1.1.2. L'Orientation professionnelle des jeunes dans les années 20 :

Une institution du Ministère de l'instruction publique

L'article 1 du décret du 26 septembre 1922 définit l'orientation professionnelle comme "l'ensemble des opérations incombant au sous-secrétariat d'Etat de l'Enseignement technique qui précèdent le placement des jeunes gens et jeunes filles dans le commerce et dans l'industrie qui ont pour but de révéler leurs aptitudes physiques, morales et intellectuelles" 47 . Il s'agit d'une pratique visant l'adéquation entre les aptitudes d'une personne et les tâches requises dans un poste de travail donné. Ce décret prévoit la création d'offices d'orientation professionnelle privés ou publics placés sous le contrôle administratif et financier du sous-secrétariat d'Etat. Une place est faite aux offices publics de placement du ministère du Travail qui peuvent néanmoins créer des offices d'orientation professionnelle. Les initiatives antérieures sont donc intégrées, en étant soumises toutefois au contrôle de l'Inspection de l'Enseignement technique.

À partir de 1922, le paysage de l'orientation est ainsi découpé : les offices d'orientation et les offices de placement, placés sous tutelle de ministères différents. La rupture est ainsi consommée, comme le dit André Caroff :"tel est le décret qui institue l'orientation professionnelle en France, alors qu'exactement au même moment, par une loi du 22 juillet 1922, l'Allemagne rattache ses Offices d'orientation professionnelle aux Offices de placement et les met sous contrôle du ministère du Travail. Il ne paraît pas douteux qu'il en aurait été de même en France sans l'initiative d'A. Millerand de mettre l'enseignement technique sous la tutelle du ministère de l'Instruction publique" 48 . Les offices d'orientation professionnelle se développent avec un rythme relativement lent jusqu'à la seconde guerre mondiale 49 et fonctionnent au début avec des enseignants à la retraite, bénévoles, et quelques fonctionnaires.

La profession s'organise avec la création, en 1928, de l'Institut National d'Orientation Professionnelle (INOP), chargé de "coordonner les recherches et les travaux de laboratoire en vue de la détermination scientifique des aptitudes ; servir d'office central de documentation ; et assurer, par un enseignement normal, la formation des conseillers d'orientation professionnelle" 50 . Cet institut délivre un diplôme aux conseillers en exercice et aux enseignants, sanctionnant une année de formation, première garantie pour cette nouvelle profession. Cependant, ce n'est qu'en 1944 qu'un diplôme d'Etat unique sera instauré comme voie d'accès à la profession.

La consolidation de cette nouvelle pratique psychosociale s'opère au travers des réflexions et des débats organisés dans le cadre de congrès nationaux et internationaux, et animés par des universitaires et des enseignants proches des ministères 51 . L'orientation professionnelle est influencée à ses débuts par la psychologie expérimentale et s'intéresse à l'élaboration de tests et d'évaluations diverses. On peut en trouver le fondement dans les courants philosophiques et idéologiques qui ont traversé le début du siècle et marqué la pensée des universitaires et des enseignants de cette époque. Toutefois, dans les années 30, la jeune institution encore à la recherche de ses finalités éducatives et professionnelles, devra faire face à la crise économique qui s'abat sur la France avant de prendre un essor définitif.

Notes
47.

André CAROFF, op. cit., p.67.

48.

André CAROFF, op cit. p.69.

49.

En 1936 on compte 120 offices en France avec une fréquentation de 11 000 jeunes en 1935, alors qu'en Allemagne, dès 1924 près de 600 offices accueillaient 250 000 jeunes. Cf. André CAROFF, Ibid.

50.

D'abord établissement d'Enseignement Universitaire, l'INOP sera reconnu par l'Etat en 1930, Il prit le nom d'Institut National d'Etudes du Travail et d'Orientation Professionnelle ( INETOP) en 1939 et sera rattaché au Conservatoire National des Arts et Métiers en 1949. Il sera dirigé par le professeur Henri Piéron, dont la longévité est légendaire puisqu'il restera 34 ans à la tête de cet organisme, de 1928 à 1962.

51.

Dans son ouvrage, André Caroff cite notamment les congrès de l'Association Française pour le développement de l'Enseignement Technique (AFDET), créée en 1902, qui s'est très tôt intéressée aux questions d'orientation et de l'Association Générale des Orienteurs de France (AGOF), créée en 1935, ancêtre de l'actuel Association des Conseillers d'Orientation de France (ACOF).