3.1. Émergence des approches éducatives de l'orientation

Jean-Luc Mure préfère, à juste titre, utiliser le pluriel, en mentionnant les "approches éducatives" en orientation, tant la mention "éducative" comporte d'acceptions et de nuances irréductibles, donnant lieu à des théories et des pratiques diversifiées. En effet, déjà sur le plan linguistique et sémantique, quelle racine latine va-t-on privilégier : "E-ducare", nourrir ou "E-ducere", conduire ? Va-t-on enseigner un contenu, des stratégies pour s'orienter ou va-t-on accompagner la personne sur un chemin qu'elle est censée trouver d'elle-même ? Enfin, comment ne pas définir une conception éducative de l'orientation en fonction de ses propres convictions sur l'éducation ?

Curieusement, Michel Huteau situe très tôt, dans les années 30, l'apparition en France d'une conception éducative de l'orientation, qui serait contemporaine de la conception diagnostique. Si cette dernière, "associée à un projet de réforme sociale fondée sur une philosophie positiviste, cherchait systématiquement à se fonder sur la psychologie scientifique », la conception éducative  « au contraire, se proposait, plus prosaïquement, de favoriser l'adaptation des jeunes au marché du travail et affirmait le caractère empirique de ses méthodes, d'aucuns la trouvaient conservatrice » ²⁵⁶ . Selon le directeur de l'INETOP, la conception éducative, victime de sa non-scientificité aurait été dominée par sa "rivale", plus moderne. On peut cependant douter qu’à cette époque un courant éducatif se soit réellement constitué. Se référant à l'orientation des jeunes et aux pratiques d'Éducation des choix en classe, mises en place quelque cinquante années plus tard, il distingue bien les deux conceptions antagonistes, "une conception diagnostique où un expert évalue les caractéristiques des individus et en conséquence leur fournit les conseils adéquats et une conception éducative où l'on donne au jeune les moyens qui, en principe, devraient lui permettre de trouver lui-même sa voie" ²⁵⁷ .