Problématique de nos travaux

Les chapitres précédents (chapitres 1 et 2) indiquent (et/ou confirment) que : (1) les odeurs peuvent induire des états affectifs positifs et négatifs ; (2) ces états affectifs peuvent influencer certains processus cognitifs ; (3) les états affectifs négatifs sont probablement induits par des réseaux neuronaux différents, dont la réactivité est plus rapide et peut être plus sous la dépendance de l’hémisphère droit.

Nous avons vu en introduction de ce chapitre que les odeurs peuvent provoquer des réponses faciales et autonomes qui correspondent à des dimensions conscientes telles l’éveil, l’intensité ou le plaisir procuré par ces stimuli. La figure 33 résume les résultats des études citées plus haut.

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Figure 33. Résumés des résultats des études traitant les effets des odeurs sur l’activité faciale et autonome. Ici l’odeur est représentée par 3 composantes : A pour affective, C pour cognitive et P pour perceptive. On voit que les odeurs agréables (+) et désagréables (-) modulent le rythme cardiaque et l’activité EMG. La question reste posée pour les variations de conductance de la peau.

D’une façon générale, ce chapitre va tenter de comprendre comment est organisé l’espace affectif en olfaction, à l’aide des méthodes développées plus haut, et empruntées à la psychophysiologie. Une fois cette organisation définie, nous pourrons répondre aux questions de savoir pourquoi les odeurs désagréables ont des effets plus ’forts’ que les odeurs agréables sur certaines tâches cognitives (voir expérience 3) ? Pourquoi sont-elles traitées selon une voie plus rapide (voir expériences 4 et 5) ?

Pour atteindre cet objectif, nous avons réalisé 3 expériences dans lesquelles des sujets sentaient des odeurs alors que des réponses faciales et périphériques étaient enregistrées. La première expérience présentée avait deux objectifs. Le premier était de tester et mettre en place le matériel servant à l’enregistrement des réponses périphériques liées aux odeurs. Le second, plus théorique consistait en une exploration des possibles relations entre dimensions des odeurs (intensité, éveil, plaisir et familiarité) d’une part et variations autonomes d’autre part. Ceci revenait donc à l’étude de la signification des variations végétatives en olfaction et posait la question suivante :

  1. Est-ce que ces variations sont modulées par les représentations perceptives, affectives ou cognitives de l’odeur ? On sait que des corrélations sont obtenues entre dimension de plaisir et variations de rythme cardiaque d’une part, et dimension d’éveil et variations de conductance de la peau d’autre part dans la modalité visuelle, mais qu’en est-il en olfaction ?

En se servant de la méthodologie acquise pendant la première étude, la seconde expérience tentera de répondre aux questions suivantes :

  1. Comment est organisé l’espace affectif en olfaction ? Est-ce qu’on observe la même organisation qu’en vision ou en audition ? Est-ce que cet espace est expliqué par les dimensions de plaisir et d’éveil ?

  2. Est-ce qu’il existe une corrélation entre dimension d’éveil et de plaisir (les deux principales dimensions qui organisent l’émotion) et réponses faciales et autonomes aux odeurs ?

  3. Est-ce que l’organisation de l’espace olfactif d’une part, et les corrélations recherchées d’autre part, dépendent de la catégorie d’odeurs perçue ?

Par ailleurs, en plus de l’étude du traitement émotionnel des odeurs, un autre objectif était de déterminer les interactions entre dimensions perceptives, affectives et cognitives en olfaction. Ainsi, nous posons la question suivante :

  1. Quels sont les liens entre représentations perceptives, affectives et cognitives de l’odeur ?

Enfin, la perception émotionnelle des odeurs conduisant à des affects positifs, neutres et négatifs, il était intéressant d’étudier les possibles relations entre ces différents types d’affects (positifs, neutres et négatifs) et l’organisation des émotions de base postulées par Ekman et Friesen (Joie, Peur, Tristesse, Colère, Dégoût, Surprise). La question était donc la suivante :

(6) Parmi les émotions de bases, lesquelles sont le plus évoquées par la perception d’odeurs ?

La troisième étude avait deux objectifs. Le premier était de répliquer les données obtenues dans les études précédentes, suggérant des patterns de réponses autonomes différents provoqués par la perception d’odeurs agréables d’une part, et désagréables d’autre part. Le second objectif était d’examiner de quelle façon ces patterns sont modifiés si les sujets portent des jugements affectifs d’une part et cognitifs d’autre part. La question posée était :

(7) Le jugement affectif est-il automatique et spontané en olfaction ?

Nous présentons par la suite la partie méthodologique de ce chapitre.