Sous-tendues par la volonté de répondre individuellement aux besoins de chaque personne et de diffuser le message de la formation au plus grand nombre, les MIFE, à leurs débuts, ont mis en œuvre deux pratiques à la fois distinctes et complémentaires — orientation professionnelle personnalisée et communication sur la formation professionnelle continue — qu'elles ont explicitées dans leur rapport final d'expérimentation 469 .
L'orientation professionnelle continue des adultes : une dimension éducative et territoriale
Dès le début, les MIFE ont affirmé leur mission d'accompagnement des adultes dans leur itinéraire professionnel en proposant un service adapté à leur spécificité et à la diversité des situations personnelles et professionnelles. Dans le rapport de 1987, la pratique d’orientation est ainsi explicitée : “Les actions et les services développées par les MIF contribuent à la mise en œuvre concrète et pratique d’une réelle orientation des adultes qui correspond à un suivi et un accompagnement des demandeurs dans leur itinéraire professionnel” 470 . Les auteurs du rapport mettent ainsi en évidence les quatre principes de base de leur mission d'orientation : le respect de "l'autonomie du demandeur-consultant " qui doit agir sur son orientation et non la subir, et l'expression "auto-orientation assistée» , déjà introduite, rend bien compte des pratiques mises en œuvre ; des "interventions diverses et complémentaires " proposées en fonction d'un besoin préalablement discerné (entretiens légers, entretiens approfondis, modules d'orientation...) ; une "qualité de l'information " mise à disposition grâce au travail documentaire et de traitement de l'information socio-économique, juridique, offre de formation à l'échelon territorial... ; et enfin, une "qualité de relation" qui se traduit par un accueil et un accompagnement personnalisé prenant en compte l'expérience de vie de l'adulte 471 .
De même que la formation doit être continue afin de répondre aux nouveaux besoins de l'économie et de la société, de même l'orientation professionnelle est définie comme un processus permanent : "Les MIF ont pris en compte les évolutions des demandes individuelles ou en provenance des entreprises qui se caractérisent par des besoins nouveaux d'orientation professionnelle continue, de gestion prévisionnelle des carrières, de bilan personnalisé" 472 . À partir de 1985, en vue de répondre aux besoins du public et en complément des entretiens, les MIFE ont créé des modules d'orientation, d'une durée moyenne de cinq heures, constitués tout d'abord de questionnaires d'intérêt professionnel et enrichis par la suite de la méthode de l’histoire de vie du professeur Desroche 473 .Cette fonction d'accueil et d'orientation s'appuie sur une bonne connaissance du tissu socio-économique local et sur une information exhaustive sur le droit du travail et de la formation, sur les métiers, les filières et les dispositifs de formation. Le centre documentaire est un des piliers de l'activité d'une MIFE et bénéficie d'un espace privilégié, accessible en auto-documentation.
Enfin, l'assise territoriale de la structure MIFE joue un rôle non négligeable en donnant à cette pratique d'accueil personnalisé une dimension de proximité avec les personnes-consultantes, réduisant la distance, susceptible d'être établie par une institution d'État, forte de son statut, de son organisation hiérarchique, voire corporatiste. De même que l'élu porte un regard de citoyenneté sur les personnes qu'il reçoit, de même les conseillers des MIFE abordent et rencontrent les personnes dans la neutralité et la convivialité d'un lieu mis à disposition du public par la collectivité et sur lequel les citoyens ont quelque influence. En effet, l'existence de l'institution MIFE est conditionnée par les résultats du travail relationnel et technique de son personnel : en cas d'échec de l'accueil et de non satisfaction d'une personne, celle-ci a le pouvoir citoyen de s'adresser à son élu pour manifester son mécontentement. Ces conditions ont une valeur déontologique forte, en plus des critères inhérents à la fonction d'orientation. De plus, insérés localement, les conseillers ont une connaissance approfondie des réseaux de formation et d'insertion, qui passe par des contacts personnels et suivis. L'approche territoriale permet ainsi d'affiner les réponses et de les adapter à chaque situation personnelle.
