2.1.4. L'entretien d'orientation en MIFE : Quelques éléments de définition

L'entretien d'orientation en MIFE est une rencontre entre deux personnes, organisée, finalisée, unique ou, du moins, de fréquence limitée, située dans l'espace et dans le temps. Nous insisterons sur la brièveté de cette rencontre : même si la personne bénéficie de plusieurs entretiens et de modules d'orientation, en général le premier entretien est essentiel et les entrevues suivantes constituent davantage un suivi et un accompagnement dans les démarches. Cet aspect unique et bref donne toute son intensité à la rencontre, que nous pourrions rapprocher de l'examen psychologique, défini par Jean Guillaumin comme une situation duale, de face à face où "l'intensité de l'observation est grosso modo inversement proportionnelle à sa longueur" 606 . L'observation n'est cependant pas l'objectif de ce type d'entretien, fondé sur le dialogue et l'explicitation d'un parcours de vie.

De plus, une personne vient librement en consulter une autre, dont le rôle est de la conseiller, de l'accompagner dans sa recherche. Les MIFE ont privilégié le terme de "guidance" 607 , issu de la langue anglaise et utilisé par les psychologues nord-américains, pour signifier l'action d'éclairer, d'accompagner une personne qui demande conseil en vue d'un choix professionnel. L'entretien MIFE, n'étant pas soumis au versement d'allocations, est dégagé des contraintes liées aux pratiques sociales d'assistance ou d'évaluation. De là peut se dégager une plus grande authenticité dans l'échange et l'interaction, plus proche de la véritable non-directivité rogérienne. En accord avec la définition générale donnée par Jacques Salomé, selon laquelle, "l'entretien est une situation provisoire d'interactions et d'interinfluences essentiellement verbales entre deux personnes en contact direct avec un objectif préalablement posé" 608 , dans un premier temps, nous définirons l'entretien d'orientation professionnelle, tel qu'il est pratiqué à la MIFE, comme un entretien centré sur la personne, ayant pour but d'accompagner celle-ci dans l'élaboration d'un projet professionnel issu de son histoire personnelle et de son expérience professionnelle, tout en préconisant les moyens de la formation professionnelle continue.

En effet, s'adressant prioritairement aux adultes, la MIFE propose la formation continue comme un accès permettant de réaliser, de concrétiser le projet professionnel. Nous entendons par projet professionnel 609 toute intention formalisée de changement professionnel, que la personne consultante soit dans une situation de travail ou de non emploi. Il peut viser l'adaptation à un nouvel emploi, le perfectionnement des connaissances techniques ou générales, et des savoir-faire, la promotion c'est-à-dire à l'amélioration du statut professionnel, l'obtention d'une qualification par la préparation d'un diplôme ou d'un niveau technique, la reconversion c'est-à-dire l'acquisition d'une seconde qualification, différente de la première, enfin la création d'emploi, ou d'activités 610 .

Ce type d'entretien relèverait de l'approche clinique en psychologie, telle qu'elle est définie par René Barbier : "la méthode clinique est d'esprit qualitatif, monographique, pratique, plutôt sur le terrain. On s'efforce d'explorer les conduites et les représentations d'un sujet ou d'un groupe de sujets en face d'une situation concrète, à saisir leur sens, en se plaçant alternativement dans la perspective de l'observation et dans celle de sujet-acteur" 611 . Cependant, la trop forte tendance à réduire l'approche clinique à l'observation et à l'étude de cas, avec le risque de catégoriser et d'objectiver, ainsi que le souligne Maurice Reuchlin, nous porte à préférer le concept rogérien "d'approche centrée sur la personne" 612 .

Il nous paraît plus intéressant de situer notre pratique dans une problématique éducative qui, à nos yeux, rend davantage compte de la globalité du processus d'orientation, perçu, dans sa dimension de guidance et d'accompagnement, comme un acte éducatif, selon la définition de Guy Avanzini, que nous avons présentée précédemment. Nous tenterons de vérifier que cette situation d'interactions est bien un espace éducatif, porteur d'une action éducative.

Notes
606.

Jean Guillaumin,La dynamique de l'examen psychologique, Paris, Dunod, 1983, p. 6.

Les milieux de l'orientation scolaire et professionnelle de l'Éducation nationale, qui ont longtemps préconisé les courants de la psychologie, ont découvert l'approche clinique de la pratique de l'orientation, dans laquelle l'interlocuteur est perçu "comme une personnalité unique, en principe irréductible à toute autre", selon les termes de Maurice Reuchlin qui ajoute : "il semble que le clinicien utilise de manière plus ou moins explicite des analogies par lesquelles il rapproche à certains égards le cas dont il s'occupe de tel ou tel autre cas connu de lui. Il peut aussi utiliser des typologies lui permettant d'insérer l'individu particulier avec lequel il rentre en contact dans certaines catégories dont chacune a sa place parmi les autres catégories d'un système de classification plus ou moins bien défini". Cf. Maurice REUCHLIN, L'orientation scolaire et professionnelle, Paris, PUF, 2è éd. 1978, p. 100.

607.

Le terme de "guidance", d'usage plus anglo-saxon, bénéficie d'une connotation moins directive que le verbe français "guider". En effet, il évoque une dimension active d'accompagnement, alors que "guider" semble plus proche de "diriger". Comme nous l’avons déjà évoqué dans notre première partie, les MIFE ont mis en exergue ce vocable de guidance, pour signifier l'importance de l'accompagnement en orientation. Cf. Pour une méthodologie de l'information sur la formation, la pratique des MIF, op cit , 1987 ; Les Maisons de l’information sur la formation, État des lieux, analyse et propositions, Rapport à Monsieur le Ministre du travail et des affaires sociales, février 1997, 83 p. ; "Faire savoir vos savoir-faire" , Plaquette de présentation du réseau rhônalpin des MIFE, Chambéry, 1999.

608.

Jacques SALOMÉ, Op. cit.,p. 16.

609.

Comme nous l’avons évoqué, le concept de projet a connu un accès parfois fiévreux d'intérêt ces dernières années. On peut toutefois s'interroger à la suite de Michel Garand : "La notion de projet se développe alors même que se répand le discours sur l'incertitude du lendemain des professions (..) Comment avoir un projet dans un monde où le flou, l'indéterminé, l'incertain s'accroît, introduisant une nouvelle dimension, le risque ?" (cf. M. Garand, "Le projet: piège ou tremplin" in Guidances Savoie, MIF de Savoie, n°35, avril 1991, p.9.)

610.

Ces finalités du projet professionnel sont issues de celles définies dans la loi du 16 juillet 1971 relative à la formation professionnelle continue.

611.

René BARBIER, La recherche-action dans l'institution éducative, Paris, Gauthier Villars, 1977.

612.

Maurice Reuchlin, L'orientation scolaire et professionnelle, Paris, PUF, 2è éd. 1978, p. 100.

Les milieux de l'orientation scolaire et professionnelle de l'Éducation nationale qui ont longtemps préconisé les méthodes de la psychologie expérimentale ont découvert l'approche clinique dans la pratique de l'orientation, dans laquelle l'interlocuteur est perçu "comme une personnalité unique, en principe irréductible à toute autre" selon les termes de Maurice Reuchlin, qui ajoute :" il semble que le clinicien utilise de manière plus ou moins explicite des analogies par lesquelles il rapproche à certains égards le cas dont il s'occupe de tel ou tel autre cas connu de lui. Il peut aussi utiliser des typologies lui permettant d'insérer l'individu particulier avec lequel il rentre en contact dans certaines catégories dont chacune a sa place parmi les autres catégories d'un système de classification plus ou moins bien défini".