Pour avancer dans notre évaluation, il nous faut regarder le deuxième objectif, que nous avons évoqué, celui de la mise en œuvre ou de la réalisation concrète du projet, qui s'opère après confrontation avec l'environnement extérieur de l'emploi et de la formation. La lecture des entretiens-interviews nous a permis de mettre en exergue dix étapes de réalisation, plus ou moins dépendantes les unes des autres, autour de deux axes, la formation et l'emploi, avec une exception pour Judith, dont le projet élaboré n'est pas, pour l'instant, professionnel.
Le tableau 7 "Étapes de réalisation du projet", ci-dessous, facilitera la perception de ces étapes, jalonnées d'entretiens de suivi.
Étapes de réalisation du projet et du changement professionnel | |
Changement / Formation | |
Attente formation | Claire (3) : 2ème partie perfectionnement secrétariat (comptabilité) Jacques (6) : dernière étape sélection formation moniteur-éducateur Pauline (7) : 2ème étape formation longue durée animation (BEATEP) Sarah (9) : dernière étape sélection formation moniteur-éducateur Fanny (21) : cours du soir de psychologie à l'automne 98 |
Validation des acquis | Antoine (24) : en cours acquisition du BTS Tourisme (1ère phase du projet) |
Formation en cours |
Gérard (10): Mastère management de projet productions aquacoles Pauline (7): formation animation : BAFA |
Formation effectuée |
Margaux (1): Permis D conducteur bus Mélanie (2) : Technicien secrétariat bureautique Claire (3) : 1ère partie perfectionnement secrétariat Cathy (4) : Initiation bureautique Liliane (15) : Formation agent d'insertion sociale et professionnelle Sonia (16) : Formation BAFA |
Changement / Emploi | |
Choix temps partiel | Géraldine (20) : dans l'attente d'élaborer son projet et pour un mieux-être personnel |
Évolution dans l'emploi | Mathilde (22) : son employeur lui confie des tâches en gestion de ressources humaines |
Recherche d'emploi | Margaux (1), Daniel (8), Liliane (15), Sonia (16), Alain (17), |
création emploi | Gérard (10), Léa (12) |
Accès emploi nouveau précaire |
Mélanie (2) : stage vocationnel 6 mois secrétaire comptable Cathy (4) : CDD 6 mois à la Poste Jeanne (5): CES 1 an secrétariat en collège |
Accès emploi nouveau stable |
Brigitte (11) : CDI vendeuse-décoratrice Paul (14) : CDI directeur d'établissement social Estelle (23) : CDI assistante commerce international |
Autre | Judith (18) : accepte son état d'invalidité et envisage une deuxième étape de vie hors du salariat |
En ce qui concerne la formation, l'attente d'une entrée en stage peut être une première phase de réalisation du parcours. Elle sera une simple attente par rapport à un calendrier de stage pour Claire, Pauline et Fanny, ou conditionnée par la réussite d'une sélection plus arbitraire, comme pour Sarah et Jacques. Dans le cas d'un échec à la sélection, le travail sur le projet doit être repris, en termes d'abandon ou de poursuite selon les chances à évaluer. Nous avons appris par la suite, que Sarah et Jacques 779 avaient échoué à la sélection, avec un moindre mal, puisque tous deux ont pu trouver un emploi, certes précaire, dans le secteur professionnel qu'ils briguaient. Ils envisagent donc la poursuite de leur projet en se présentant de nouveau, l'année prochaine, au concours.
La validation des acquis, qui devient un processus complémentaire d'accès à la formation, exige la réalisation d'un dossier personnel et l'obtention d'équivalences de diplôme, donc un temps de mise en œuvre équivalent au moins à une année scolaire. Dans le cas d'Antoine, la procédure était en cours d'achèvement 780 .
La formation peut être en cours, par exemple, le BAFA pour Pauline, qui projette de postuler ensuite au Brevet d'État d'animateur technique d'éducation populaire, et une formation universitaire rare que Gérard a accepté de suivre dans la région Languedoc-Rousillon. Une fois la formation effectuée, ce qui a été le cas pour six personnes dans notre groupe 781 , se pose la question de l'emploi, de son accès pour les chômeurs ou de son évolution pour les autres. Cette phase achevée conduira par exemple, Margaux, Mélanie, Cathy, Sonia et Liliane, dans la dynamique ultérieure de la recherche d'un travail.
Mais, quand la formation ne débouche pas sur une insertion professionnelle, la personne doit souvent repartir à la case "départ" et à nouveau engager une procédure d'élaboration de projet, ce qui confirme la nécessité d'un accompagnement durable 782 .
