1.2. L' Orientation Professionnelle pendant les "30 Glorieuses" : Affectation et sélection (1945 - 1975)

Si, entre les deux guerres, le dispositif d'orientation a pour but d'aménager la transition entre l'école primaire et le monde du travail et ne se préoccupe du public adulte que de façon conjoncturelle, après la seconde guerre mondiale s'organisent et se renforcent deux dispositifs parallèles : un service à l'intérieur de l'École, appelé orientation scolaire, et un dispositif contrôlé par le ministère du Travail, qui va élargir ses pratiques limitées de sélection à celles de l'orientation professionnelle des adultes. Les deux ministères semblent vouloir ainsi se partager le public de l'orientation, les jeunes à l'Éducation, les adultes au Travail. Déjà, en 1949, la première recommandation internationale du travail sur l'orientation professionnelle conseillait aux États membres de l'Organisation internationale du travail (OIT) d'organiser l'orientation professionnelle non seulement pour les adolescents mais encore pour "toutes les autres personnes qui ont besoin de conseils relatifs à l'emploi et aux problèmes professionnels connexes" 60 .

Dans un rapport du Bureau international du travail sur l'Orientation professionnelle en France, le système est ainsi décrit :"Comme en matière de formation professionnelle à laquelle l'orientation est étroitement liée, la séparation des responsabilités respectives des deux ministères se fonde sur des considérations tenant à la fois à l'âge des sujets et à leur statut scolaire. En principe, les services d'orientation qui dépendent de l'Enseignement technique ou qui sont subventionnés et contrôlés par cette administration, s'occupent des adolescents de moins de dix-huit ans qui sont en cours d'études, ou viennent d'achever leurs études et qui n'ont pas encore entrepris un travail pratique. Le ministère du Travail est responsable, directement ou par ses mandataires, de l'orientation ou de la réorientation des adultes qui, en raison de circonstances diverses - manque de formation technique préalable, chômage, invalidité, etc - se trouvent dans la nécessité ou ont le désir de s'acheminer vers une nouvelle voie professionnelle" 61 . L'orientation professionnelle des adultes, appelée également "réorientation", prenant ainsi en compte leur expérience antérieure, doit répondre à la nécessité mais aussi au désir de trouver une nouvelle voie professionnelle.

Dans les faits, les années « glorieuses » qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, sont caractérisées par un développement économique sans précédent, lié à des évolutions technologiques de plus en plus rapides et, de plus, marquées par une très forte explosion démographique, appelée le "baby-boom". La reconstruction est à l'œuvre et le taylorisme bat son plein. Il n'est plus question de crise économique ni de chômage mais, avec l'expansion, le manque de main d'œuvre qualifiée se fait cruellement sentir. Les entreprises, toutes occupées de production et de nouveaux marchés, abandonnent aux enseignants la formation professionnelle qui, de ce fait, se "scolarise" progressivement. Dans le même mouvement, le dispositif d'orientation professionnelle des jeunes est intégré totalement à l'institution scolaire. Quant au traitement des adultes, les nécessités économiques l'emporteront, une fois de plus, sur les finalités éducatives.

Notes
60.

Bureau International du Travail, L'Orientation Professionnelle en France, Etudes et documents, n°39, Genève, 1954, p.3.

61.

Bureau International du Travail, op. cit., p.5.