Conclusion deuxième partie

Apparue dans les débuts de l'ère industrielle, avec une idéologie en correspondance avec les efforts de rationalisation du travail, l'orientation professionnelle a dû faire face, après les soubresauts des différentes crises économiques des années 30 et 70 à une véritable mutation, celle de l'ère post-industrielle, qui impose de nouveaux modes de pensée et de comportements. Ainsi provoquée, elle a connu un renouveau de ses théories et de ses pratiques, avec l'apparition de nouvelles structures territoriales, plus à même de répondre aux besoins du public dans une perspective éducative. Cependant, hormis le réseau des MIFE et quelques îlots au sein des ministères de l'Éducation nationale et du Travail, l'orientation éducative n'a pas encore été en mesure de se développer largement en France. Le courant diagnostique, qui a régné pendant des décennies, ne semble pas encore éteint et serait même en quelque sorte réapparu avec le "nouveau" droit de l'orientation représenté par le droit au bilan de compétences. Et la politique de reconnaissance et de validation des acquis, animée par les pouvoirs publics, à la différence des expériences nord-américaines, reste encore marquée par des pratiques scolaires et évaluatives, du fait de la culture même de ces institutions.

À partir de la décennie 80, l’orientation des adultes s’enrichit de nouvelles structures, dont les logiques d’intervention et les institutions supports ne se rejoignent ni dans les finalités, ni dans les pratiques : les collectivités territoriales impulsent des initiatives de proximité d’orientation éducative continue, soutenues expérimentalement d’ailleurs par l’État qui, parallèlement, crée un réseau de centres de bilan, en conformité avec une législation, certes issue de la négociation des partenaires sociaux, mais moins avancée que ne l’avait été la loi de 1971. Les lois de décentralisation récentes n’ont pas permis une rencontre qui aurait pu être fructueuse : répondre aux nouveaux besoins d’accompagnement personnalisé des adultes par un maillage de dispositifs de proximité, soutenus par les deux instances, État et Collectivités territoriales, ce qui a été réalisé pour les jeunes avec les missions locales.

Le projet de réforme du dispositif de la formation professionnelle, depuis quelques années attendue et aujourd'hui imminente, fait renaître l'espoir de la prise en compte des approches véritablement éducatives en orientation professionnelle. Dans la mouvance du "livre blanc" de la Commission européenne publié en 1995 703 , Nicole Péry, secrétaire d'État à la formation professionnelle a dressé un constat réaliste des mutations sociales et économiques qui ont profondément transformé le contenu du travail et la structure des emplois, obligeant la formation continue à accompagner le développement de la mobilité professionnelle. Le premier objectif de la nouvelle architecture du système de formation 704 , "fondée sur un droit à se former tout au long de sa vie", concerne la prise en compte des acquis professionnels, qui devrait faire l'objet d'un projet de loi, une fois achevée la consultation des partenaires sociaux 705 . Enfin, les pouvoirs publics entendent rééquilibrer l'approche territoriale de la formation, avec celles de l'État et des branches, en organisant une cohérence plus constructive entre les acteurs. Souhaitons que ces instances, État et partenaires sociaux, qui vont élaborer le nouveau cadre législatif, puissent apporter le véritable souffle dont a besoin le dispositif de formation continue, et dans son accès et dans son organisation.

Il semble que les recommandations de l’UNESCO que, à l’instar d’Henri Desroche, nous avons eu plaisir à rappeler en exergue de notre deuxième partie, soient encore loin d’être épuisées et soient donc toujours d’actualité. En effet, la question reste posée : comment accompagner véritablement les étapes de changement et le parcours de la personne qui s'oriente ou se réoriente, et quel type d'accompagnement serait le mieux approprié ? Nous tenterons de répondre à cette question centrale, qui anime notre recherche, en entrant maintenant dans le concret de cet acte d'orientation, par le témoignage des personnes qui ont bénéficié de la pratique de guidance professionnelle de la MIFE de Savoie. Nous pourrons ainsi confirmer l'enjeu de ce temps de rencontre, qui se veut éducative et point de départ possible d'une dynamique, en essayant d'en mesurer l'impact et les effets. Comme pour toute action éducative, nous nous interrogerons sur l’efficience et les conditions de réussite de cette pratique.

‘"La tâche des sciences de l’Homme n’est pas d’expliquer les faits, mais de dégager des significations"
Jean-Pierre GATÉ, De l’éducation intellectuelle, héritage et actualité d’un concept,
Paris, L’Harmattan, 2000, p. 54.’

Notes
703.

Cf. Livre blanc   Enseigner et apprendre, vers la société cognitive  , Bruxelles, Commission européenne, 1995, 65 p. Nicole PERY, Une véritable égalité d'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie , Conseil des Ministres du 17 Mars 1999, Ministère de l'emploi et de la solidarité, Dossier de presse, 31 p.

704.

Quatre objectifs ont été ainsi définis : la prise en compte des acquis professionnels, la transformation des périodes de chômage en temps d'activité, le développement des formations en alternance et la clarification du rôle des acteurs.

705.

C'est ce que la secrétaire d'État a elle-même annoncé lors de son intervention à la 6ème Université d'Hiver de la formation professionnelle à Arles en janvier 2000. Cf. Inffo Flash, n° 536, 1er/15 février 2000.