Conclusion première partie

Avant la seconde guerre mondiale, l’orientation professionnelle s’adresse principalement aux jeunes, dans la réalité d’une société stable utilisant les « ressources humaines » que l’école a préparées. Certes, déjà, la crise économique des années 30 et surtout les effets de la guerre et de la reconstruction, ont fait émerger les concepts de reconversion et de formation professionnelle des adultes. Cependant, ce n’est pas à la suite d’une crise économique que s’est édifié le véritable dispositif de formation professionnelle des adultes que nous connaissons aujourd’hui, mais après le bouleversement social et culturel de Mai 68 qui, au travers de la révolte des étudiants, symbolise aussi leur rejet du projet de société qui leur est proposé. Ce mouvement de contestation, survenu dans une période de pleine croissance économique, révélateur d’une crise profonde des valeurs dans les pays économiquement développés, a suscité des changements radicaux dans la conception de l’adaptation de l’homme à la société et dans l’ensemble des pratiques sociales. Sur le plan économique, il sonne le glas d’une organisation industrielle, le taylorisme, qui, se voulant scientifique et rationnelle, s’est montrée incapable de prendre en compte toutes les dimensions de l’homme au travail. Dès sa naissance, l’orientation professionnelle s’est trouvée également confrontée à la question de la territorialité.

Nous avons insisté sur ses tâtonnements afin de montrer que, parmi les différentes options possibles, un développement centralisé avait été choisi avec la primauté d’une institution, le ministère de l’Éducation. C’est à travers l’histoire de la formation professionnelle continue et de son corollaire, l’information sur la formation, certes beaucoup plus récente, que le concept de territorialité a réémergé en parallèle d’une nouvelle approche de l’orientation professionnelle. Les pratiques diagnostiques, qui se sont développées dans un système économique et social stable, progressivement n’ont plus été capables de répondre aux exigences d’une société en constante évolution. À celles-ci, s’oppose aujourd’hui une conception éducative de l’orientation professionnelle qui, pour les adultes, a trouvé un de ses fondements dans le développement particulièrement dynamique de la formation professionnelle continue dans les années 70. Nous avons vu combien l’orientation a toujours été liée, de près ou de loin, à la formation professionnelle, pour les jeunes à leurs débuts et pour une certaine catégorie d’adultes par la suite. Le développement massif d’un dispositif de formation professionnelle continue, indépendant de l’éducation scolaire, a donc ouvert une dimension éducative y compris dans les pratiques d’orientation, avec une similitude de problématique et d’approche psychopédagogique. Et c’est, d’une manière transitoire, dans le champ de l’information sur la formation que cette conception éducative a émergé, avec la naissance d’un nouveau réseau de structures d’assise territoriale. Enfin, la crise économique, qui s’est abattue sur les pays occidentaux, de façon concomitante au développement de la formation continue, à partir des chocs pétroliers des années 70, a également réactualisé le concept d’orientation, en l’ouvrant sur le public adulte, avec une nouvelle exigence, celle de prendre en compte son expérience personnelle et professionnelle.

S'il est vrai que l'orientation professionnelle, avant la crise, était caractérisée par une conception adaptative du rapport homme/économie avec des pratiques diagnostiques, en bénéficiant du souffle de l'éducation permanente, en traversant une remise en question profonde par la crise et les mutations socio-économiques, elle va s'enrichir d'une double dimension, éducative sur le plan des pratiques, et territoriale sur le plan des institutions, grâce à la nouvelle réorganisation des fonctions de l'État et de la Région initiée par les lois de décentralisation. Mais il semble que, dans ses mises en œuvre institutionnelles, le clivage des conceptions éducatives/diagnostiques, même s'il s’est atténué, ne soit pas encore aboli, montrant ainsi qu’il s’origine dans des conceptions divergentes de l’homme et de son rapport au monde.

‘« Reconnaître que chaque adulte, en vertu de son expérience vécue, est porteur d’une culture qui lui permet d’être simultanément l’enseigné et l’enseignant dans le processus éducatif auquel il participe … Tenir compte de l’expérience acquise par l’adulte dans le cadre de ses responsabilités familiales, sociales et professionnelles « 
Conférence générale de l’UNESCO
19
ème session, Nairobi, 26 Novembre 1976.