La diffusion du message formation : les actions de communication
En amont de l'accueil personnalisé du public, les MIFE ont développé des actions de communication en direction du grand public. Si, en effet, dans les années 80, les pouvoirs publics considéraient la formation professionnelle continue comme un outil privilégié de l'orientation et de la reconversion professionnelle des adultes, ce message nécessitait d'être massivement diffusé. Pour cela, les MIFE ont inauguré, à l'échelon d'un département et en partenariat avec les autres institutions, une démarche continue de communication et de relations publiques appliquées à la formation : communiquer, c'est animer la diffusion du message de la formation professionnelle, en vue de faire prendre conscience à l'ensemble de la population que "l'éducation professionnelle est l'affaire de la vie entière ", selon l'expression d'Yves Cannac 474 .
Dès 1984, les MIFE ont mis en œuvre dans les départements où elles étaient implantées les premiers salons de la formation, qui ont apporté une contribution nouvelle à la pédagogie de l'information sur la formation. Elles ont également organisé des journées collectives d'information en réponse à une demande sur un thème porteur. Il s'agit de temps forts de sensibilisation, qui ont le caractère d'une opération ponctuelle réalisée en concertation avec les organismes de formation, les informateurs et les élus d'un territoire. Les campagnes de communication, organisées par les MIFE, correspondent à une pratique utilisée à l'échelon d'une région ou d’un département, en partenariat avec des institutions comme la Délégation régionale à la formation professionnelle, un fonds d'assurance formation..., pour sensibiliser la population sur une mesure d'Etat d'insertion professionnelle ou de formation ; la MIFE agit alors comme relais de l'État à l'échelon départemental.
Dans un souci de proximité, elles ont également créé des outils facilitant la communication sur la formation, thème encore trop méconnu du public. Certaines MIFE ont réalisé des revues d'information sur l'offre de formation départementale, afin "d'informer régulièrement les partenaires et le public de l'actualisation de l'offre de formation et de l'évolution du potentiel de formation dans le département" 475 , sur la base du recensement de l'offre de formation et de la collecte des informations, et enrichies d'articles sur l'actualité de la formation continue. La MIFE de Savoie a créé un modèle de revue, sous le nom de Guidance Savoie, composé non seulement d’une information sur l’offre de formation, mais aussi d’articles rédigés par le directeur ainsi que par des acteurs locaux, sur le thème de la formation, de l’emploi et de l’orientation. Chaque numéro est aussi l’occasion, pour les responsables des MIFE, de diffuser leurs réflexions et leurs travaux 476 . Ce document a été très vite relayé par l'outil télématique, et aujourd'hui par le support Internet, afin de diffuser encore plus largement l'information 477 . Certaines MIFE ont réalisé des "Guides de la formation continue", récapitulant l'ensemble des organismes de formation d'un département. Ce type de document, actualisé chaque année et mis à la disposition des entreprises et des différents partenaires de la formation, constitue également un outil d'analyse du potentiel de formation dans un département.
C'est dans cette mouvance qu'en 1989 dans le cadre de leur réseau national, le réseau des MIFE a créé et organisé en collaboration avec le Centre INFFO, et avec l'appui de la Délégation à la formation professionnelle, les Universités d'hiver de la formation professionnelle 478 , manifestations nationales bisannuelles, rassemblant l'ensemble des acteurs de la formation et de l'emploi et constituant un espace national de réflexion et d'échanges.
On peut s'interroger sur cette double mission des MIFE, qui a été expérimentée d'abord sur trois sites, et qui s'est transmise plus largement dans le réseau : à la fois pratique d’orientation personnalisée et médiatisation à l’échelon local du message formation auprès du grand public. En effet, l'histoire institutionnelle que nous avons retracée a souligné une certaine dichotomie entre la dimension personnelle et psychologique de l'orientation et celle, plus collective et extérieure, des pratiques de communication. Certes, les MIFE sont apparues dans une période de développement de l'information, qui a touché l'ensemble des institutions d'orientation, et leurs actions s'appuyaient sur une expérience antérieure, vécue dans leurs préfigurations antérieures, les MEP dans les villes nouvelles de Cergy et d'Évry et l'expérience de SVP-Formation en Savoie. Le même souci animait les animateurs des MIFE de répondre le plus efficacement possible à la demande du public, en adaptant les moyens en fonction de la complexité grandissante des questions soulevées par l'accroissement du chômage et des besoins de reconversion. La réponse à cette apparente contradiction réside également dans la dimension nouvelle de proximité qu'elles portaient en elles, leur permettant une liberté d'action et une plus grande réactivité. De plus, les fondateurs des MIFE, à l'origine formateurs, pédagogues ou professionnels de la communication 479 , dans la mouvance de la loi de Juillet 71, étaient eux-mêmes convaincus du bien-fondé de la formation continue et de l'éducation permanente pour accompagner les mutations individuelles et collectives.
Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi, Pour une méthodologie de l'information sur la formation, la pratique des MIF , Op. cit. p. 91.
Idem, p. 92.
Pour une méthodologie de l'information sur la formation , Op. cit ., pp. 92-93.
Idem, p. 87.
Le Module d'Orientation et de Conseil Assisté par Ordinateur (MOCAO), d'une durée de cinq à six heures, est constitué d'un ensemble d'entretiens et d'outils d'orientation (dont certains sont informatisés), dans le but d'approfondir la réflexion sur le projet professionnel. Ce module a préfiguré une prestation de même durée, mise en œuvre à partir de 1993 en Rhône-Alpes, appelée "Entretien et Modules d'orientation personnalisée" (EMOP), utilisant différents logiciels et supports d'orientation.
Le module Autobiographie Raisonnée, du nom de la méthode d'histoire de vie élaborée par le Professeur Henri Desroche, a été développé dans les MIFE en 1994, à la suite d'une recherche conduite pendant deux ans avec le professeur et la MIFE de Savoie, dans le cadre d’INTERMIFE. Intégrée dans un entretien approfondi, cette pratique s'appuie sur une grille, appelée bioscopie, qui est remplie conjointement par le conseiller et la personne et qui permet de visualiser sur une grande feuille les évènements chronologiques d'un vie répartis entre quatre colonnes : études formelles (scolarité, formation), études informelles (activités socioculturelles, voyages..), vie sociale (les engagements sociaux et familiaux), vie professionnelle.
Yves CANNAC, La Bataille de la compétence , Paris, Hommes et Organisation, 1985, p.80.
Pour une méthodologie de l'information sur la formation, la pratique des MIF , op cit , p.62.
C’est ainsi qu’à ce jour plus d’une trentaine d’articles signés der Gaston Paravy, directeur de la MIFE de Savoie et animateur du réseau national, ont été publiés sur le thème de l’orientation et sur les pratiques des MIFE. Il serait intéressant d’en réaliser une étude exhaustive et une analyse de contenu.
Au début, le titre de la revue, créée en Savoie se déclinait au pluriel, "Guidances", et c'est en 1994, avec la création d'autres revues départementales en Rhône-Alpes, qu'il a pris le nom de "Guidance" au singulier. Les trois premières MIFE se sont intéressées très tôt à la télématique : alors que la MIFE de Cergy choisissait d'investir dans la mise en place d'un serveur télématique, les MIFE de l'Essonne et de Savoie ont utilisé des serveurs mis en place par les collectivités locales — en Savoie le service télématique de la ville de Chambéry et en Essonne le service de la ville nouvelle d'Evry.
À ce jour, six Universités d'Hiver ont eu lieu, la première en 1989 aux Karellis (Savoie), sur le thème "Accueil, Information et Orientation"; la deuxième, en 1991 aux Karellis, "Insérer, qualifier, promouvoir, le défi de l'Information" ; la troisième, en 1993 à Autrans (Isère) sur le thème du bilan et du projet, la quatrième, à Giens (Var)," Territoire, information et orientation professionnelle", en 1995 ; la cinquième, à la Colle sur Loup en 1998 (Var), sur le thème "La formation et l'emploi"; la sixième, à Arles (Gard), en janvier 2000, "Formation, Territoire, Innovation". Si les deux premières universités ont rassemblé en montagne 250 personnes, les suivantes, en se tenant en proximité de la mer, dans des structures de tourisme social plus spacieuses, ont pu rassembler 500 participants.
Si à Cergy, le premier directeur de la MIFE, était diplômé du CELSA, centre de formation à la communication de la Sorbonne, à Évry, les deux premiers directeurs étaient originaires de l'Éducation nationale, avec des expériences de formation continue et d'éducation populaire, et à Chambéry, le directeur, spécialiste en sciences de l'éducation, ayant soutenu une thèse de doctorat sur un mouvement d'éducation populaire, la JAC, avait également dirigé un organisme de formation continue.