Lorsque nous regardons l'ensemble des rapports d'activité de la MIFE depuis cinq ans, nous remarquons une constante des pourcentages dans les statistiques de la population reçue en EMOP, ce qui nous permet d’en situer le public 677 . Nous avons choisi l'état statistique des prestations d'orientation, présenté dans le rapport d'activité de l'année 1997, établi sur 1041 personnes reçues de janvier à décembre 678 .
Le profil type du public MIFE est majoritairement constitué de femmes (64 %) à la recherche d'un emploi, d'un âge compris entre 26 et 45 ans (62 %), de nationalité française (95 %). Les jeunes (principalement de 18 à 25 ans, actifs ou sans-emploi) représentent 26%, et 12% seulement ont plus de 46 ans. La rubrique "situation professionnelle" indique une majorité de demandeurs d'emploi (73 %), dont 9 % de bénéficiaires du RMI et 22 % de personnes en activité dont plus de la moitié appartient aux catégories socioprofessionnelles d'ouvriers et d'employés (52%). Cela peut s'expliquer aisément par le niveau d'études, égal ou inférieur au CAP (45%). Le niveau baccalauréat et équivalent représente 27%, les "bac + 2" totalisent 17%, alors que les « licence et plus » atteignent 11%.
Le public de la MIFE est donc constitué d'une population d'adultes plutôt peu qualifiés, donc risquant de connaître le chômage et les difficultés de réinsertion professionnelle. Il est néanmoins représentatif de l'ensemble de la population active française, avec une légère supériorité du niveau de formation. En effet, selon les chiffres de l'Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), si ce niveau s'est accru au cours des cinquante dernières années (un jeune adulte sur trois est titulaire d'un CAP contre un sur dix en 1955), aujourd'hui, 60% d'une génération obtient le baccalauréat, et 23% des jeunes adultes de 25 à 34 ans possèdent un diplôme supérieur, contre 3% après la guerre. En 1996, en France, le niveau général de formation des 25-54 ans, c'est-à-dire en âge d'être actifs, ne dépasse pas le niveau V (CAP, BEP) pour 66%, représentant une différence de 11 points supérieurs par rapport à la population des prestations d'orientation de la MIFE 679 .
La caractéristique dominante de la demande d’aide à l’élaboration de projet à la MIFE reste la qualification (47%) 680 , soit en vue de changer de métier, soit pour obtenir une qualification non acquise à l'école. Les personnes souhaitent se reconvertir, notamment pour se diriger vers une activité professionnelle qui correspond davantage à leurs désirs, mais aussi à la réalité économique actuelle. On constate que 18 % recherchent un perfectionnement, en vue d'une meilleure adaptation, voire d'une promotion professionnelle ; le perfectionnement concerne aussi bien les connaissances générales ou techniques que le développement personnel, de plus en plus sollicité 681 . Pour 28 %, il s'agit d'un projet d'insertion ou de réinsertion directe.
De par son enracinement local et institutionnel, la MIFE est en mesure d'indiquer quelques pistes d'emploi direct (propositions d'emploi saisonnier, mesures d'insertion, associations intermédiaires, contrats d'emploi solidarité avec l'appui de l'ANPE) ou de stages en entreprise 682 ou différents contacts et démarches (activités bénévoles), dans le cadre du suivi de la personne, de l'aide à la maturation du projet ou dans l'attente d'une entrée en stage de formation. Enfin, en 1997, 2%ont élaboré un projet de création d'entreprise 683 .
Si, majoritairement le public exprime une demande de formation pour réaliser son projet, celle-ci "ne peut avoir de sens uniquement en elle-même, elle ne peut apparaître que comme un moyen de réalisation d'un projet de transformation plus profond, moins explicite, mais qui lui donne néanmoins sens" 684 . Nous retrouvons là les objectifs prioritaires assignés par les pouvoirs publics à la formation des adultes, comme moyen de réaliser un projet professionnel, ainsi que dans sa visée de hausser le niveau de qualification et de développer les compétences des personnes. On peut noter que 44 % ont encore besoin d'approfondir leur projet et leur orientation et, dans ce cas, un temps de maturation est nécessaire, étayé par des entretiens de suivi et/ou des modules complémentaires d'orientation.
