Il nous paraît nécessaire, pour cela, de situer la population interrogée lors des entretiens-interviews. Rappelons que, chaque année, la MIFE reçoit en entretiens et modules d'orientation personnalisée (EMOP) un millier de personnes, dont la trace est gardée au moyen d'une fiche individuelle d'entretien et de suivi, traitée par informatique. Cette prestation fait l'objet d'un bilan quantitatif et qualitatif adressé à la collectivité territoriale, principal financeur, c'est-à-dire le Conseil régional Rhône-Alpes 723 , et repris dans le rapport annuel, en vue de l'assemblée générale de l'association support de la MIFE.
Nous avons choisi d'interroger un ensemble de vingt-cinq personnes témoins ayant bénéficié de la prestation d'orientation de la MIFE en 1997, en leur demandant d’exprimer ce qu'elles avaient vécu durant les différents entretiens 724 .Dans un souci de respecter les caractéristiques socioprofessionnelles du public, nous envisagions, au début, de constituer un échantillonnage mais, pour la cohérence de notre évaluation, nous avons retenu des catégories égales en nombres, au détriment de la stricte représentativité. En effet, il nous a semblé pertinent de travailler sur des catégories homogènes et suffisamment exploitables, avec un nombre égal de personnes par catégorie. Nous avons donc constitué six catégories de quatre personnes chacune, en dérogeant cependant à ce principe avec le choix de cinq personnes pour la première catégorie, au vu de l'intérêt des parcours mais aussi parce que ces demandeurs d'emploi de niveau V, c'est-à-dire de niveau CAP, sont caractéristiques du public global de la MIFE. Dans le respect de l'anonymat, nous avons attribué aux personnes-témoins des prénoms différents, avec un numéro selon l'ordre chronologique des interviews.
Notre souci initial de représentativité nous a fait prendre en compte le critère du sexe, en respectant la proportion homme-femme (36% et 64%) ; en ce qui concerne l'âge, nous avons donné priorité, dans notre sélection, au public des adultes de plus de 25 ans, plus spécifique de la MIFE, malgré le taux de 27% de moins de 26 ans dans les statistiques générales. Les personnes choisies sont âgées de 21 à 51 ans, avec une majorité située dans la tranche 36-45 ans. Parmi les 25, deux ont moins de 26 ans (Nathalie et Estelle), sept entre 26 et 35 ans (Géraldine, Alain, Mathieu, Mathilde, Brigitte, Pauline, Marc), treize entre 36 et 45 ans (Claire, Daniel, Sonia, Antoine, Jacques, Cathy, Fanny, Sarah, Jeanne, Margaux, Mélanie, Liliane, Léa) et trois ont plus de 45 ans (Judith, Gérard, Paul). Si nous avions respecté strictement la proportionnalité, il aurait fallu choisir un plus grand nombre de jeunes. Or, si la population des adultes des entretiens MIFE est représentative de la population active française, ce n'est pas le cas de celle des jeunes, davantage constituée d'étudiants ou de salariés 725 .
Pour constituer nos catégories, nous avons privilégié trois critères de répartition : le niveau d'études 726 , la situation professionnelle au moment du premier contact ou du premier entretien d'orientation, et l'élaboration du projet, achevée ou non au moment de notre tri.
Sur les sept personnes de niveau inférieur ou égal au CAP/BEP, nous avons pu en interroger deux de niveau V bis (Margaux et Marc), mais aucune de niveau inférieur, n'ayant pu réussir à joindre la personne pressentie, celle-ci n'ayant pas donné suite à nos appels.
En ce qui concerne la situation professionnelle, nous avons distingué deux sous-catégories : les "en emploi", et les "sans emploi". Ce dernier critère rassemble des demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, des personnes non inscrites à l'ANPE (mères de famille, stagiaires etc) ainsi que des étudiants 727 .
Ce que nous nommons "projet élaboré" ne tient pas compte de la mise en œuvre concrète du projet, mais du processus d'élaboration engagé par la personne, le projet pouvant être construit mais pas encore concrétisé par une entrée en formation ou un emploi effectif. Le choix de ce critère nous a posé quelques problèmes d'interprétation. En effet, dans notre première répartition, réalisée sur la base des fiches d'entretien, donc précédant la rencontre-interview avec les personnes, autant il était facile d'appréhender le critère positif de "projet élaboré", car il se présentait dans la fiche d'entretien sous la forme d'une intention précise en termes de formation ou de recherche d'emploi, autant le critère négatif de "projet non élaboré" était plus difficile à interpréter avant la rencontre avec ces dernières. De ce fait, nous n'avons pas fait immédiatement de différence entre le projet non élaboré parce qu'abandonné et le projet non élaboré parce qu'en cours d'élaboration, ce que nous avons pu distinguer par la suite. Nous nous sommes volontairement limitée à ces trois critères de répartition, qui, d'une part, favorisaient un nombre gérable de croisements et, d'autre part, nous paraissaient suffisamment pertinents pour notre questionnement, permettant de constituer de nouvelles catégories ayant du sens pour l'analyse.
