Interactions entre représentations perceptives, affectives et cognitives de l’odeur

Des corrélations à l’aide du test de Pearson associé au calcul de probabilité de Bonfferonni ont été réalisées entre les dimensions d’intensité, d’hédonicité, de familiarité et d’identification des odeurs. Nous rappelons que les évaluations d’intensité, d’hédonicité et de familiarité ont été réalisées par les sujets après le test du SAM (Bradley & Lang, 1994). Le tableau 11 présente les valeurs moyennes de ces évaluations. La colonne de droite correspond au pourcentage d’identification de l’odeur. Ce pourcentage est calculé de la manière suivante. Les sujets devaient nommer chaque odeur. S’ils réussissaient à identifier l’odeur, alors une note de 2 leur était attribuée. S’ils donnaient un nom proche sémantiquement (par exemple, citron à la place d’orange), alors une note de 1 leur était attribuée. Une note de 0 était donnée dans les autres conditions.

Tableau 11. Evaluations comportementales des odeurs.
Flacons Codes Intensité Hédonicité Familiarité % Identification
1 CIN 6.25 5.25 6.83 41.66
2 MAC 8.08 3.33 5.66 4.16
3 ACE 6.91 4.91 5.08 54.16
4 IVA 8.33 1.50 4.91 58.33
5 AIL 6.75 2.41 6.33 45.83
6 BEU 7.50 4.16 5.16 16.66
7 BDS 5.91 4.50 5.41 8.33
8 CAF 7.08 6.16 7.66 75
9 CAR 4.16 6.91 6.41 50
10 CHO 6.16 3.91 3.58 12.5
11 LIM 4.25 6.66 4.66 45.83
12 FUE 6.91 2.33 7.16 83.33
13 FUM 8.16 3.25 5.58 41.66
14 GAZ 8.08 2.33 6.33 66.66
15 GOU 8.16 2.08 7.50 37.5
16 HER 7.16 6.33 6.58 62.5
17 ISO 7.50 6.25 7.75 45.83
18 LAV 7.33 7.16 7.08 58.33
19 MEN 6.08 6.66 7.00 50
20 HEP 7.16 3.41 4.25 0
21 BUT 7.16 3.66 5.41 4.16
22 NOX 5.33 6.58 6.33 33.33
23 OIG 6.08 4.00 5.83 25
24 YLG 7.08 6.75 6.83 33.33
25 VIO 7.33 7.25 6.91 54.16
26 POI 6.25 2.33 4.58 16.66
27 POM 5.91 7.83 7.08 37.5
28 PYR 5.25 2.58 3.16 0
29 ROQ 8.50 1.66 3.41 16.66
30 ROS 7.50 7.25 7.41 66.66
31 TAG 6.66 7.25 7.41 33.33
32 TER 6.75 4.08 5.09 41.66
33 PHO 8.75 1.08 3.75 4.16
34 THY 5.66 5.33 4.50 8.33
35 TOM 7.41 2.66 4.33 20.83
36 VAN 6.50 7.25 6.41 66.66
37 PBS 6.00 7.08 6.91 62.5
38 CAR 6.58 6.25 6.75 54.16
39 CPB 8.75 2.33 7.58 45.83
40 CPM 5.75 7.16 7.25 50
41 PBO 5.33 5.25 5.00 20.83
42 PFL 7.33 6.50 5.91 37.5
43 PFR 5.58 5.41 5.16 41.66
44 CIV 8.66 1.91 4.91 25
45 CAD 5.75 3.58 4.75 4.16
46 ABU 7.33 2.25 4.33 8.33
47 TAL 6.16 6.75 6.41 12.5
48 URI 7.41 3.83 4.66 0
49 VID 2.12 4.35 3.43 xx

La figure 48 illustre les corrélations entre dimensions d’intensité, d’hédonicité, de familiarité et pourcentage d’identification des 48 sujets pour les 48 odeurs utilisées pendant l’expérience. L’analyse statistique indique les résultats suivants :

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Figure 48. Corrélations entre dimensions d’hédonicité, de familiarité, d’intensité et pourcentage d’identification pour les 48 odeurs utilisées pendant l’expérience.