En ce qui concerne l'emploi, nous avons dégagé six variables, au travers de nos entretiens-interviews, en rapport avec la situation préalable des personnes. Pour les personnes salariées, trois cas se sont présentés : le choix d'un temps partiel, pour Géraldine, dans l'attente d'y voir plus clair dans son projet professionnel, afin de ménager sa santé fragile et d'atténuer son malaise dans son travail ; une évolution dans l'emploi pour Mathilde, qui, bien que son projet ne soit pas encore élaboré, explore ainsi la voie de la gestion des ressources humaines au sein de son entreprise ; et enfin l'accès à un emploi nouveau et stable pour Estelle, recrutée dans une grande entreprise sur un poste d'assistante en commerce international, auquel elle aspirait.
Pour les personnes au chômage, sept sont à la recherche active d'un travail. Pour cinq, il s'agit d'un emploi salarié et pour deux, d'une possible création d'activité. Les différentes étapes de réalisation du projet, conduisent, au mieux, à l'accès dans un poste nouveau et stable, ce qui s'est passé pour Brigitte, qui a trouvé rapidement l'emploi correspondant à son nouveau projet. Mais la plupart sont obligés de passer par l'épreuve difficile et solitaire de la recherche d'un employeur. Margaux, confortée par sa formation de conductrice de car, est confrontée à la difficulté de trouver un contrat à temps plein, dans la profession du transport en commun qui a développé le temps partiel pour des raisons économiques et, en tant que femme seule, cela lui pose problème. Liliane, très motivée dans son choix et après avoir suivi une formation adaptée, est prête à "maintenir le cap quoi qu'il arrive, même s'il faut attendre plusieurs mois", pour trouver un travail dans les métiers de l'insertion. Sonia, qui a différé son projet d'animation d'enfants, a posé sa candidature pour un poste de maître-auxiliaire dans l'enseignement à la rentrée.
Le projet peut également se concrétiser par la création d'activité. Gérard, qui termine une formation universitaire, envisage de s'installer dans la commercialisation d'espèces de poissons tropicaux "parce qu'il y a des demandes" et, pour cela, recherche des missions à l'étranger. Léa a pris des contacts auprès d'associations de formation et d'insertion, pour présenter ses projets pédagogiques et obtenir des missions. Elle explore également la possibilité de créer sa propre structure.
La mise en œuvre du projet peut se réaliser également par un retour au métier d'origine. C'est l'exemple de Paul, qui repart vers la direction d'établissement social, ayant pu faire le deuil de son dernier emploi, après avoir exploré la voie de la création d'activité. Daniel, après s'être engagé dans la piste du tourisme, envisage de retrouver son métier, dans l'immobilier. Il déclare "y retourner avec plaisir", en gardant "ses rêves pour plus tard". La phase d'exploration ne l'a pas convaincu de la viabilité d'une reconversion dans un secteur fluctuant, marqué par la saisonnalité. Alain, après avoir exploré sans succès le secteur touristique, va poursuivre sa recherche dans son précédent métier en logistique des transports, reconnaissant que, face au "besoin de retrouver un équilibre professionnel" par un travail, il a dû "faire machine arrière... même si cela ne l'enchante pas". À la différence de Paul et de Daniel, qui envisagent de revenir à leur ancien emploi avec plaisir, on peut s’interroger sur la force de sa motivation pour ce retour à son métier d'origine.
Ces témoignages confirment également les limites d'une évaluation centrée sur le seul accès à l'emploi, même si cela reste la principale finalité de la prestation d'orientation. En effet, compte tenu de la pénurie, les personnes doivent déployer une grande énergie pour une recherche qui s'étale sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour les besoins de notre étude, nous présentons la situation professionnelle de personnes, arrêtée à un moment donné, qui ne correspond pas toujours aux délais de recherche d'emploi, nécessaires et contraignants pour certaines d'entre elles.
Nous avons appris entre-temps que Jacques avait échoué à la sélection d'entrée à l'école de Moniteur-éducateur et qu'il continuait son contrat CES dans l'attente de retenter le concours l'année prochaine.
Antoine passait une dernière épreuve écrite en mai et une épreuve orale en juin 1998.
Pour Claire, la formation s'est déroulée en deux temps dans des organismes différents et au moment où nous rédigions, elle était toujours en attente d'entrer dans la deuxième phase (comptabilité). Nous n'avons pas compté les formations antérieures suivies par Sarah, qui n'entrent plus dans le cadre de son dernier projet.
Cela fut le cas de Sarah, qui avait auparavant suivi une formation de gestion de collectivité dans le cadre d'un premier projet, qui n'a pu se concrétiser, faute d'avoir trouvé un emploi.