compléter notre connaissance des différences de traitement entre odeurs agréables vs. désagréables. Pour cela, nous utiliserons des tâches explicites : des jugements portés sur les odeurs, et nous enregistrerons les temps de réponse.

L’objectif de la psychologie expérimentale qui étudie le traitement de l’information est de spécifier les traitements psychologiques intervenant entre la présentation d’un stimulus et la réponse fournie par le sujet. La question qui se pose dans la plupart des cas est de savoir s’il est possible de dénombrer les processus qui interviennent dans ce laps de temps qui sépare l’apparition du stimulus et la réponse fournie par le sujet ? Comment est-ce que ces processus se déroulent ? Quelles sont les règles qui décrivent les opérations de chaque processus ? Combien dure chaque opération ? Quelles sont les variables qui influence chacun de ces processus mentaux ?

La notion que les temps de réponses pourraient révéler des informations sur l’activité mentale ne date pas de notre siècle. Par exemple, Donders (1868, cité par Luce, 1986), suggérait déjà qu’on pouvait inférer le temps mis par une hypothétique étape de traitement en soumettant un sujet à deux procédures qui ne diffèrent entre elles que si cette hypothétique étape de traitement intervient. Si le traitement de l’information dans le cerveau est hautement structuré, ce en quoi croient la plupart des psychologues, alors les différentes voies qui le structurent devraient entraîner différents parcours temporels, et ces différences devraient être reflétées par les temps de réponses.

Ainsi, le postulat de base lorsque l’on enregistre des temps de réponse est le suivant : plus un traitement est long, plus le processus qu’il sous-tend est complexe (Calfee, 1975 ; Massaro, 1989). Le temps de réponse est une variable dépendante omniprésente en psychologie cognitive et expérimentale. Il est couramment utilisé dans les modalités visuelles, auditives ou somesthésiques. Cependant, très peu d’études ont été réalisées dans les modalités chimio-sensorielles (gustation et olfaction). Il peut être d’un intérêt certain si on désire comparer par exemple différents jugements (détection, intensité, hédonicité, familiarité, comestibilité, dangerosité, etc.). A notre connaissance, les auteurs qui ont étudié la perception des odeurs à l’aide de l’enregistrement des temps de réponses ne sont pas nombreux.

Laing et Mac Leod (1992), en étudiant les différences entre une tâche de détection et une tâche de reconnaissance, montrent une différence de 400 à 600 ms entre la détection et la reconnaissance d’une odeur. Plus tard, les résultats d’une étude de Burnet (1995) ont indiqué que le jugement hédonique des odeurs demande plus de temps que le jugement d’intensité. Enfin, dans une étude TEP, Royet et al. (1999) ont montré que les temps de réponse pour détecter un odorant étaient significativement plus courts par rapport à un jugement de familiarité et de comestibilité. Aucune différence n’est trouvée entre le jugement de familiarité et celui de comestibilité. Les résultats TEP indiquent que la tâche relative à la familiarité implique l’activation d’aires cérébrales supplémentaires et hiérarchiquement « plus hautes » que la tâche de détection, ce qui suggère une concordance entre les résultats obtenus en temps de réponse et en imagerie.

Ainsi, nous proposons d’étudier les différences de traitement entre odeurs agréables vs. désagréable pendant les jugements olfactifs à l’aide de l’enregistrement des temps de réponses.