Nous avons effectué la recherche de nos personnes-témoins à partir du fichier des entretiens de la MIFE 728 et avec l'appui des conseillères, en confrontant avec elles notre lecture des fiches, en vue de déterminer l'état d'élaboration du projet 729 . Notre choix arrêté, nous avons adressé des courriers, afin de proposer un entretien, dont nous avons obtenu l’accord par téléphone. Nos invitations n'ont pas toujours trouvé de réponses 730 , mais cela n'a pas eu de conséquences sur la constitution de notre groupe, puisque nous avons pu effectuer une relance auprès d'autres personnes. Nous n'avons eu aucune difficulté pour obtenir un entretien à partir du moment où nous avions pu les joindre au téléphone. Certaines ont même devancé notre appel en prenant contact avec nous les premières.
La constitution de catégories égales aboutit naturellement à des divergences entre les caractéristiques du public global de la MIFE et celles de la population interrogée 731 . Toutefois, nous avons pu faire correspondre les caractéristiques de sexe entre le public global et notre population interrogée (dix-sept femmes et huit hommes). Et, pour la situation professionnelle, en créant quatre catégories de demandeurs d'emploi et deux de salariés, nous voulions rendre plus significative la dominante "demandeur d'emploi" du public global de la MIFE, très forte en 1997 732 . En effet, deux catégories de quatre salariés nous permettaient d’obtenir des niveaux d'études et des projets suffisamment diversifiés ; mais de ce fait, notre groupe compte un nombre une fois et demi plus élevé de salariés (huit au lieu de six, si nous avions suivi la logique des statistiques globales), et un nombre légèrement inférieur de demandeurs d'emploi (dix-sept au lieu de vingt).
En ce qui concerne le niveau d'études, compte tenu de notre choix préalable de catégories égales, celui de notre groupe de personnes interrogées est supérieur à la réalité du public reçu à la MIFE 733 .
Le tableau 1 ci-dessous permet de croiser les critères de niveaux d’études, d’activité professionnelle et l’élaboration ou non du projet au moment de la détermination des catégories.
1 Sans emploi ≤ ≤ V |
2 Sans emploi IV |
3 Sans emploi III |
4 Sans emploi II/I |
5 En emploi ≤ IV |
6 En emploi ≥ III |
|
Projet élaboré |
1 Margaux 2 Mélanie 3 Claire |
6 Jacques 7 Pauline |
10 Gérard 11 Brigitte 12 Léa |
14 Paul 15 Liliane |
21 Fanny (V) | 23 Estelle (I) 24 Antoine (III) |
Projet non élaboré ou en cours |
4 Cathy 5 Jeanne |
8 Daniel 9 Sarah |
13 Nathalie |
16 Sonia 17 Alain |
18 Judith (IV) 19 Marc (VBis) 20 Géraldine (IV) |
22 Mathilde (I) 25 Mathieu (III) |
En effet, pour le critère d'élaboration de projet, nous souhaitions que, dans chaque catégorie, il puisse y avoir un nombre égal de projets élaborés et non élaborés, de façon à disposer d'un matériau d'analyse équilibré. Ce critère était plus difficile à apprécier en nous appuyant uniquement sur les fiches renseignées pendant la prestation d'orientation. De plus, relevant d'un processus dynamique, il était susceptible d'évoluer dans le temps, d'autant plus que le suivi effectué au premier trimestre 1998 n'était pas encore achevé 734 . Nous n'avons pas obtenu l'équilibre souhaité, notamment dans les catégories 1 et 3, comme le montre le tableau, où le nombre de projets "élaborés" est plus important que les "non-élaborés" (six projets élaborés contre trois non-élaborés). Ce déséquilibre sera compensé en approfondissant l'analyse des interviews. Néanmoins, on rejoint les chiffres du bilan qualitatif 1997 de la MIFE (56%), avec 52% de projets élaborés dans notre groupe de vingt-cinq témoins.
Sans que ce soit un critère déterminant, mais pour rejoindre notre souci initial de représentativité, par rapport au public de la MIFE et à l'économie du département, nous avons essayé de choisir, pour notre petit groupe-témoin, des personnes issues de secteurs d'activité professionnelle diversifiés. Parmi eux, les plus significatifs sont ceux des services, représentés par sept personnes (Mélanie, Claire, Jeanne, Daniel, Sarah, Brigitte, Alain) et du commerce-hôtellerie, totalisant également sept personnes (Cathy, Pauline, Gérard, Sonia, Estelle, Mathilde, Antoine) ; viennent ensuite le socio-éducatif avec quatre personnes (Jacques, Léa, Liliane, Fanny), le médico-social avec trois personnes (Paul, Judith, Géraldine ), le secteur industriel avec trois personnes (Margaux, Marc, Mathieu). Enfin, une étudiante (Nathalie) ne relève d'aucun domaine 735 .
