Comme nous avons pu l'appréhender au travers des composantes théoriques, les animateurs du courant de l'orientation éducative sont porteurs d'une vision de l'homme, appréhendé en tant que personne, détenteur d'une liberté face aux déterminants de l'existence. Ces finalités s'accompagnent du postulat de l'auto-développement et de l'éducabilité de la personne, capable de se développer, d'apprendre et de changer de métier tout au long de la vie. C'est notamment au nom de cette éducabilité toujours possible, quels que soient l'âge ou la situation personnelle, que la proposition de formation qui accompagne souvent le projet professionnel, loin d'être considérée comme une simple acquisition, voire un produit de consommation, constitue une réponse susceptible de toucher la personne dans son existence, obligeant une recherche de solution sans cesse adaptée à son identité.
La formation des adultes est animée et inspirée par ces conceptions, alors que l'École est restée longtemps marquée par des courants plus technicistes. Il semblerait qu'aujourd'hui cette croyance en l'éducabilité soit devenue réalité grâce à l'avancée des recherches en psychologie cognitive et à la diffusion de méthodes telles que le Programme d'enrichissement instrumental du professeur Reuven Feuerstein. Cette finalité de l'éducabilité de l'adulte ne peut se limiter à une dimension extérieure ni à une simple déclaration d'intention, mais profondément ancrée dans les convictions du conseiller, elle contribue à fonder ce regard "inconditionnellement positif" sur la personne, tel que le préconise Carl Rogers. Comme toute adhésion à des valeurs, cela implique pour le conseiller de réactiver et de ressourcer ses convictions.
Si Guy Avanzini a préféré utiliser le terme de finalités, il n'en a pas moins fait référence aux valeurs, qui animent les professionnels de l'éducation et sous-tendent l'acte éducatif. Ce concept de valeur, qui appartient à l'origine au vocabulaire de la philosophie et des sciences sociales, n'est pas dénué de "connotations qui lui confèrent une plasticité telle qu'il revêt une allure de passe-partout ou pis encore de fourre-tout" 411 . Il fait l'objet d'une attention particulière dans les recherches en orientation au Québec et son promoteur, Jacques Perron, en propose une définition selon trois composantes psychologiques : cognitives, en tant que"schémas normatifs auxquels est confrontée l'information issue d'une situation problématique et qui permettent à la personne d'en évaluer la signification" 412 ; affectives, suscitant "des investissements énergétiques d'une envergure telle qu'ils sont souvent désignés ou perçus comme éléments centraux de l'identité" 413 , et dont les contenus ont été classés en deux catégories — valeurs "terminales" ou existentielles, liées aux objectifs personnels et sociaux de vie, et valeurs "instrumentales", concernant "les modalités d'être ou d'agir", morales et de compétences — ; enfin comportementales ou "behavioral", dans le sens où"la valeur a pour l’individu le sens d'un projet, d'un idéal personnel dont la réalisation est prometteuse de parfaire l'identité" 414 .
Soulignant que l'ensemble des recherches en psychologie vocationnelle et en orientation font état de l'importance des valeurs, mais le plus souvent dans une "optique d'appariement spécifique des caractéristiques de l'individu avec celles des professions" 415 , Perron préconise, compte tenu de l'instabilité actuelle et à venir du monde du travail, "une perspective élargie dont l'objectif ultime consisterait à trouver et à donner un sens au travail, à la profession et à la carrière" 416 .
Jacques PERRON, "Les valeurs en orientation et dans la formation des conseillers", in Denis PELLETIER, Raymonde BUJOLD et collaborateurs, Pour une approche éducative en orientation, Montréal, Gaëtan Morin Éditeurs, 1984, pp. 370-394. Jacques Perron, professeur à l'Université de Montréal est également auteur d'un ouvrage intitulé Valeurs et choix en éducation (publié au Québec), et de différents articles et communications.
Idem, p. 372.
Idem, p. 372.
Idem, p. 374
Idem, p. 375.
Idem, p. 375.