Au premier abord, on constate que trois corrélations sont d’une importance non négligeable. Tout d’abord celle qui relie la dimension perceptive (intensité) et la dimension affective (hédonicité) dont l’analyse donne les résultats suivants : r = -0.518 ; p < 0.001. On constate ici que les odeurs les plus intenses sont les plus désagréables, fait qui à mettre en relation avec les relations entre plaisir et éveil, données que nous avons exposé plus haut. La seconde corrélation importante relie le taux l’identification et la dimension de familiarité. On note ici que plus une odeur est familière, et plus son pourcentage d’identification est élevé (r = 0.692 ; p < 0.001). Enfin, la troisième corrélation qui retient notre attention est celle obtenue entre les dimensions d’hédonicité et de familiarité (r = 0.562 ; p < 0.001) : plus une odeur est agréable et plus elle est familière.

On peut constater que certaines odeurs font exception à ces règles, comme par exemple l’ail, le fuel, l’huile de moteur et le gaz (en gras dans le tableau 6). En dehors de ces odeurs « lâches », les règles suivantes semblent être confirmées : (1) plus une odeur est agréable (désagréable) et plus (moins) elle est familière, et (2) plus une odeur est agréable (désagréable) et plus (moins) elle est identifiée.

Dans l’objectif d’étudier spécifiquement ces relations entre dimensions perceptive et affective d’une part et dimension cognitive d’autre part, nous avons réalisé l’analyse suivante. Nous faisons l’hypothèse que la dimension de familiarité reflète le niveau avec lequel la représentation de l’odeur en mémoire est activée. Ainsi, une note de familiarité faible indiquerait que la représentation mémorisée de l’odeur est très peu activée, ce qui aura pour conséquence une moins bonne identification. Ceci est en accord avec la corrélation obtenue entre familiarité et identification. A l’opposé, une note de familiarité élevée indiquerait que la représentation de l’odeur en mémoire est fortement activée, ce qui aura pour aura pour conséquence une meilleure identification. Nous faisons également l’hypothèse qu’avant de traiter l’odeur de façon cognitive, plusieurs étapes de traitement interviennent. Ces étapes pourraient être des traitements perceptifs, affectifs ou perceptivo-affectifs. L’analyse tentera de répondre à cette question : quelle type de traitement précède (et peut-être détermine), l’analyse cognitive qui peut mener à l’identification ?

Pour atteindre cet objectif, nous avons traité à nouveau les données du tableau 6. Nous proposons de diviser l’ensemble d’odeurs en trois catégories selon leur familiarité. La discrétisation est la suivante : les odeurs très connues (les 16 premières selon la familiarité), moyennement connues (les 17 suivantes selon la familiarité) et très peu connues (les 16 dernières selon la familiarité). Ainsi, quatre analyses de variance à deux facteurs ont été réalisées dans les buts suivants : (1) vérifier s’il y a un effet de la dimension d’intensité sur le niveau d’activation de la représentation de l’odeur ; (2) vérifier s’il y a un effet de la dimension hédonique sur le niveau d’activation de la représentation de l’odeur ; (3) confirmer l’existence d’un lien entre le niveau d’activation de la représentation de l’odeur et son identification.

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Figure 49. Interaction entre le niveau d’activation avec les dimensions d’intensité et d’hédonicité (à gauche), et avec l’identification (à droite).

Les résultats montrent tout d’abord, qu’il n’y a pas d’effet du niveau d’activation sur la dimension d’intensité (F[2,45] = 0.198 ; p = 0.821). Ensuite, on observe un effet du niveau d’activation sur la dimension hédonique des odeurs (F[2,45] = 9.899 ; p = 0.001). Les tests Post Hoc (ajustement de Bonferroni) indiquent que les odeurs dont la représentation est la moins activée (peu familières), sont moins agréables que les odeurs dont la représentation est moyennement activée (p = 0.029), et fortement activée (p = 0.001). Enfin, et comme nous l’avions prévu, l’analyse indique un effet du facteur niveau d’activation sur l’identification des odeurs (F[2,45] = 9.899 ; p = 0.001). Les tests Post Hoc (ajustement de Bonferroni) indiquent que les odeurs dont la représentation est la moins activée sont moins bien identifiées que les odeurs dont la représentation est moyennement activée (p = 0.009), et fortement activée (p = 0.001). De plus, les odeurs dont la représentation est moyennement activée sont moins bien identifiées que les odeurs dont la représentation est très activée (p = 0.044). Ces résultats sont illustrés figure 49 (à gauche pour les interactions niveau d’activation avec intensité et hédonicité ; et à droite pour l’interaction entre niveau d’activation et identification).