Cf. en annexe Bilan quantitatif et qualitatif des EMOP réalisés par la MIF/Centre vocationnel de Savoie - année 1997, document MIFE, 2 p. Dans ce bilan sont présentées de manière statistique, les caractéristiques du public en termes d'identité (sexe, âge, niveau d'études), de situation professionnelle, de demande (juridique, métiers, offre de formation, orientation professionnelle), de projet (emploi direct, reconversion, qualification, perfectionnement, promotion). Outre l'aspect quantitatif, ce bilan comporte une évaluation qualitative, basée sur un suivi à l'issue de la prestation, réalisé à partir de contacts téléphoniques. Le suivi se décline sous la forme de quatre critères principaux : l'entrée en formation (stage en centre ou en entreprise), l'emploi (sous la forme de contrats de travail, aidé — c'est-à-dire tout contrat de travail donnant lieu à une aide de l'État, liée à l'alternance et/ou à des publics en difficulté d'insertion —, à durée déterminée et indéterminée, ou de création d'activité), la poursuite ou l'abandon de la démarche d'orientation.
Cette analyse a été effectuée en 1998.
En effet, du fait de l'existence de structures d'accueil spécifiques pour les jeunes primo-demandeurs, comme les Missions locales et les Permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO), une répartition dans le public jeunes s'est progressivement formalisée entre ces structures et la MIFE.
Nous utilisons la nomenclature ONISEP des niveaux d'études qui se répartit entre niveau VI et I de la manière suivante : niveau VI (sans diplôme), niveau V bis (1ère année CAP), niveau V (diplôme obtenu CAP, BEP), niveau IV (Bac, Bac pro, BP), niveau III (Bac plus 2), niveau II/I (Bac plus 3 et plus). Le public de la MIFE de niveau VI est minoritaire puisqu'il constitue 2% de l'ensemble (un peu plus de 20 personnes sur le millier d'EMOP).
Cf. Bilan EMOP, doc. cit.
Cf; modèle "Fiche d'entretien" en annexe.
Quand nous avons procédé à nos recherches, en février 1998, le fichier informatisé n'était pas encore opérationnel parce que la saisie des fiches n'était pas totalement achevée et nous avons dû manipuler le fichier manuellement, ce qui nous a permis de prendre connaissance immédiatement de l'ensemble du dossier des personnes (documents, modules d'orientation etc...) mais, cela a pris un peu plus de temps. Nous avions fait le choix de travailler sur la période de l'année 1997, et pour les statistiques globales et pour la sélection des personnes interrogées.
Parmi les 25 premières personnes sélectionnées nous avons appris le décès de l'une au moment où nous nous apprêtions à la contacter ; pour une personne, le courrier nous a été retourné pour cause de changement d'adresse, une personne pour qui un rendez-vous avait été donné n'est pas venue et n'a pas donné suite et quatre autres personnes n'ont pas pu être jointes au téléphone. Il a donc fallu procéder à un deuxième envoi à partir d'une réserve constituée lors de la première sélection.
En fait, notre matériel constitué à partir de 25 personnes interviewées, ne se prêtait pas aux règles de l'échantillonnage, qui supposent un matériel important quantitativement, et homogène. Cf. Laurence BARDIN, L'analyse de contenu, Paris, PUF, 1996, 8ème édition, p.127.
Les statistiques globales 1997 des EMOP indiquent un pourcentage de 22 % pour les salariés et professions libérales, 78 % pour les personnes sans emploi, comprenant les demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, les étudiants et les personnes sans activité non inscrites à l'ANPE, que nous avons réunies pour des raisons de commodité de calcul (parmi les 25 personnes nous avons interrogé une étudiante, Nathalie, représentative des personnes non inscrites à l'ANPE).
La différence la plus forte se situe au niveau des niveau V à VI, avec 28 % dans notre public de témoins et 45 % dans le public de la MIFE. Par contre le niveau IV est moins représenté avec 24 % sur 27 %, tandis que le niveau III accuse une augmentation de sept points (24 % au lieu de 17 %) et le niveau II de treize points (24 % au lieu de 11 %).
Nous avons classé les dossiers de Cathy, Sarah et de Judith parmi les projets non élaborés, et nous verrons au travers des entretiens-interviews qu'en fait ils feront partie de l'autre catégorie.
L'agriculture étant peu représentée dans le public MIFE, ce secteur n'apparaît pas dans notre étude.