Déjà en 1975, dans la mouvance du développement de la Formation professionnelle continue, la recommandation n°150 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) incitait l’orientation professionnelle des adultes à élargir ses objectifs en s’adressant non seulement aux chômeurs mais à ceux qui veulent changer d’activité professionnelle ou tout simplement désirent acquérir une meilleure qualification. C’est l’approfondissement de la crise économique et sociale qui fait émerger le concept de reconversion des adultes lié à l’orientation professionnelle. L’ANPE, unique structure d’orientation des adultes jusque là, voit affluer à ses portes une vague déferlante de personnes peu qualifiées mais expérimentées, ainsi que des jeunes, au début sans qualification, et au fur et à mesure, de plus en plus munis de diplômes, mais la plupart sans expérience professionnelle et ne connaissant pas l’entreprise. Submergée par l’afflux des chômeurs, elle ne peut faire face à la détérioration de son image de gestionnaire du chômage 222 . À partir de 1980, une redéfinition de l’orientation professionnelle des adultes s’impose, et un certain nombre de travaux vont contribuer à un renouveau des théories et à l’émergence d’une pratique reconnue comme sociale et éducative.
Les travaux préparatoires à la Commission du VIIIème plan (1981-85) précisent que « l’information, le conseil et l’orientation professionnelle sont les diverses phases d’un même processus qui aide un demandeur d’emploi à s’évaluer, à se situer par rapport aux emplois existants ou potentiels et à apprécier les diverses possibilités qui lui sont offertes pour accéder à un emploi acceptable pour lui », et constatent que ce dispositif fait défaut en France. De plus, la Commission préconise des stages d’orientation, de courte durée, permettant aux demandeurs d’emploi de « s’auto-évaluer » et recommande « l’expérimentation d’un bilan professionnel individuel pour les salariés en activité souhaitant changer d’emploi ou accéder à une formation 223 .
Les années 79-80 sont riches en rapports et réflexions sur le thème de l’information, de l’orientation et de la reconversion professionnelle des adultes et il est intéressant de noter, dans les propositions qui se dégagent, qu’aux finalités socio-économiques de l’orientation s’ajoutent des perspectives éducatives et pédagogiques nouvelles, et notamment la prise en compte de l’adulte en capacité d’évolution et de changement.
Nous mettrons l’accent sur quatre rapports qui nous ont paru apporter une pierre aux fondations de l’orientation des adultes, sachant bien que d’autres réflexions les ont précédées ou suivies 224 .
Au-delà de la seule réponse en terme d'afflux massif de demandeurs d'emploi qui aurait déstabilisé la pratique d'accueil, d'information et d'orientation de l'Agence, on peut cependant s'interroger sur cette dégradation. Habituée à placer des demandeurs d'emploi en entreprise, à en orienter un certain nombre vers l'AFPA, à diriger les salariés victimes d'accidents ou de maladies professionnelles vers les structures de formation adaptées, l'ANPE s'est heurtée non seulement à une plus grande diversité et à un nouveau type de demandes mais aussi à une nouvelle approche de l'orientation professionnelle, inspirée par le public même qui manifestait le besoin d'être accompagné et non plus dirigé dans l'élaboration, devenue difficile, de son projet professionnel. Le renforcement de la mission d'orientation professionnelle par un traitement collectif n'a pas suffi à endiguer les nouveaux besoins d'orientation.
Commissariat Général au Plan, Développer la formation professionnelle, Paris, la Documentation française, 1985.
Notamment les réflexions de Jean DREVILLON en 1977 à la Commission Économique Européenne sous le titre La formation et le perfectionnement des personnels préposés à l'orientation professionnelle ; de Gabriel BEZ (Cf. "Redonner du souffle à l'orientation professionnelle" in L'orientation Scolaire et Professionnelle, n°4, 1981), le rapport de Jean FARGE sur l'ANPE en 1978, le rapport de Jean-Louis FAURE, L'information et l'orientation scolaire et professionnelle des jeunes en 1980, et le rapport de Jean GRUAT au Conseil Économique et Social, intitulé L'analyse et les perspectives de la formation des adultes" en 1982, incluant des préconisations en matière d'orientation.