La demande d'information sur les métiers représente 22 % de la population. Ce chiffre, qui peut paraître relativement faible, s’explique par la spécificité du public MIFE qui, dans la majorité, est constitué d’adultes bénéficiant d'une expérience de vie personnelle et professionnelle. À la différence de jeunes scolaires n'ayant aucune représentation des métiers, ils bâtissent leur projet sur des représentations déjà existantes, issues de l'expérience. En effet, il est peu fréquent qu’ils se dirigent vers une profession totalement inconnue : celle-ci est déjà présente dans une expérience antérieure, dans un environnement proche et dans un contexte connu, dans un souvenir familial, d’enfance précis etc. Souvent, l'information sur les métiers répond à une demande de précision complémentaire.
Au vu de ces données statistiques, on peut appréhender plus précisément la mission confiée aux conseillers de la MIFE, accueillant une population relativement fragile, encourant des risques de marginalisation ou d'exclusion professionnelle et sociale.Ces chiffres révèlent que le public de la prestation d'orientation MIFE correspond de manière significative à l'ensemble de la population active française, comprenant des demandeurs d'emploi, insuffisamment qualifiés en rapport aux besoins actuels des entreprises et, pour près de la moitié, de salariés risquant cependant de basculer dans le chômage du fait de leur faible qualification 685 . Si les efforts réalisés par les pouvoirs publics pour tenter de réinsérer les demandeurs d'emploi sont plus que nécessaires, il n'en reste pas moins indispensable de mener des actions de prévention en direction des salariés, par des dispositifs de formation adaptés.
On peut noter une évolution des caractéristiques du public sur les quinze dernières années, résultant de la dégradation de la situation socio-économique de la société jusqu’en 1999 : une augmentation du public des demandeurs d'emploi (de 55 à 73%) due à une forte poussée du chômage durant cette période, de la population masculine (passée de 27 à 36 %), ce qui peut indiquer une tendance à la généralisation des changements et des questionnements professionnels, même si les femmes restent encore les plus touchées. Le public des chômeurs de longue durée (jusqu’à 30% des demandeurs d’emploi) et des bénéficiaires du RMI (jusqu’à 9%) a régulièrement augmenté, en rapport avec les statistiques de l’ANPE.
Cf Tableau en annexe.
Cf. INSEE, Document TEF ,1997/98, pp. 58-59. Rappelons qu'au sens du Bureau international du travail, la population active comprend l'ensemble des personnes en emploi ou au service militaire (appelés alors "actifs occupés") et également celles au chômage (actifs inoccupés).
Nous utiliserons les termes de qualification, reconversion, perfectionnement, adaptation, promotion, tels qu'ils ont été définis dans la loi de juillet 1971.
Cette demande de développement personnel pourrait correspondre au malaise éprouvé par les demandeurs d'emploi à la recherche de plus en plus incertaine d'un emploi, comme, par les salariés, dans des situations de travail de plus en plus exigeantes, insécures et stressantes.
La MIFE gère dans le cadre d'une convention avec le Conseil régional Rhône-Alpes deux dispositifs de stages en entreprise : l'emploi vocationnel pour tout demandeur emploi de longue durée et le stage d'expérience professionnelle pour les jeunes primo-demandeurs d'emploi.
Ce pourcentage semble avoir augmenté après l'acquisition de l'outil d'information Balise qui attire davantage de candidats à la création d'entreprise.
M. BARBIER, "La demande individuelle de formation" in Actes du colloque "Formation 80" Commission 1, Paris, 1981, p. 64.
Il semble que cette caractéristique du public ait été prise en compte dans le diagnostic préalable au projet de réforme du dispositif de formation tout au long de la vie, avec le constat que « près de trente ans après la loi de 1971, 40% de la population active a un niveau de formation initiale inférieur au CAP. Ce constat traduit une tendance lourde, qui ne s’est jamais infléchie au cours des ans, à savoir que la formation professionnelle bénéficie en priorité aux actifs qui ont suivi une formation initiale couronnée par une qualification reconnue. Un sentiment domine, celui des inégalités dans la redistribution des moyens et donc dans l’accès à la formation » (Cf. Nicole PÉRY, Une véritable égalité d'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, Ministère de l'emploi et de la solidarité, dossier de presse, Conseil des Ministres du 17 mars 1999, p. 9.). On peut exprimer cependant une réserve nuancée dans ce constat vraisemblablement fondé sur les déclarations de diplômes et non pas sur les acquis issus de l’expérience professionnelle. En effet, des salariés entrés dans la vie active avec un diplôme, ont pu évoluer, progresser dans leur emploi, sans avoir obtenu d’autres certifications.